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Chapitre 5 : Médias et opinion publique en France de l'Affaire Dreyfus à nos jours.

Publié le 01/11/2014

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Error: Illegal entry in bfchar block in ToUnicode CMap Error: Illegal entry in bfchar block in ToUnicode CMap Error: Illegal entry in bfchar block in ToUnicode CMap Error: Illegal entry in bfchar block in ToUnicode CMap chapitre 5 Médias et opinion publique en France de l'Affaire dreyfus à nos jours ? Face aux crises politiques, quel rôle les médias jouent-ils auprès de l'opinion publique française ? CoMMENTairE du ProGraMME Le programme demande d'étudier les relations entre les médias et la construction de l'opinion publique, en France depuis l'Affaire Dreyfus. Cette étude doit s'organiser autour des grands moments de crise politique que sont l'Affaire Dreyfus (p. 129 et p. 134), la crise du 6 février 1934 (p. 136), la Seconde Guerre mondiale de la défaite de juin 1940 à la Libération (p. 140), la crise du 13 mai 1958 (p. 142) et celle de Mai 68 (p. 144). Chacune fait dans ce chapitre l'objet d'un développement thématique en autant de dossiers. Nous avons construit ce chapitre pour répondre aux besoins que peut rencontrer le professeur pour le traitement d'un tel sujet en 5 heures de cours. Cinq dossiers correspondent aux cinq crises politiques, 3 cours contextualisent les évolutions politiques et les progrès techniques, et un débat permet, à travers l'exemple du quotidien Le Monde, de s'interroger, à partir du cas de ce journal de référence, sur les liens étroits et parfois complexes entre le monde politique et les médias (p. 148). Nous avons accompagné ces thèmes du programme d'un cours qui facilite la contextualisation politique et culturelle de chaque crise et de chaque média : comment étudier les médias sans connaître l'évolution technique, numérique et la diffusion réelle de la presse, de la radio, de la télévision, d'Internet ? Comment étudier les grandes crises sans évaluer leurs conséquences politiques sur l'opinion publique, si ce n'est pas la comparaison entre les engagements des différents types de médias ? La notion d'opinion publique n'est pas uniquement liée à ce qu'en disent les sondages, qui se développent en France dans les années 1950, à l'imitation des études Gallup commandées par le gouvernement américain dans les années 1930. Un événement contexte de crise est souvent l'occasion de l'expression, par un vote, une manifestation, une révolution, d'une opinion publique. Les médias sont ainsi à la fois un vecteur d'opinion et un agent de formation d'une opinion publique. Liens avec d'autres chapitres du manuel o Chapitre 3 (p. 88) : une historienne face à la construction de la mémoire de l'embuscade de Palestro pendant la guerre d'Algérie. o Chapitre 10 (p. 296) : la naissance de la Ve République et la présidence de Charles de Gaulle. o Chapitre 11 (p. 314) : les médias au coeur des référendums en France. © Magnard, 2012 - Histoire Terminales ES, L - L ivre du professeur 63 chapitre 5 Médias et opinion publique en France de l'Affaire dreyfus à nos jours Bibliographie du chapitre o Fabrice d'Almeida, Christian Delporte, Histoire des médias en France, de la Grande Guerre à nos jours, Paris, Flammarion, 2003 (nouvelle édition 2010). o Claude Bellanger (dir.) et alii, Histoire générale de la presse française, 5 tomes (t. 3 : de 1871 à 1940 ; t. 4 : de 1940 à 1958 ; t. 5 : de 1958 à nos jours), Paris, PUF, 1972-1976. o Serge Berstein, Le 6 février 1934, Paris, Julliard, coll. « Archives », 1975. o Christian Brochand, Histoire générale de la radio et de la télévision en France, 3 volumes, Paris, La Documentation française, 1994-2006. o Michèle de Bussière, Cécile Méadel, Caroline Ulman-Mauriat (dir.), Radios et télévisions au temps des « événements d'Algérie », 1954-1962, Paris, L'Harmattan, 1999. o Christophe Charle, Naissance