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Analysez ce commentaire de Diderot sur son portrait peint par Vanloo en tâchant de découvrir l'homme tel qu'il nous est suggéré.

Publié le 11/09/2014

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diderot

« Très vivant ; c'est sa douceur, avec sa vivacité ; mais trop jeune, tête trop petite, joli comme une femme, lorgnant, sou­riant, mignard, faisant le petit bec, la bouche en coeur ; et puis un luxe de vêtements à ruiner le pauvre littérateur, si le receveur de la capitation vient à l'imposer sur sa robe de chambre. (...) On le voit de face ; il a la tête nue ; son toupet gris, avec sa mignardise, lui donne l'air d'une vieille coquette qui fait encore l'aimable ; la position d'un secrétaire d'État et non d'un phi­losophe. La fausseté du premier moment a influé sur tout le reste. C'est cette folle de Mme Van Loo qui venait jaser avec lui, tandis qu'on le peignait, qui lui a donné cet air-là, et qui a tout gâté. Il fallait le laisser seul, et l'abandonner à sa rêverie. Alors sa bouche se serait entr'ouverte, ses regards distraits se seraient portés au loin, le travail de sa tête, fortement occupée, se serait peint sur son visage ; et Michel eût fait une belle chose. Mon joli philosophe, vous me serez à jamais un témoignage précieux de l'amitié d'un artiste, excellent artiste, plus excellent homme. Mais que diront mes petits-enfants, lorsqu'ils viendront à comparer mes tristes ouvrages avec ce riant, mignon, efféminé vieux coquet-là? Mes enfants, je vous préviens que ce n'est pas moi. J'avais en une journée cent physionomies diverses, selon la chose dont j'étais affecté. J'étais serein, rêveur, tendre, violent, passionné, enthousiaste ; mais je ne fus jamais tel que vous me voyez là. J'avais un grand front, des yeux très vifs, d'assez grands traits, la tête tout à fait du caractère d'un ancien ora­teur, une bonhomie qui touchait de bien près à la bêtise, à la rusticité des anciens temps. «

En effet ce qu'il reproche au faux

 

Diderot qu'on expose au public, ce n'est pas tant d'être joli que de se vouloir tel — de « faire le petit bec «, de « faire encore l'aimable « — ; autrement dit, d'entrer délibérément dans la petite comédie du monde, au lieu de rester dans la « bonhomie « de la nature et dans «la rusticité des anciens temps «. Et pour mieux montrer qu'il ne veut pas être de ces mondains, Diderot va au-devant de leurs moqueries : sa bonhomie touche « de bien près à la bêtise «..., il n'a écrit que de « tristes ouvrages «, ses « assez grands traits « le font ressembler à ces « anciens orateurs « que les gens du monde, depuis la querelle des Anciens et des Modernes, ne se sentent plus tenus de vénérer. « Je suis un rustre et je m'en honore «, écrivait-il un autre jour à Sophie Volland. De telles provocations ne sont pas sans rappeler celles que Jean-Jacques Rousseau avait déjà lancées à la frivolité du siècle dans ses Discours, dans sa Lettre à d' Alembert, dans l'Émile ; mais il ne fait pas de doute qu'il les lance de tout son coeur et qu'elles expriment bien son naturel.

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« DIDEROT 123 une belle chose.

Mon joli philosophe, vous me serez à jamais un témoignage précieux de l'amitié d'un artiste, excellent artiste, plus excellent homme.

Mais que diront mes petits-enfants, lorsqu'ils viendront à comparer mes tristes ouvrages avec ce riant, mignon, efféminé vieux coquet-là? Mes enfants, je vous préviens que ce n'est pas moi.

J'avais en une journée cent physionomies diverses, selon la chose dont j'étais affecté.

J'étais serein, rêveur, tendre, violent, passionné, enthousiaste; mais je ne fus jamais tel que vous me voyez là.

J'avais un grand front, des yeux très vifs, d'assez grands traits, la tête tout à fait du caractère d'un ancien ora­ teur, une bonhomie qui touchait de bien près à la bêtise, à la rusticité des anciens temps.

» INTRODUCTION Dans ce salon de 1767 dont il s'est chargé de faire le compte rendu, Diderot a trouvé son propre portrait, œuvre du peintre Vanloo.

Belle occasion de parler de lui, de se confier, de se camper devant le public.

Cette aubaine le met en verve.

Depuis plus de quinze ans il consacre à !'Encyclopédie le meilleur de son temps : lettres d'affaires, études techniques, propagande, éloge des sciences, des chiffres, du travail manuel, de la méca­ nique ; ses humeurs personnelles, les saillies de son imagination et de son cœur n'y ont guère leur place.

Mais il sait bien leur donner leur revanche : Le Neveu de Rameau, plus tard Jacques le Fataliste; les drames, les lettres, et bien d'autres pages, dont celle-ci; des pages où il se libère et se peint : ce qu'il ne dit pas, son style le dit pour lui.

La lecture de ce texte, après l'amusement du premier contact, peut donner lieu à une sorte de déchiffrement.

Quel homme découvre-t-on, dans ces lignes et entre ces lignes ? I.

IL SOULIGNE LA VIGUEUR DE SA PERSONNALITÉ Le grand souci de Diderot, en critiquant son portrait physique, est d'affirmer la vigueur de sa personnalité, et de protester contre l'image efféminée qu'a donnée de lui Vanloo.

«Joli comme une femme»! Voilà ce qu'il ne saurait admettre: cette « mignar­ dise », ce « luxe de vêtements », cet air de « vieille coquette » dont il se voit affublé.

Sous cette réaction très explicite se devinent trois de ses passions les plus constantes : la haine de l'artifice, le goût de la libre réflexion, le goût des émotions tumultueuses.. »

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