RHINOCEROS ACTE I SCENE I

« '!u'vcT' 2 du tout I'agressivité latente) seront à leur tour des victimes de prédilection de la rhinocérite : ils se laisseront facilement aveugler par des arguments purement formels qui, à la limite, sonnent juste mais véhiculent en fait des messages tant grotesques que profondément inhumains (voir plus loin son comportement obséquieux face au Logicien, sa promptitude à se laisser instruire et convaincre par lui; sa fierté de connaître cet homme doté à ses yeux d'un prestige supérieur, de le présenter comme [s]on ami (p.

107).

On note cependant aussi que Ionesco s'amuse à laisser percer sous la façade polie de cet homme des intentions plus ambiguës, plus lubriques: malgré son âge, le VM est aussi prompt à faire des avances à la Ménagère ou à demander à Daisy et à la serveuse si elles n'ont pas besoin de ses services (donc : son attirance manifeste pour le sexe feminin et les propositions qu'elles lui inspirent). 51152 la réaction pusillanime du Logicien : il a peur de tenir un instant le chat (effets comiques : le chat jouera un rôle central dans ses faux syllogismes où il démontrera tout et n'importe quoi à propos des chats : à ses yeux, la logique lui permet de venir à bout de la réalité, à Ia fois de I'expliquer et de s'en rendre maître ; or dès un contact réel avec un élément de la réalité < réelle >, ici un chat vivant, cette réalité lui inspire la méfiance voire la peur.) Cette réaction est d'autant plus comique que le Logicien vient d'affirmer, sur le ton péremptoire qui est le sien, que ( la peur est irrationnelle.

La raison doit la vaincre >.

Son propre comportement atteste que pour lui, tel n'a pas été le cas ! En même temps, il profère ici une des devises fondamentales du rationalisme qui a la prétention de venir à bout des facettes irrationnelles de I'être modeme, de I'homme éclairé.

(On peut ici penser à l'ironie de Camus face aux humanistes, trop confiants en I'homme et dès lors d'autant plus facilement pris au dépourvu par des événements trop < bêtes > coîrme une épidémie de peste ou une guerre).

Or tout le déroulement de la pièce va prouver que tel n'est précisément pas le cas : les instincts primitifs n'ont pas été éradiqués par le processus de civilisation.

L'appel de ses instincts plus primitifs et plus bas continue de résonner dans l'homme moderne (agressivité latente de Jean, disposition à la violence, instinct de vouloir dominer les autres et de s'imposer à eux par la force, désir de faire triompher ses propres intérêts sur ceux d'autrui...).

S'imaginer que le rationalisme occidental aurait triomphé définitivement de Ia partie irrationnelle de l'être humain est une illusion à la fois orgueilleuse, naïve et, comme I'atteste la pièce, hautement dangereuse et en fin de compte fatale. 54 I'allusion parodique à Descartes (à l'esprit cartésien, I'esprit rationnel, au rationalisme) : ; voir aussi p.

79 : > et p.

71 : ). 52 sq la conversation entre Jean et Bérenger reprend mais est largement interrompue par I'accumulation de répliques des autres personnages: I'apparition du rhinocéros semble avoir déclenché un flot de paroles où le caractère grotesque des personnages se manifeste de plus en plus ; Jean veut surtout connaître la réaction de Bérenger à I'apparition d'un rhinocéros. triple répétition de Jean : < Je n'en reviens pas ! > relayée ensuite par son indignation qui laisse percer son sens de I'ordre et son réflexe de s'adresser (( aux autorités municipales ) parce qu'il se croit heurté dans ses droits de citoyen.

Voir plus loin les réactions indignées du patron et de l'épicier, pp.

ll4-115 (voir ici encore une similitude avec les Oranais à I'apparition des rats !).

Les autorités elles-mêmes semblent très soucieuses de préserver les citoyens de toute perturbation de I'ordre publique : interdiction ( aux nomades de séjourner sur le territoire de la commune >.

Elles ne réagiront cependant pas à l'épidémie des rhinocéros !! (satire des institutions publiques) 56-57. »