des « intellectuels » (1880-1900), Paris, Éditions de Minuit, 1990 (réédition en 2001). o Christophe Charle, Le Siècle de la presse, 1830-1939, Paris, Le Seuil, 2004. o Évelyne Cohen, Marie-Françoise Lévy (dir.), La Télévision des Trente Glorieuse : culture et politique, Paris, CNRS, 2007. o Jean-Louis Crémieux-Brilhac, « Le rôle de la radio, 1940-1944 », Espoir n° 66, mai 1989. o Christian Delporte, Les Journalistes en France, 1880-1950. Naissance et construction d'une profession, Paris, Le Seuil, 1999. o Christian Delporte, Images et politique en France au xxe siècle, Paris, Nouveau monde Éditions, 2006. o Christian Delporte, La France dans les yeux. Une histoire de la communication politique de 1930 à aujourd'hui, Paris, Flammarion, 2007. o Michel Denis (dir.) et alii, L'Affaire Dreyfus et l'opinion publique en France et à l'étranger, Rennes, PUR, 1995. o Vincent Duclert et Perrine Simon-Nahum (dir.), L'Affaire Dreyfus, Paris, Armand Colin, coll. « U-Histoire. Les événements fondateurs », 2009. o Hélène Eck (dir.), La Guerre des ondes. Histoire des radios de langue française pendant la Deuxième Guerre mondiale, Paris, Armand Colin, Lausanne, Payot, Bruxelles, Complexe, Montréal, Hurtubise, 1985. o Jean-Pierre Filiu, Mai 68 à l'ORTF, une radiotélévision en résistance, Paris, INA/Nouveau Monde, 2008. o De Gaulle et les médias, Paris, Fondation Charles-de-Gaulle, Plon, 1994. o Jean-Noël Jeanneney (dir.), L'Écho du siècle. Dictionnaire historique de la radio et de la télévision en France, Paris, Hachette Littératures, 1999. o Jean-Noël Jeanneney, Une histoire des médias, des origines à nos jours, Paris, Le Seuil, réédition 2011. o Pierre Laborie, L'Opinion française sous Vichy, Paris, Le Seuil, coll. « L'Univers historique », 1990. o Emmanuel Laurentin, « Le transistor : à l'écoute de la rue », dans Philippe Artières et Michelle Zancarini-Fournel (dir.), 68, une histoire collective [1962-1981], 2008 o Laurent Martin, La Presse écrite en France au xxe siècle, Paris, Livre de poche, 2006. o Dominique Reynié, Le Triomphe de l'opinion publique : l'espace public français du xvie au xxe siècle, Paris, Odile Jacob, 1998. o Jean-François Sirinelli et Pascal Ory, Les Intellectuels de l'Affaire Dreyfus à nos jours, Paris, Armand Colin, coll. « U », 1993. o Emmanuel Souchier, Mai 68, Paris, La Documentation Française, coll. « Dossiers Les Médias et l'événement », 1988. o Danielle Tartakowsky, Le Pouvoir est dans la rue. Crises politiques et manifestations en France, Paris, Aubier, 1998. o Caroline Ulmann-Mauriat, La Naissance d'un média. Histoire politique de la radio en France (1921-1931), Paris, L'Harmattan, 1999. o Aude Vassalo, La Télévision sous de Gaulle, le contrôle gouvernemental de l'information. 1958/1969, Paris, INA-De Boeck, 2005. o Michel Winock, La Fièvre hexagonale. Les grandes crises politiques de 1871 à 1968, Paris, Le Seuil, coll. « Points Histoire », 1987. o Michel Winock, 13 mai 1958. L'agonie de la ive République, Gallimard, coll. « NRF », 2006. u TilisEr lE MaNuEl C ommentaire du document i conographique C ontexte et repères chronologiques ( p. 129) Le Petit Journal illustre l'essor de la presse populaire à la fin du xixe siècle. Fondé en 1863 par Moïse Millaud, il dépasse le million d'exemplaires vers 1884. Il propose à ses lecteurs un contenu fédérateur dans lequel les faits divers, abordés de manière feuilletonnesque et largement illustrés, occupent une grande place. La Une du 13 janvier 1895 appelle deux remarques. D'abord, elle annonce une inflexion du journal qui, lorsque l'Affaire deviendra une cause nationale, prendra violemment parti pour les antidreyfusards. Il rompt ainsi avec la règle de neutralité politique qui était celle des grands titres populaires et perd alors une partie de son lectorat. D'autre part, cette Une peut être comparée avec d'autres antidreyfusardes : si elle dénonce pareillement le « traître », à aucun moment elle ne recourt aux stéréotypes antisémites en vigueur dans la presse nationaliste. 