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m'être

Publié le 07/04/2015

Extrait du document

m'être n.m. Néologisme de J. Lacan forgé à partir des signifiants «moi« et «être«, évoquant la question de la maîtrise.

Ce néologisme conjoint l'emploi complexe chez Lacan de la notion d'être avec le développement de la question de la maîtrise, centrée depuis 1968 sur la notion de «discours du maître« (-4 discours). Il indique d'em­

blée une collusion entre le discours phi­losophique et le discours du maître. Cependant, il fait résonner, au-delà de l'impératif du signifiant maître — noté St dans l'algèbre lacanienne —, la dimension de commandement exercé par tout signifiant. De plus, il évoque l'illusion, la prise dans un imaginaire substantifié du moi d'un sujet engagé dans le discours du maître, ou dans un discours faisant appel au maître, tel le discours hystérique, ou encore dans la méconnaissance paranoïaque, qui constitue le paradigme de toute quête de l'être.

L'ÊTRE ET LE MOI

Dans les Propos sur la causalité psychique, prononcés en 1946 et publiés dans les Écrits en 1966, Lacan montre que l'être humain est d'abord celui qui s'aliène à l'image de l'autre (stade du miroir) en une série d'identifications idéales. C'est grâce à ces identifications que l'enfant entre dans la « passion d'être un homme «, de se croire un être humain. Le paranoïaque révèle crûment, éven­tuellement par le meurtre ou le suicide, que la coïncidence de l'être et du moi est méconnaissance : comme Louis II de Bavière, qui se prenait pour un roi, il confond une identification avec son être. Pourtant, d'être, il n'en a pas, puisque d'emblée il est un autre.

LE PARIITRE

La mise en jeu de la dimension symbo­lique du langage conduit vers la même conclusion mais permet de subvertir la problématique philosophique. Si le sujet se pose la question de son être, ce «que suis-je là? concernant son sexe et sa contingence dans l'être, à savoir qu'il est homme ou femme d'une part, d'autre part qu'il pourrait n'être pas« («D'une question préliminaire à tout traitement possible de la psychose «, 1959; Écrits) — cette question, au coeur

des symptômes, est posée au lieu de l'Autre, articulée en signifiants dans l'inconscient et adressée à l'Autre, c'est-à-dire à celui que le sujet va sup­poser occuper ce lieu et dont il va exiger réponse et reconnaissance. C'est donc parce qu'il parle que le sujet s'engage dans la quête et l'amour de l'être. Ainsi, Lacan forgera le néologisme de « par-lêtre « pour désigner l'être humain. La question philosophique de l'être s'en trouve déplacée : l'être est un effet de langue.

EtrRE Er LE MAÎTRE

L'expérience analytique des psychoses et des névroses obsessionnelles permet de constater clairement que tout signi­fiant est apte à exercer un commande­ment féroce sur le sujet sous forme de paroles imposées (—s névrose obses­sionnelle). C'est de ce pouvoir que le discours du maître tire son aptitude à faire lien social.

L'ontologie philosophique a isolé l'usage de copule du verbe « être « pour en faire un signifiant, l'être, qui dès lors s'est trouvé particulièrement capable de marquer la valeur impérative du signifiant. On peut lire ainsi chez Ans-tote, s'adressant à un futur maître, comment il est enjoint au sujet de réali­ser en lui-même un ordre éthique orienté par le souverain bien, ordre conforme à celui de l'être. Les philo­sophies d'inspiration religieuse mono­théiste assimileront sans peine Dieu à l'être. Mais il est remarquable que la psychologie, voire la psychanalyse dans certains de ses avatars traiteront du développement de l'enfant dans la perspective exclusive de l'acquisition de la maîtrise de soi: «Je progresse dans la m'êtrise, je suis m'être de moi comme de l'univers« ironisera Lacan dans le Séminaire, XX, 1972-73, « Encore « (1975). Cette psychanalyse pose le moi comme fonction de maî­trise au centre de l'appareil psychique.

Il y a donc une affinité de la dimen­sion imaginaire avec le discours du

maître. De même que l'imaginaire est organisé par une dialectique duelle, le discours du maître croit faire coupe avec ce qu'il tente de maîtriser et en ignore l'altérité. A l'exemple du couple paradigmatique homme/femme, les couples d'éléments opposés paraissent complémentaires et semblent consti­tuer une totalité de leur association, bien que le défaut d'un des éléments y soit toujours dénoncé. C'est méconnaître qu'un élément est l'autre du premier et non son complément, et qu'il occupe un autre lieu, le réel, et non le symbolique.

La psychanalyse lacanienne oppo­sera donc à l'ontologie et au discours du maître le statut préontologique, évasif et élusif de l'inconscient, dont la structure de fente et de battement tem­porel laissent entrevoir le lieu, le réel, d'où ça parle