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Le chevalier au lion

Publié le 21/01/2015

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Un début original Lecteur est précipité d'emblée in media res Calogrenant raconte l'aventure qui déclenche le roman, d'accéder à l'existence capacité de bien parler comme le suggère Calogrenant dans son discours inaugural. Mais récit maladroit comme le démontre les railleries de Keu et la séquence dilatoire de l'arrivée de la reine. Toute la suite de l'oeuvre, ou du moins tout le premier vers, constitue un effort pour corriger cette mauvaise copie, pour réécrire l'histoire comme il convient. Vilain gardien des bêtes: motif mythique adapte au gout du jour. Dans livre d'Artus, vilain rencontre par Yvain = Merlin. Vilain, figure liée à la fécondité par son rapport à la nature et aux animaux. Vilain & vavasseur = marqueurs sur le chemin qui conduit a l'épreuve Le temps de l'aventure Intervention du roi Arthur place le récit de Calogrenant dans la sphère du réel. Ne s'agit plus d'un « conte » que le jongleur raconte pur faire passer le temps, mais d'une aventure destinée à l'un de chevaliers de la cours arthurienne, une de ces épreuves qualificatrices qui constitue la raison d'être de la table ronde, et sa justification. Arthur impose un terminus ante quem: événement qui ne peut arriver qu'avant une date donnée => l'aventure individuelle doit être achevée avant cette date. La présence de la cours servira à entériner la victoire d'un chevalier précis. Keu obtient la bataille avant tout le monde, ce dont est convaincu Yvain, fait écho à la scène initiale du Chevalier à la charrette, Keu obtient la bataille contre le chevalier provocateur qui veut enlever la reine. Gauvain même statut de "brillant second" Répétition et progression Apres rapide résumé du voyage d'Yvain, reprise du cours des événements quand il se passe quelque chose de nouveau = combat entre Yvain et le chevalier de la fontaine. Résultat de ce choix narratif est que la merveille n'est jamais décrite en détail que par Calogrenant = figure de conteur redoublant à l'intérieur de la fiction la voix du narrateur et non comme un héros au sens classique du terme. L'irruption du surnaturel Tempête, phénomène de magie sympathique. Mise en scène de type féerique. Locus amoenus typique comme l'est la fontaine, on rencontre non pas un chevalier armé, mais une fée au bain, qui fait peser sur l'imprudent une geis (incantation magique prononcée par le druide) autrement dangereuse qu'un simple combat chevaleresque. La fontaine du Chevalier lion a subi une évolution qui lui permet de s'intégrer à un système courtois & chevaleresque en perdant un peu sa dimension surnaturelle. Nature féerique de cette aventure est structurée selon un principe de pouvoir matrilinéaire : qui se fait, se repose sur l'ascendance maternelle. Chevalier qui défend fontaine peut être n'importe quel champion. L'anneau d'invisibilité constitue le pendant de celui de Lancelot dans le Chevalier à la charrette : l'un permet de détecter les enchantements, l'autre opère précisément un enchantement cad qu'il met en déroute le témoignage des sens humains. Gens du château, qui ont trouvé de part & d'autre de la porte les deux moitiés du cheval d'Yvain, sont bien conscients d'être les victimes d'un enchantement. On peut donc reconnaître la présence de la magie mais on ne peut pas lutter contre elle. Préciosité & rhétorique courtoise Intérêt du passage est de montrer l'alliage fragile entre une conception utilitariste de la strucutre sociale reposant sur la chevalerie & une conception courtoise, où l'amour l'emporte sur les autres considérations. Souci purement pragmatique de rapporter à la cours d'Arthur un preuve tangible de sa victoire, fait place à l'amour qu'il ressent pour la veuve de la victime. Vue de sa beauté menacée & des manifestations extravagantes éveillent l'amour dans le coeur du chevalier, selon procédure classique d'énamoration au Moyen-âge. Art de Chrétien de Troyes consiste à introduire ironiquement cette nouvelle tonalité dans son oeuvre, en faisant ressortir le contraste entre la situation objective du héros & ses préoccupations sentimentales. Insertion de considérations &presque précieuse sur la nature & les effets de l'amour. Débat artificiel d'Yvain fait appel aux ressources les plus subtiles de la rhétorique. Narrateur prend soin de garder une certaine distance gentiment