64 Le pouvoir et les médias en France ( p. 130) Ces pages ont pour objectif de rappeler aux élèves les points forts du sujet traité dans le chapitre et déjà étudiés en classe de Première ou dans les années antérieures du collège ou du lycée. Elles permettent au professeur de s'aError: Illegal entry in bfchar block in ToUnicode CMap Error: Illegal entry in bfchar block in ToUnicode CMap Error: Illegal entry in bfchar block in ToUnicode CMap Error: Illegal entry in bfchar block in ToUnicode CMap ppuyer sur des images et une rapide mise en contexte pour brosser le cadre chronologique et les questions plus théoriques que pose le chapitre. L'usage des médias par les autorités politiques est une constante de la vie politique depuis le x viie siècle. Le Bureau d'Adresse (1629) et sa Gazette (1631) sont fondés par Théophraste Renaudot avec l'aide financière de Richelieu, soucieux de damer le pion aux publications étrangères qui essaiment alors clandestinement dans le pays. L'essor des journaux, déjà patent sous la Révolution française, s'est accéléré malgré la censure. En classe de Seconde, le chapitre « Liberté et nations » permettait de mettre en avant l'évolution de la presse, par le biais de la © Magnard, 2012 - Histoire Terminales ES, L - L ivre du professeur caricature notamment, comme celle du roi Louis-Philippe 1er par Charles Philipon en 1831 (doc. 1). Mais l'histoire de la presse et des médias, souvent abordée comme support en ECJS, est jusqu'en terminale peu présente dans les programmes. Quelques images permettent de montrer comment les autorités politiques utilisent les nouvelles technologies de l'information : la radio, par Pierre Mendès-France, lors de sa présidence du Conseil (doc. 2) sur le modèle des conversations au coin du feu du président américain Roosevelt ; la télévision, à partir des années 1960, pour les conférences de presse ou les entretiens du président de Gaulle (doc. 3) ; l'Internet, dès la fin des années 1990, qui est à la fois un média de diffusion, de conservation et de riposte politique (doc. 5). Enfin, il nous a paru important, parce que les documents abordent parfois ce vocabulaire, d'expliquer la manière dont la Une d'un journal est organisée, à travers l'exemple d'une Une censurée du Canard Enchaîné lors de la Première Guerre mondiale (doc. 4). C ours 1 La IIIe République, âge d'or de la presse, fin xixe-1940 ( p. 132) ?Quelles sont les conséquences sur l'opinion d'une forte diffusion de la presse ? Ce qu'il faut savoir L'essor de la presse entre la fin du xixe siècle et 1940 est indissolublement lié à l'enracinement de la République. D'abord, la République contribue à la vulgarisation de l'accès à la presse (doc. 1) qui est l'un des objectifs de la loi de 1881 (doc. 3). La lecture journal, de collective, devient désormais individuelle grâce à la baisse de son prix. Les journaux populaires recherchent la plus grande proximité avec les lecteurs, qu'elle soit temporelle, par la transmission des nouvelles les plus récentes, géogra phique, avec l'essor de la presse régionale, ou socioculturelle, par la diversification du contenu (faits divers, divertissement, sport...). Dans le même temps, le journal devient un outil essentiel de communication politique. L'avènement d'un régime démocratique fait de la presse un médiateur essentiel entre les élus et les citoyens. Cette fonction est d'ailleurs stimulée par la loi de 1881 (doc. 2) et par la reconnaissance du statut des journalistes qui est officiellement défini en 1935. La presse permet aussi l'expression des différents courants politiques, les journaux engagés couvrant tout l'éventail des sensibilités (doc. 4). Cependant, l'essor de la presse ne doit pas faire oublier que, bien loin de la société de communication actuelle, la communication reste alors dans une très large mesure