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La sublimation en psychanalyse

Publié le 07/04/2015

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psychanalyse

 n.f. (angl. Sublimation; allem. Sublimierung). Processus psy­chique inconscient qui rend compte pour Freud de l'aptitude de la pulsion sexuelle à remplacer un objet sexuel par un objet non sexuel (connoté de certaines valeurs et idéaux sociaux) et à échanger son but sexuel initial contre un autre but, non sexuel, sans perdre notablement en intensité.

Le processus de sublimation de la pulsion ainsi défini fait valoir l'origine

sexuelle d'un ensemble d'activités (scientifiques, artistiques, etc.) et de réalisations (oeuvres d'art, poésie, etc.) qui paraissent sans aucune relation avec la vie sexuelle. Par là s'explique comment la sublimation toujours plus poussée d'éléments pulsionnels (subli­mation qui est le destin pulsionnel le plus rare et le plus parfait) permet, notamment, l'accomplissement des plus grandes oeuvres culturelles. M. Klein et J. Lacan, comme S. Freud, insistent sur ce point: quelque chose qui engage la dimension psychique de la perte et du manque et répond à l'in­tériorisation de coordonnées symboli­ques commande le procès de la sublimation.

Le terme sublimation ne renvoie chez Freud ni à « un bavardage sur l'idéal «, ni à l'importation d'une définition ou d'une description d'un processus chi­mique, ni davantage à une référence à la catégorie du sublime de l'esthétique philosophique. C'est par contraste et souvent de façon négative que Freud peu à peu dégage ce qui définit la subli­mation: par exemple, elle n'est pas à confondre avec l'idéalisation (proces­sus de surestimation de l'objet sexuel). Les éléments de théorisation sont frag­mentaires; il n'y a pas chez Freud de théorie constituée de la sublimation. On sait qu'il a détruit tout un essai sur cette question qui resta pour lui sur bien des points énigmatique. Il écrit ainsi en 1930 à propos de la satisfaction sublimée (c'est-à-dire une satisfaction qui n'est pas une satisfaction sexuelle directe): «Elle possède une qualité par­ticulière que nous parviendrons certai­nement à caractériser un jour du point de vue métapsychologique. « La subli­mation, que Freud réfère à un résultat et au processus qui permet d'aboutir à ce résultat, est loin de délimiter un champ de questions marginales. L'énigme qui se subsume sous son concept nous porte au contraire au coeur de l'économie et de la dyna­mique psychique.

SUBLIMATION ET PULSION SEXUELLE

Freud élabore le concept de sublima­tion en relation avec la théorie des pul­sions sexuelles pour rendre compte de ce qu'il soutient: l'homme crée, pro­duit du nouveau dans des domaines divers (arts, sciences, recherche théo­rique), a des activités, mène à bien des réalisations qui semblent sans aucun rapport avec la vie sexuelle alors même que ces réalisations et les activités dont elles relèvent ont une source sexuelle et sont impulsées par l'énergie de la pul­sion sexuelle. Ainsi, l'élan créateur, pour reprendre une expression de Klein, trouve, selon Freud, son point d'émergence initial dans le sexuel. Comment explique-t-il cela ? Par la capacité plastique de la pulsion sexuelle d'échanger son but originaire sexuel contre un autre non sexuel, de remplacer un objet sexuel par un autre non sexuel sans perdre pour l'essentiel en intensité. Ainsi, par exemple, la transformation en désir de savoir et en investigation intellectuelle de la curio­sité sexuelle infantile. Freud parle de pulsion sublimée pour rendre compte de cette transformation qui opère selon les voies du processus de sublimation. Il écrit en 1908: «La pulsion sexuelle met à la disposition du travail culturel des quantités de forces extraordinaire­ment grandes et cela par suite de cette particularité, spécialement marquée chez elle, de pouvoir déplacer son but sans perdre pour l'essentiel de son intensité. On nomme cette capacité d'échanger le but sexuel originaire contre un autre but, qui n'est plus sexuel, mais qui lui est psychiquement apparenté, capacité de sublimation« (la Morale sexuelle civilisée et la maladie ner­veuse des temps modernes, 1908). Le but de la pulsion, c'est la satisfaction. La capacité de sublimation, qui implique le changement d'objet, permet donc le passage à une satisfaction autre que la satisfaction sexuelle. Satisfaction qui n'en est pas moins «apparentée psy‑