ironique vis-à-vis de son récit. Masque de la courtoisie : chevalier soumis au bon plaisir de la dame. Transparaît une conception misogyne. Coeur de la femme muable. Dernière la dame courtoise réapparaît la figure de la fée toute-puissante qui règne en maîtresse absolue sur son domaine & « consomme » à son gré les chevaliers qui ont le malheur de tomber entre ses mains : mère castratrice & dominatrice, image d'une féminité redoutable & redoutée que le système courtois a bien du mal à tenir en lisière. Le rôle de la demoiselle suivante D'après les textes ultérieurs, aussi bien les informations que l'on peut retirer des contes &légendes celtiques connus, par ailleurs la suivante occupait à l'origine le rôle central de la fée, dont elle a été délogée par le processus d'évhémérisation qui a préféré mettre en valeur une figure de dame courtoise, sans lien avec la « nigremance ». Mariage tout à fait conforme à la logique du récit féerique. Le dialogue amoureux Yvain répond par monosyllabes aux questions de la dame, qui est parfaitement consciente des sentiments qui le gouvernent, &qui feint l'étonnement. Dialogue empreint de délicatesse & d'humour se situe dans toute une tradition qui va de l'aveu que fait Lavine de son amour pour Enéas, dans le roman qui porte ce titre, à la déclaration d'amour par monosyllabes échangées semaine après semaine dans le récit occitan de Flamenca. Traitement au second degré qui prend ses distances par rapport au code dominant. L'onomastique Dame de la fontaine n'est jamais nommée. Mari de la dame se voit décerner à tire posthume, & en quelque sorte par un remords de conscience de l'auteur : Esclados le Roux. Ultime manière de justifier le meurtre d'Yvain => a tué un homme méchant & enclin à la traîtrise. La structure féodale Dame de la fontaine & demoiselle suivante n'en font qu'à leur tête. Extérieurement, toutes deux sauvent les apparences & respectent extérieurement les formes du système social. Dame qui dispose d'un fief doit le gouverner en accord avec ses barons & doit consulter ceux-ci quand elle a des décisions importantes à prendre, en particulier lorsqu'elle veut se marier. Pour barons, « mauvaise coutume » attachée au fief, celle d'entreprendre la défense de la fontaine, se laissent facilement convaincre. Cadre externe de la relation féodale entre suzerains & vassaux est respecté à la lettre, mais dans l'esprit les deux femmes sont maîtresses de la situation. « Geis » celtique & contrat courtois Le terme mis par la dame au retour d'Yvain souligne bien sa nature féerique : il s'agit clairement d'un de ces « tabous » qu'imposent fréquemment les fées à leurs amants mortels (le plus fréquent que l'on apparaître par exemple dans le Lai de Lanval de Marie de France est celui du secret. Qui se marie avec une créature de l'Autre Monde doit respecter les règles, & en particulier renoncer à en sortir à son gré : la fonction de défenseur de la fontaine est une prison dorée, mais une prison tout de même. Anneau offert par Laudine semble doté de vertus magiques puisqu'il protège celui qui le porte de toute blessure & de toute défaite dans un combat. Sens strictement courtois, suggéré par la dame elle-même : sa vue rappelle au chevalier la dame que le lui a donné, & ce souvenir, comme il se doit, décuple ses forces, le rendant à peu près invincible. Intéressant de voir comment Chrétien de Troyes réussit à fondre de manière harmonieuse des éléments ressortissant à une thématique magique, & d'autres qui font partie du code courtois à la mode. Chevaliers représentent le produit le plus achevé de la civilisation humaine Le chevalier comme mercenaire Point de vue de Noroison pas désintéressé. Discours courtois se surimprime sur un échange de nature presque commerciale. Pas générosité inconsidérée. La bataille contre le comte d'Alier Cet épisode ne fait pas véritablement partie du processus de réhabilitation que va encourir Yvain. S'agit d'une séquence de rétribution, au cours de laquelle il rend à la dame de Noiroson le bienfait qu'elle lui a procuré en le guérissant de la folie. Pour cette raison, les causes de la guerre entre le comte & la dame ne sont pas exposées. Yvain est revenu sur le plan physique à son état primitif de bon chevalier, preux & courtois. Yvain va pouvoir faire les premiers pas sur le chemin qui mène à la perfection morale & spirituelle. Le lion & le serpent Dans la Queste du saint Graal le serpent