interpersonnelle et non médiatisée. L'émergence de la radio à partir des années 1920 contribue à faire évoluer cette situation (doc. 5). Bibliographie o Christophe Charle, Le Siècle de la presse, 1830-1939, Paris, Le Seuil, 2004. o Christian Delporte, Les Journalistes en France, 1880-1950. Naissance et construction d'une profession, Paris, Le Seuil, 1999. o Christian Delporte, « Le journal », dans Jean-Pierre Rioux, Jean-François Sirinelli (dir.), Dictionnaire critique de la France au xxe siècle, Paris, Hachette, 1999. o Thomas Ferenczi, L'Invention du journalisme en France. NaissanceError: Illegal entry in bfchar block in ToUnicode CMap Error: Illegal entry in bfchar block in ToUnicode CMap de la presse moderne à la fin du xixe siècle, Paris, Plon, 1993. o Caroline Ulmann-Mauriat, La Naissance d'un média. Histoire politique de la radio en France (1921-1931), Paris, L'Harmattan, 1999. d ossier 1 Une presse engagée dans l'Affaire dreyfus ( p. 134) ?Comment les médias contribuent-ils à la mobilisation de l'opinion publique ? Ce qu'il faut savoir L'Affaire Dreyfus est un des premiers cas d'une « affaire » devenue une « cause » par la mobilisation de l'opinion publique. La presse constitue l'outil essentiel de la mobilisation de l'opinion (161 journaux politiques à Paris en 1891, contre 105 à Londres ou 18 à Berlin). Deux camps se dessinent, qui ne recoupent pas le clivage gauche-droite : L'Aurore ou La Petite République côté dreyfusard ; L'Intransigeant, La Libre Parole, La Croix ou Le Petit Journal côté antidreyfusard (doc. 3, 5, 7). Dans cet affrontement, le dessin de presse occupe une place essentielle (Caran d'Ache, Forain, Ibels). Mais l'Affaire voit également l'émergence d'un nouvel acteur : l'« intellectuels », dont Émile Zola incarne l'archétype (doc. 1 à 3). Sur le plan sociologique, les dreyfusards appartiennent au monde de l'Université (Lucien Herr est bibliothécaire de l'ENS), les antidreyfusards à l'establishment littéraire (Maurice Barrès). Des deux côtés, on recourt à de nouveaux instruments de mobilisation : meetings, pétitions, groupes de pression (Ligues des droits de l'homme ou de la Patrie française). L'Affaire Dreyfus devient ainsi une sorte de laboratoire des techniques de mobilisation de l'opinion qui vont se développer au xxe siècle. Cependant, si l'opinion apparaît fortement bipolarisée (doc. 4), il faut rappeler que la mobilisation fut surtout urbaine, dans une France très majoritairement rurale (doc. 6). RÉPONSES Aux quEStIONS Doc. 1 et 2 Pour Clemenceau, qui sont les intellectuels ? Quelle valeur républicaine mettent-ils en avant ? Au nom de quelles idées Barrès s'opposent-ils à eux ? L'utilisation sous forme de substantif du terme « intellectuel » est initiée par Clemenceau dans cet article de L'Aurore rendant hommage à la pétition de soutien à Dreyfus publiée quelques jours plus tôt dans le même journal (doc. 1). Les 3 000 signataires exercent des professions qui ont pour point commun le travail de l'esprit (ce que Clemenceau appelle « l'esprit français ») : universitaires (les historiens Daniel et Elie Halévy), écrivains (Emile Zola, Anatole France, Marcel Proust), mais aussi avocats ou médecins. Ils interviennent au nom de la défense de la vérité et de la justice face à la falsification des preuves et malgré les « menaces qu'on a répandues dans tous les établissements d'instruction publique ». Ainsi le doyen de la Faculté des lettres de Bordeaux, Paul Stapfer, sera-t-il suspendu pour 6 mois en juillet 1898 pour s'être exprimé publiquement en faveur de Dreyfus. © Magnard, 2012 - Histoire Terminales ES, L - L ivre du professeur 65 chapitre 5 Médias et opinion publique en France de l'Affaire dreyfus à nos jours Le terme intellectuel est repris de façon ironique par Maurice Barrès dans son article du 4 octobre 1898 (doc. 2). Il y souligne la dimension symbolique de l'Affaire Dreyfus qui ne porte plus désormais seulement sur