Devoir de Philosophie

Conscience en psychanalyse

Publié le 03/04/2015

Extrait du document

conscience

conscience n.f. (angl. Conscious-ness, Awareness; allem. Bewtifit-sein). Dans la première topique de Freud, lieu du psychisme qui peut être considéré comme équivalent à un organe des sens.

LES PROBLÈMES DE LA DÉFINITION PSYCHANALYTIQUE

Plusieurs acceptions se réfèrent au terme de conscience que l'anglais (Consciousness, état de conscience ; Awareness, conscience, connaissance; Conscience, conscience morale) et l'alle­mand permettent de distinguer, con­trairement au français. En allemand, on distingue : 1. Bewuetsein, qui désigne à la fois chez Freud la conscience et le conscient; 2. Gewissen, qui signifie conscience morale. Ce second terme est plus particulièrement lié aux mises en place de Totem et tabou (1912) et de la deuxième topique. Le premier fluctue entre les deux sens : conscience, conscient, souvent pris l'un pour l'autre.

Toutefois, on peut considérer que Freud est amené à utiliser deux sys­tèmes: 1. le système inconscient - pré­conscient - conscient, où le conscient est un lieu particulier de l'appareil psy­chique, lieu séparé de l'inconscient par le préconscient, qui constitue le pas­sage obligé pour un éventuel accès au conscient (on voit immédiatement ici la proximité conscient - conscience et la confusion possible des deux mots, confusion qui ne manque pas de se faire); 2. le système perception ­conscience, qui apparaît plus tardive­ment, où la conscience a le rôle d'un organe des sens.

Dans des textes qui s'échelonnent de 1895 (Esquisse d'une psychologie) à 1938 (Abrégé de psychanalyse), Freud parle de la conscience comme d'une qualité du psychique.

En réalité, il semble bien que la notion de conscience le laisse dans un très grand embarras.

DÉVELOPPEMENT

La place que Freud donne à l'incons­cient l'inscrit nécessairement en faux contre la donnée de base des philo­sophes de son temps, pour qui la conscience est l'essence du psychisme, c'est-à-dire la faculté permettant à l'homme de prendre connaissance du monde extérieur comme de ce qui se passe en lui-même et de régir ses com­portements. Son expérience clinique le conduit, au contraire, à affirmer que la conscience n'est qu'une partie du psy­chique et qu'elle n'a pas connaissance de certains phénomènes, ceux précisé­ment qui l'obligent à postuler l'in­conscient.

Cette position, négative en quelque sorte, n'est pas une définition. Freud n'éprouve pas le besoin d'en donner une, il se sert de ce terme dans un contexte flou mais en consigne les caractéristiques au gré de son travail.

CARACTÉRISTIQUES

On aurait pu espérer les trouver réunies dans l'article qu'il écrit sous cet intitulé en 1915 mais celui-ci ne verra pas le jour de la publication. On est ainsi amené à rassembler des données dis­persées. Chez Freud, dans l'Interpréta­tion des rêves, les distinctions incons­cient - préconscient - conscient «supposent une conception particulière de l'essence de la conscience. Le fait de devenir conscient est pour moi un acte psychique particulier, distinct et indé­pendant de l'apparition d'une pensée ou d'une représentation. La conscience m'apparaît comme un organe des sens qui perçoit le contenu d'un autre domaine.« L'acte psychique qui per­met ce devenir conscient est soutenu par l'attention, fonction psychique sur laquelle Freud insiste à plusieurs reprises, remarquant sa nécessité en raison de la fugacité spontanée de la conscience. L'orientation de l'attention favorise le passage vers le conscient des

représentations préconscientes tout autant que l'énergie investie dans les­dites représentations, énergie qui force — ce sont les termes freudiens — ce passage. L'inconscient, quant à lui, «ne peut en aucun cas devenir conscient« en dehors du travail de la cure, qui doit permettre la prise de conscience du refoulé (ce qu'on appelle le retour du refoulé).