chiquement« à la satisfaction sexuelle, c'est-à-dire que le type de satisfaction obtenu par les voies de la sublimation est comparable au plan psychique à la satisfaction procurée par l'exercice direct de la sexualité. Freud reprend ce point de vue de 1908 en 1917 dans l'Introduction à la psychanalyse: «La sublimation consiste en ce que la ten­dance sexuelle, ayant renoncé au plaisir partiel ou à celui que procure l'acte de procréation, l'a remplacé par un autre but présentant avec le premier des rap­ports génétiques mais qui a cessé d'être sexuel pour devenir social.« Lacan relève cette articulation de Freud, dont iJ fait valoir toute l'audace en disant à l'auditoire de son séminaire : «Pour l'instant, je ne baise pas, je vous parle, eh bien je peux avoir exactement la même satisfaction que si je baisais ! «

SUBLIMATION ET IDÉAL DU MOI

Freud souligne l'idée qu'il existe une certaine instabilité, vulnérabilité de l'aptitude à sublimer. On ne sublime pas une fois pour toutes mais, y com­pris chez ceux qui semblent le plus aptes à sublimer, c'est une capacité qui nécessite d'être psychiquement acti­vée. Les conditions qui permettent l'instauration de ce processus, son déroulement, son aboutissement sont dans la dépendance de contingences internes et externes. Sa réflexion sur la question du narcissisme" amène Freud à dégager une des conditions néces­saires à l'effectuation du processus de sublimation. L'invéstissement libidinal doit être retiré de l'objet sexuel par le moi*, qui reprend cet investissement sur lui-même puis le réoriente vers un nouveau but non sexuel et un objet non sexuel. Ce retrait de la libido" sur le moi et la réorientation de l'investissement vers du non-sexuel par désinvestisse­ment du but et de l'objet, c'est là un mouvement libidinal que Freud appelle « désexualisation«. La sublimation nécessite cette désexualisation qui

requiert l'intervention du moi. L'en­semble de cette opération est elle-même fortement corrélée à une autre opération fondamentalement néces­saire à la possibilité de toute sublima­tion. Du fait de quelque chose que Freud réfère à une trace archaïque qui relèverait de la civilisation et qui aurait pris fonction d'obstacle interne consti­tutif de la « nature « même de la pulsion sexuelle, celle-ci est incapable de pro­curer la satisfaction complète. C'est de cette incapacité assujettie aux «pre­mières exigences de la civilisation «, c'est-à-dire d'abord aux exigences parentales, que s'inaugure, soutient Freud, l'élan créateur et la possibilité de faire oeuvre, cela grâce à la sublimation. Il écrit ainsi: «Cette même incapacité de la pulsion sexuelle à procurer la satisfaction complète, dès qu'elle est soumise aux premières exigences de la civilisation, devient la source des oeuvres culturelles les plus grandioses, qui sont accomplies par une sublima­tion toujours plus poussée de ses composantes pulsionnelles« (Sur le plus général des rabaissements de la vie amou­reuse, 1912). Ce sont les mêmes com­posantes pulsionnelles non refoulées engageant certains sur les voies de la perversion* qui donnent lieu à subli­mation et fournissent «les forces utili­sables pour le travail culturel «. La sublimation permet de répondre sans refoulement" aux «premières exi­gences de la civilisation «, exigences intériorisées des interdits et des idéaux. Ces idéaux font partie intégrante de l'idéal du moi, instance constitutive du psychisme, héritière de l'idéal du nar­cissisme infantile, constituée sur les traces des premières identifications" à l'image de l'autre parlant, sur les traces intériorisées, assimilées de sa voix por­teuse d'exigence. La sublimation, note Freud, représente l'issue qui permet de faire avec du sexuel sans entraîner le refoulement tout en satisfaisant aux exigences du moi renforcées par l'idéal

du moi. Un idéal du moi élevé et vénéré n'implique pas une sublimation réus­sie, l'idéal du moi requiert la sublima­tion, il ne peut l'obtenir de force : «L'idéal peut bien l'inciter à s'amorcer mais son accomplissement reste com­plètement indépendant d'une telle incitation. «