la culpabilité ou l'innocence d'un homme, mais sur l'affrontement de deux systèmes de valeurs (« s'il est un symbole, c'est une autre affaire : c'est l'Affaire Dreyfus ! »). Ainsi, oppose-t-il aux dreyfusards une argumen tation fondée sur un nationalisme antisémite qui témoigne d'une radicalisation de l'antidreyfusisme (d'ailleurs dénoncée par certains antidreyfusards comme Ferdinand Brunetière). Elle s'appuie sur un sentiment d'angoisse largement répandu depuis la défaite de 1871 : la nation française serait menacée de délite ment par l'action d'ennemis intérieurs, au premier rang desquels les Juifs. Dans cette perspective, l'universalisme rationaliste des intellectuels est pour Maurice Barrès une autre face de la même menace, dans la mesure où il rejetterait les intérêts et l'identité même de la France, fondée sur un attachement instinctif à la tradition et à la continuité avec les ancêtres (« laissez ces grands mots de toujours et d'universelle, et puisque vous êtes Français, préoccupez-vous d'agir selon l'intérêt français »). Doc. 3 Pourquoi E. Zola veut-il une révision du procès ? Comment considère-t-il son rôle ? Le 13 janvier 1898, Emile Zola publie dans L'Aurore une lettre ouverte au président Félix Faure. Il y demande la révision au nom de la souillure morale qu'un procès dont les preuves ont été falsifiées inflige à la France et à son chef d'État à l'heure où se prépare l'Exposition universelle de Paris de 1900 (« quelle tache de boue sur votre nom »). En effet, le découragement risque de gagner le camp dreyfusard : alors que depuis 1896 preuve est faite par le colonel Picquard que le véritable coupable est le commandant Esterhazy, celui-ci a été acquitté le 11 janvier 1898 par un conseil de guerre. Emile Zola considère que son rôle doit être d'exprimer la vérité afin de la faire éclater aux yeux d'une opinion publique trompée (« La vérité, je la dirai, car j'ai promis de la dire »). Ce faisant, il adopte la posture qui sera désormais celle des « intellectuels ». Cette posture se fonde sur un « impératif moral doublé de compassion » (Michel Winock, La Fièvre hexagonale) : « Mes nuits seraient hantées par le spectre de l'innocent... ». On peut rappeler qu'avant l'Affaire Dreyfus, Emile Zola était déjà intervenu dans des controverses publiques en prenant la défense d'Edouard Manet attaqué par la critique en 1866, ou de Louis Desprez condamné en 1885 pour son roman anticlérical Autour d'un clocher. Doc. 4, 5 et 6 Comment se mobilise l'opinion publique ? Comment la presse l'utilise-t-elle ? Tout au long de l'Affaire, la presse est l'outil fondamental de mobilisation de l'opinion. Le « J'Accuse » de Zola constitue à cet égard un tournant majeur, puisqu'à partir de cette date, l 'affrontement des journaux trouve un écho dans les manifestations de rue. Les antidreyfusards, à l'instar de Caran d'Ache dans son célèbre D îner en famille, dénoncent d'ailleurs les menaces de divisions que fait peser l'Affaire sur le corps social français (doc. 4) divisant profondément l'opinion, jusqu'au sein des familles. C'est par exemple le cas des parents de Marcel Proust : sa mère est dreyfusarde, mais son père, Adrien, est antidreyfusard. Il n'a d'ailleurs pas adressé la parole à ses deux 66 f ils pendant huit jours après qu'ils eurent signé les pétitions en faveur de la révision. Les titres de presse se divisent également. La Libre Parole reprend les thèses antisémites que son fondateur et directeur, Edouard Drumont, avait déjà développées dans son ouvrage La France juive en 1886 (doc. 5). Il parvient à fusionner l'antijudaïsme catho lique de droite avec l'antisémitisme anticapitaliste d'une partie de l'extrême gauche. Il faut rappeler la liberté quasi-totale dont jouissent les caricaturistes qui peuvent recourir aux pires sté réotypes antisémites. Ainsi, Dreyfus est-il représenté ici sous les traits d'un avorton portant un casque à pointe prussien et mis à