symbolisera de manière constant le diable, ou au mieux l'Ancienne Loi, tandis que lion, image de la Nouvelle Loi & du Christ. Lecture symbolique est d'ailleurs présente dans tous les Bestiaires, avec des justifications plus ou moins fantaisistes. Yvain fait donc indubitablement le bon choix. Queue coupée peut suggérer qu'Yvain, encore imparfait, doit progresser avant de parvenir à un état de complétude physique & spirituelle. Yvain sur la voie de la rédemption. Progrès moral correspond à l'attribution d'une désignation périphrastique dotée de très riches connotations symboliques. Le suicide du lion Lion fortement anthropomorphisé tout au long du roman. Attribution des motivations & des réactions humaines & narrateur décrit en détail processus mentaux. Toute une mise en scène du suicide : sortir l'épée du fourreau, à la coincer entre deux roches pointe en l'air, prendre de l'élan pour se précipiter dessus. Ce fait accentue encore la valeur symbolique de l'animal. Si le lion mourrait, ce serait l'âme d'Yvain, ou tout du moins sa chance de rachat, qui périrait. Le péril de Lunete Donne une nouvelle dimension au personnage : pas seulement une fée humanisée qui se plaît à arranger à son gré la vie sentimentale de sa dame, c'est aussi une bonne chrétienne, pratiquant autant qu'elle peut la vertu courtoise par excellence, cad la largesse. Le géant Harpin Comme tous les géants, Harpin pose une menace de nature sexuelle : c'est à la fille du seigneur qu'il en a. La mort de deux des six fils du malheureux père ne constitue pas un prix trop élevé pour préserver la virginité de la jeune fille (nièce de Gauvain, donc petite-nièce d'Arthur), la pureté du lignage. Victoire d'Yvain, aidé de son lion, peut être interprétée comme le triomphe du héros sur ses propres pulsions animales & asociales. Yvain & Lancelot Deux aventures arthuriennes ne sont pas présentées comme indépendantes, mais comme deux parties d'un même ensemble. Cette allusion casuelle contribue à doter le monde d'Arthur & de la Table Ronde d'une épaisseur réaliste considérable, tout en constituant un précieux effet d'intertextualité. L'héritage de Noire Espine Episode constitue le point culminant du processus de réhabilitation qu'encourt Yvain, parce qu'elle va lui permettre de mesurer sa force contre Gauvain. Récit de sa quête d'un champion, sa maladie, l'errance de la jeune fille qui la remplace, tout cela contribue à accroître la sympathie du lecteur à l'égard de ce personnage & de ce qu'elle représente (« pucelles déconseillées ») Quand Yvain accepte sans se faire prier de défendre cette cause, il montre qu'il est devenu un chevalier parfait, conscient des devoirs de sa fonction. Duel avec Gauvain montrera qu'il est aussi bon que celui-ci. D'un point de vue spirituel, Yvain est le meilleur chevalier du monde. On peut même établir une classification trinitaire : Gauvain, parfait chevalier mondain, Lancelot, parfait chevalier courtois, Yvain, parfait chevalier chrétien, précurseur d'un Perceval ou même d'un Galaad. C'est en raison de son progrès spirituel qu'il méritera son pardon. Le combat judicaire On ne fait plus confiance au jugement de Dieu, on préfère obtenir des garanties plus matérielles. C'est ainsi que, dans les romans du 12ème siècle, certains personnages remarqueront avec amertume que même si la Reine Guenièvre était coupable de tous les crimes possibles, personne n'oserait l'accuser, vu que son champion Lancelot est le meilleur chevalier du monde. Etablissement d'une hiérarchie des bons chevaliers disponibles, régulièrement mise à jour : derniers exploits d'Yvain se font rapidement connaitre. Comme le dit Yvain, un chevalier ne doit pas garder secrets ses hauts faits, parce qu'en réalité, il est au service de la communauté & doit faire connaître ses aptitudes. Les pucelles tisserandes S'agit plutôt d'une variante sur le thème du tribut livré au monstre : 300 captives ressemblent davantage à des créatures féeriques sur lesquelles pèse un tabou cruel qu'à des ouvrières subissant l'oppression d'une classe dominante. Motif mythique a plutôt subit une évolution rassurante : au lieu d'être dévorées par le monstre (comme c'est le cas pour le Minotaure), ou violées par le géant, les victimes sont simplement mises aux travaux forcés. Leur fonction filandières les rapprochent des Parques ou, dans une autre mythologie (nordique), des Nornes, qui filent le destin des hommes. Insistance de la valeur