LA QUESTION DU VIDE

Ce que Freud fait valoir par l'articula­tion de l'insatisfaction de la pulsion et des «exigences de la civilisation« in­tériorisées, source et aiguillon du mou­vement complexe dont procède la sublimation, c'est là pour Lacan la marque de l'introduction du signifiant* et de la dimension symbolique*. Klein, en 1930, fait entendre quelque chose du même ordre quoique à partir d'au­tres coordonnées : «Le symbolisme constitue la base de toute sublimation et de tout talent puisque c'est au moyen de l'assimilation symbolique que les choses, les activités et les in­térêts deviennent les thèmes des ' fantasmes libidinaux« (Essais de psy­chanalyse). À côté de l'intérêt libidinal, c'est une angoisse archaïque qui met pour elle en marche le processus d'identification et pousse à l'assimila­tion symbolique, base du fantasme, de la sublimation et de la relation du sujet à la réalité interne et externe. Un «sen­timent de vide intérieur« résultant de cette angoisse archaïque de destruc­tion du corps maternel peut pousser vers l'activité artistique, la création et donc la sublimation qui permet sa réa­lisation étant là résultat et processus visant à réparer cette destruction. Lacan de même accorde une place cen­trale au vide dans ses réflexions sur la sublimation; mais, soutient-il, ce que Klein repère comme conséquence d'un fantasme sadique de destruction, ce n'est là que la face imaginaire et consé­quente de l'effet du signifiant. C'est le signifiant qui crée le vide, engendre le manque, comme l'activité du potier,

qu'il prend comme exemple dans le Séminaire 1959-60, « l'Éthique de la psy­chanalyse« (1986), qui, en même temps que les bords du vase, crée le vide central. Le processus o> sublima­tion, s'inaugurant de ce manque et tra­vaillant avec lui, vise à reproduire ce moment inaugural d'articulation qui porte à créer.

psychanalyse

« «La sublimation des instincts constitue l'un des traits les plus saillants du développement culturel; c'est elle qui permet aux activités psychiques élevées, scientifi­ ques, ·artistiques ou idéologiques, de jouer un rôle si important dans la vie des êtres civilisés.

A première .

vue, on serait tenté d'y voir essentieUement la destinée même que la civilisation impose aux instincts.

Mais on fera mieux d'y réfléchir plus longuement.

En troisième lieu, enfin, et ce point me semble le plus important, il est impossible de ne pas se .rendre compte en quelle large mesure l'édifice de la civilisation repose sur le principe du renoncement aux pulsions instinctives, et à quel point elle postulé précisément la non-satisfaction (répression, refoulement ou quelque autre mécanisme) de puissants instincts.

Ce "renoncement culturel" régit le vaste domaine des rapports sociaux entre humains; et nous savons déjà 'qu'en lui réside la.cause de l'hostilité contre laquelle 'toutes les civilisations ont à lutter.» Même dans les sociétés dites« sauvages», cette répres­ sion et cette sublimation èxistent.

Et le .progrès d'une civilisation dépend de la façon dont elle sait « dominer les perturbations apportées à la vie en commun par les pulsions d'agression et d'autodestruction ».

....

Ce résumé de la thèse soutenue.

dans Malaise dans la civüisation permet de constater que les idées de Freud ont été, dans· quelques cas, l'objet d'un total contresens.

Certains pédagogues, et notamment des pé­ dagogues américains, n'ont retenu que les conséquen­ ées parfois néfastes du refoulement.

D'où une éduca­ tion permissive à l'exçès, formant des enfants en fin de compte plus mal dans leur peau que ceux qui prove­ naient des systèmes traditionnels d'éducation.· Freud nous a appris la nécessité d'être prudent dans les rapports avec la petite enfance; il s'opposerait évidem­ ment à tout ce qui pourrait ressembler à une sur- .

répression, mais il est convaincu qu'il n'y a ni éduca-. »

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