l'égout par Edouard Drumont lui-même. Il faut souligner enfin que la mobilisation de l'opinion reste essentiellement urbaine, à une époque où la France est encore très majoritairement rurale (doc. 6). En effet, si la République est enfin « au village » (Maurice Agulhon), la paysannerie demeure encore éloignée des passions politiques soulevées par l'Affaire Dreyfus. Non pas que la « France profonde » soit incapable de se mobiliser (les réactions à la politique protectionniste de Jules Méline en 1892 l'attestent), mais elle ne se sent pas directement touchée par des enjeux qui ne lui apparaissent pas clairement,Error: Illegal entry in bfchar block in ToUnicode CMap Error: Illegal entry in bfchar block in ToUnicode CMap autrement que, de façon négative, par le désordre créé par les dreyfusards nuit aux affaires (« Elle était trop complexe et trop confuse, mettait en jeu trop de choses ignorées dans ce coin de campagne... »). Doc. 7 Comment évoluent les titres au fur et à mesure de l'Affaire ? et leurs tirages ? Deux constats peuvent être tirés de ces graphiques. Tout d'abord, entre la période de mobilisation intense qui suit la parution du « J'Accuse » de Zola (février 1898), la découverte du faux du colonel Henry qui disculpe Dreyfus (été 1898) et le procès de Rennes qui le condamne à nouveau malgré l'évidence des faits (été 1899), le pourcentage de journaux antidreyfusard baisse (de plus de 90 % des tirages en février 1898 à moins de 60 % à l'été 1899) tandis que la part de ceux favorables à la révision ou franchement dreyfusards augmente. Il faut cependant constater que, malgré cette évolution, le nombre de journaux antidreyfusards reste très majoritaire, en particulier pour ce qui concerne les tirages (à l'été 1899, le pourcentage des tirages des journaux dreyfusards n'est que de 15 %.) Cela peut expliquer la grande prudence du pouvoir politique qui ne veut pas heurter la majorité apparente du lectorat, alors que désormais tout innocente Dreyfus. BAC Analyse de deux documents À l'aide des documents 3 et 5, vous montrerez la manière dont la presse interroge la légitimité républicaine à l'occasion de l'Affaire Dreyfus. La Libre Parole est un des premiers journaux à se mobiliser après l'arrestation du capitaine Dreyfus le 15 octobre 1894 en faisant pression sur le gouvernement pour obtenir la condamnation de l'officier, avant même qu'il soit jugé. La Une du 10 novembre 1894, signée Chanteclair, représente Edouard Drumont, le fondateur et directeur du journal, à côté d'une pile de ses ouvrages, prêt à jeter à l'égout « Judas Dreyfus » à l'aide d'une pince. Celui-ci est représenté sous les traits d'un avorton portant un casque à pointe prussien et correspondant aux stéréotypes antisémites. Cette Une est représentative de l'antidreyfusisme radical qui prend alors le nom de nationalisme. Ce courant dénonce © Magnard, 2012 - Histoire Terminales ES, L - L ivre du professeur l'incapacité d'une République aux mains des Juifs et des francsmaçons à imposer le respect de l'État, de l'armée et des valeurs traditionnelles. La question de la culpabilité de Dreyfus devient alors secondaire, tant sa réhabilitation serait néfaste à la cause nationale. Les nationalistes menaceront même directement la République lors du coup d'État (manqué) de Paul Déroulède le 23 février 1899. La position d'Emile Zola dans son article est toute autre. Il interpelle directement le président de la République pour dénoncer les compromissions au sein de l'appareil d'État et de l'état-major (« Un conseil de guerre vient, par ordre, d'acquitter un Esterhazy »). Ce texte révèle un changement de stratégie décisif. Alors que ses précédents articles, fondés sur une défense des principes abstraits de justice et de vérité, n'avaient reçu qu'un écho limité, Emile Zola choisit une stratégie offensive, quasi révolutionnaire, de mise en cause directe des pouvoirs politiques et militaires (« l...