du texte sur leur travail, dont elles ne profitent, a pour but de souligner la méchanceté radicale des fils du netun. Cet atelier de tisserandes va a l'encontre de la vertu chevaleresque = largesse. Les fils du netun Se rapprochent du modèle de la bête brute. Ce sont des « sergents » : combattent à pied & pas armes nobles. Le fait qu'un seigneur apparemment courtois emploie de telles créatures pour maintenir son pouvoir sur ses terres révèle la part sombre de la chevalerie. En les combattant, Yvain combat sa propre animalité, telle qu'elle est venue au jour pendant l'épisode de la folie. On pourrait penser que l'intervention du lion constitue un rupture du contrat entre Yvain & ses adversaires, mais le texte considère clairement qu'elle est tout à fait normale, & même digne de louanges. Sans code chevaleresque qui tienne, tous les coups sont permis. Le lion fait partie d'Yvain, il incarne une part de sa psyché. L'hôte coercitif Pas dépeint sous les couleurs les plus favorables. Avant même de le rencontrer, le lecteur sait qu'il s'agi d'un individu avare & âpre au gain puisqu'il fait travailler les 300 fileuses sans même les entretenir convenablement. Tableau de genre inédit où jeune fille lit un roman à ses parents => s'agit en fait que d'un mince vernis de civilisation & de courtoisie qui vole en éclats à la moindre provocation. Indignation du roi n'en est que plus considérable. Fait d'abord mine de vouloir garder le chevalier en prison, puis adopte une pose d'indifférence jouée qui lui permet au moins partiellement de sauver la face : sa fille n'est pas assez vile pour qu'il faille supplier n'importe quel chevalier de condescendre à l'épouser ! Faux seigneur régnant d'une manière discourtoise => ne serait-ce pas les fils du seigneur, ainsi connoté de diabolisme ? La justice royale Ce n'est lorsque le combat singulier s'est achevé en match nul que le roi peut intervenir plus librement. Il faut qu'Arthur la coupable obstinée dans son crime de déclarer vaincu son propre neveu pour qu'elle cède enfin, devant cet artifice légal, & rende à celle qu'elle a spoliée ce qui lui appartient. Les frères ennemis Motif extrêmement récurrent en littérature que le combat de deux amis, voie de deux frères, qui sans se reconnaître, s'opposent jusqu'à la mort. Pour Yvain, épreuve de qualification suprême. Ne parvient pas à vaincre Gauvain => ce qui est totalement impensable de le cadre de l'univers arthurien, où le neveu d'Arthur constitue l'étalon de la prouesse, l'idéal inaccessible des vertus chevaleresques, un horizon d'attente indépassable Gauvain est le premier à s'étonner de match nul & admire son adversaire. Est ici réinstallé dans sa nature de chevalier courtois par le fait de cette confrontation avec le plus pur produit. Achèvement du cycle Entreprendre à bon droit l'ultime reconquête, celle de l'amour sans lequel il ne saurait avoir de chevalier parfait. Episode de Noire Espine augure bien de la réconciliation finale. A cause de Gauvain qu'Yvain déchu de son rang courtois, à cause d'une mauvaise interprétation des principes même de la vie chevaleresque. Sa victoire morale en cette circonstance constitue le châtiment de la légèreté dont a fait preuve son alter ego, & la preuve de propre perfectionnement. Chantage Yvain a tout simplement l'intention de forcer la main à sa dame en déclenchant la tempête sur la fontaine. Rappelle ainsi à Laudine qu'elle doit avoir un défenseur &pour cette raison qu'elle a épousé Yvain. La place dans une situation intenable, puisque, vis-à-vis de ses vassaux, à qui elle doit protection, la malheureuse ne peut refuser de reprendre l'époux capable d'assurer la défense du territoire menacé. Code féodal, dont dépend la fée évhémérisée, s'oppose à la logique courtoise selon laquelle un amant coupable ne saurait être à nouveau reçu en grâce. Double langage Tout se joue sur la double identité d'Yvain, qui est aussi le chevalier au lion. En un sens, Lunete ne trompe pas sa dame : c'est un bien un homme nouveau que celle-ci va pouvoir réconcilier avec celle qu'il aime. Une fin en « queue de poisson » Réconciliation purement formelle satisfait aussi bien le lecteur médiéval que le chevalier au lion. Mais passablement artificielle aux yeux du lecteur moderne : dame ne rend pas son amour au chevalier de plein gré, elle en le fait que du bout des lèves car refuse de se parjurer.

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