La fonction psychique de l'attention permet que se constitue un système de repères qui se consignent dans la mémoire dont le siège est le précon­scient, car mémoire et conscience s'ex­cluent. Il en est, en effet, du pôle conscient de l'appareil psychique ima­giné par Freud comme de son pôle per­ceptif: ce sont des filtres qui ne retiennent aucune information. Parmi les perceptions qui parviennent à la conscience, c'est «l'épreuve de réalité« qui, au niveau du préconscient, a fait le tri et décidé de leur rejet ou de leur acceptation. Du fait que la mémoire et la conscience s'excluent, celle-ci ne peut être le siège de la connaissance et ce point va donc à l'encontre de la pen­sée contemporaine de Freud. Par con­tre, l'identité de la conscience et de la raison se comprend mieux dans la mesure où l'exercice de celle-ci est dis­continu. À ce propos, la relation au temps est, dit Freud, «liée au travail du système conscient «.

C'est aussi à la conscience qu'appar­tiennent «le prononcé de jugement impartial« et la transformation «de la décharge motrice en agir« selon son expression dans les Formulations sur les deux principes de l'événement psychique (1911). C'est elle, enfin, qui régit l'affec­tivité.

Totem et tabou voit l'introduction de la conscience morale comme «la percep­tion interne du rejet de certains désirs que nous éprouvons«. Les textes ul­térieurs, plus particulièrement la deuxième topique : le moi, le surmoi et le ça, distinguent la conscience morale de la conscience. «Nous la compterons

[la conscience morale] avec la censure de la conscience et l'épreuve de réalité au nombre des grandes institutions du moi. « Dès lors, le moi occupe une posi­tion centrale, et la conscience morale, à laquelle se trouvent liées la culpabilité et l'angoisse, prend une dimension analytique.

LACAN

Cinquante ans après l'Interprétation des rêves (1900), Lacan constate que, dans son auditoire, «il yen a plus d'un dont la formation est de philosophie tradi­tionnelle et pour qui la saisie de la conscience par elle-même est un des piliers de la conception du monde «, c'est-à-dire que l'essentiel du message de Freud semble oublié, voire rejeté. Nombre des disciples de ce dernier centrent le travail de la cure sur le moi et ses résistances. Lacan insiste sur «le retournement de perspective qu'im­pose l'analyse «. Il avance que le sujet qui parle, c'est le sujet de l'inconscient et il opère une véritable fracture dans la théorie analytique en séparant ce sujet de l'inconscient du moi conscient et en réaffirmant la dimension imaginaire de celui-ci, comme il l'avait fait dès 1936 dans sa communication sur «le stade du miroir «. Certes, la fascination s'y avère nécessaire à la constitution du moi mais elle ne peut se poursuivre dans la cure.

Ici, la conscience, support du moi, n'a plus une place centrale ; le moi n'est, selon Lacan, que la somme des identifications successives, ce qui lui donne le statut d'être un autre pour lui-même et c'est le sujet de l'incon­scient qui nous interroge. Entre les deux, «il y a non seulement dissymé­trie absolue mais différence radicale« dit encore Lacan, qui illustre son pro­pos à l'aide du schéma L (—> mathème, fig. 1), où sont figurés en S le sujet et en a le moi, l'Autre A introduisant l'ordre symbolique.

Lacan ne néglige pas la conscience mais il en dénonce les illusions. Pour

lui, la conscience n'est pas connais­sance mais mé-connaissance, où il joue sur le double sens du « mé «: connais­sance (jusqu'à quel point?) du moi et inverse de la connaissance. Ajoutons qu'il ne laisse pas la perception dans son statut freudien de pur filtre. Il la structure en la liant au symbolique, car à quoi servirait le perçu s'il n'était pas nommé ? « C'est par la nomination que l'homme fait subsister les objets dans une certaine consistance.« Quant au désir, étant en grande partie incon­scient, il échappe dans cette mesure à la conscience. Malgré la reprise par Lacan des textes de Freud, il s'établit entre leurs deux conceptions de la conscience une distance qui ne peut que retentir sur la conduite de la cure. Et pourtant, Lacan écrit: «Son expé­rience impose à Freud de refondre la structure du sujet humain en le décen­trant par rapport au moi, et en rejetant la conscience dans une position sans doute essentielle, mais problématique. Jedirais que le caractère insaisissable, irréductible pi.- rapport au fonctionne­ment du vivant, de la conscience, c'est dans l'oeuvre de Freud quelque chose d'aussi important à saisir que ce qu'il nous a apporté sur l'inconscient.«

Liens utiles