« © Magnard, 2012 – Histoire Terminales ES, L – Livre du professeur 64 Médias et opinion publique en France de l’Affaire dreyfus à nos jours chapitre 5 Commentaire du document iconographique (p.

129) Le Petit Journal illustre l’essor de la presse populaire à la fin du x i x e siècle.

Fondé en 1863 par Moïse Millaud, il dépasse le million d’exemplaires vers 1884.

Il propose à ses lecteurs un contenu fédérateur dans lequel les faits divers, abordés de manière feuilletonnesque et largement illustrés, occupent une grande place.

La Une du 13 janvier 1895 appelle deux remarques.

D’abord, elle annonce une inflexion du journal qui, lorsque l’Affaire deviendra une cause nationale, prendra violemment parti pour les antidreyfusards.

Il rompt ainsi avec la règle de neutralité politique qui était celle des grands titres populaires et perd alors une partie de son lectorat.

D’autre part, cette Une peut être comparée avec d’autres antidreyfusardes : si elle dénonce pareillement le « traître », à aucun moment elle ne recourt aux stéréotypes antisémites en vigueur dans la presse nationaliste. Contexte et repères chronologiques Le pouvoir et les médias en France (p.

130) Ces pages ont pour objectif de rappeler aux élèves les points forts du sujet traité dans le chapitre et déjà étudiés en classe de Première ou dans les années antérieures du collège ou du lycée.

Elles permettent au professeur de s’appuyer sur des images et une rapide mise en contexte pour brosser le cadre chronologique et les questions plus théoriques que pose le chapitre. L’usage des médias par les autorités politiques est une constante de la vie politique depuis le x v i i e siècle.

Le Bureau d’Adresse (1629) e t s a Gazette (1631) s o nt fo n d és p ar T h é o p hr as te R e nau d ot avec l’aide financière de Richelieu, soucieux de damer le pion aux publications étrangères qui essaiment alors clandesti - nement dans le pays.

L’essor des journaux, déjà patent sous la Révolution française, s’est accéléré malgré la censure.

En classe de Seconde, le chapitre « Liberté et nations » permettait de mettre en avant l’évolution de la presse, par le biais de la uT ilis Er l E M aN uEl • Jean-Pierre Filiu, Mai 68 à l ’ORTF, une radiotélévision en résistance , Paris, INA/Nouveau Monde, 2008. • De Gaulle et les médias , Paris, Fondation Charles-de-Gaulle, Plon, 19 9 4 . • Jean-Noël Jeanneney (dir.), L’Écho du siècle.

Dictionnaire historique de la radio et de la télévision en France , Paris, Hachette Littératures, 1999. • Jean-Noël Jeanneney, Une histoire des médias, des origines à nos jours , Paris, Le Seuil, réédition 2011. • Pierre Laborie, L’Opinion française sous Vichy , Paris, Le Seuil, coll.

« L’Univers historique », 1990. • Emmanuel Laurentin, « Le transistor : à l’écoute de la rue », dans Philippe Artières et Michelle Zancarini-Fournel (dir.), 68, une histoire collective [19 62-19 81] , 2008 • Laurent Martin, La Presse écrite en France au x xe siècle , Paris, Livre de poche, 2006. • Dominique Reynié, Le Triomphe de l’opinion publique : l’espace public français du x v ie au x xe siècle , Paris, Odile Jacob, 1998. • Jean-François Sirinelli et Pascal Ory, Les Intellectuels de l’Affaire Dreyfus à nos jours , Paris, Armand Colin, coll.

« U », 1993. • Emmanuel Souchier, Mai 68 , Paris, La Documentation Française, coll.

« Dossiers Les Médias et l’événement », 1988. • Danielle Tartakowsky, Le Pouvoir est dans la rue.

Crises politiques et mani - festations en France , Paris, Aubier, 1998. • Caroline Ulmann-Mauriat, La Naissance d’un média.

Histoire politique de la radio en France (1921-1931) , Paris, L’Harmattan, 1999. • Aude Vassalo, La Télévision sous de Gaulle, le contrôle gouvernemental de l’information.

1958/1969 , Paris, INA-De Boeck, 2005. • Michel Winock, La Fièvre hexagonale.

Les grandes crises politiques de 1871 à 1968 , Paris, Le Seuil, coll.

« Points Histoire », 1987. • Michel Winock, 13 mai 1958.

L’agonie de la ive République , Gallimard, coll.

« NRF », 2006. Bibliographie du chapitre • Fabrice d’Almeida, Christian Delporte, Histoire des médias en France, de la Grande Guerre à nos jours , Paris, Flammarion, 2003 (nouvelle édition 2010). • Claude Bellanger (dir.) et alii, Histoire générale de la presse française , 5 tomes (t.

3 : de 1871 à 1940 ; t.

4 : de 1940 à 1958 ; t.

5 : de 1958 à nos jours ), Paris, PUF, 1972-1976. • Serge Berstein, Le 6 février 1934 , Paris, Julliard, coll.

« Archives », 1975. • Christian Brochand, Histoire générale de la radio et de la télévision en France , 3 volumes, Paris, La Documentation française, 1994-2006. • Michèle de Bussière, Cécile Méadel, Caroline Ulman-Mauriat (dir.), Radios et télévisions au temps des « événements d’Algérie », 1954-1962 , Paris, L’Harmattan, 1999. • Christophe Charle, Naissance des « intellectuels » (1880-1900) , Paris, Éditions de Minuit, 1990 (réédition en 2001). • Christophe Charle, Le Siècle de la presse, 1830-1939 , Paris, Le Seuil, 2004. • Évelyne Cohen, Marie-Françoise Lévy (dir.), La Télévision des Trente Glorieuse : culture et politique , Paris, CNRS, 2007. • Jean-Louis Crémieux-Brilhac, « Le rôle de la radio, 1940-1944 », Espoir n° 66, mai 1989. • Christian Delporte, Les Journalistes en France, 1880-1950.

Naissance et construction d’une profession , Paris, Le Seuil, 1999. • Christian Delporte, Images et politique en France au x xe siècle , Paris, Nouveau monde Éditions, 2006. • Christian Delporte, La France dans les yeux.

Une histoire de la communi - cation politique de 1930 à aujourd’hui , Paris, Flammarion, 2007. • Michel Denis (dir.) et alii , L’Affaire Dreyfus et l’opinion publique en France et à l’étranger , Rennes, PUR, 1995. • Vincent Duclert et Perrine Simon-Nahum (dir.), L’Affaire Dreyfus , Paris, Armand Colin, coll.

« U-Histoire.

Les événements fondateurs », 2009. • Hélène Eck (dir.), La Guerre des ondes.

Histoire des radios de langue fran - çaise pendant la Deuxième Guerre mondiale , Paris, Armand Colin, Lausanne, Payot, Bruxelles, Complexe, Montréal, Hurtubise, 1985.. »

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