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Écrire sur soi-même ? chez Robbe-Grillet

Publié le 12/09/2015

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Je n’ai jamais parlé d’autre chose que de moi. Comme c’était de l’intérieur, on ne s’en est guère aperçu. Heureusement. Car je viens là, en deux lignes, de prononcer trois termes suspects, honteux, déplorables, sur lesquels j’ai largement concouru à jeter le discrédit et qui suffiront, demain encore, à me faire condamner par plusieurs de mes pairs et la plupart de mes descendants: “moi”, “intérieur”, “parler de”.

 

Le second de ces petits mots à l’inoffensive apparence ressuscite à lui seul, fâcheusement, le mythe humaniste de la profondeur (notre vieille taupe, à nous autres écrivains), tandis que le dernier ramène en catimini celui de la représentation, dont le difficile procès traînait toujours. Quant au moi, de tout temps haïssable, il prépare ici sans aucun doute une rentrée en scène encore plus frivole : celle du biographisme. 

« Première position : j’écris pour détruire, en les décrivant avec précision, des monstres nocturnes qui menacent d’envahir ma vie éveillée. Mais — second point — toute réalité est indescriptible, et je le sais d’instinct : la conscience est structurée comme notre langage (et pour cause !), mais ni le mondé ni l’inconscient ; avec des mots et des phrases, je ne peux représenter ni ce que j’ai devant les yeux, ni ce qui se cache dans ma tête, ou dans mon sexe [...].

 

La littérature est ainsi — troisième position — la poursuite d’une représentation impossible. »

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« signification, Robbe Grillet rendit public le bref texte qui débute par la formule que nous considérons ici.

Là encore, cependant, le projet avorta.

Ou plutôt, il prit une dimension telle qu'il finit par déborder le cadre défini avec les éditions du Seuil.

Si bien que Robbe- · Grillet décida de donner à son texte une forme diffé­ rente, une dimension plus ample, en mélangeant fiction et autobiographie dans un ouvrage hybride qui allait devenir Le Miroir qui revient .

..,.

En quoi la formule, en apparence si conventionnelle de Robbe-Grillet, peut-elle être source de scandale ou du moins d'étonnement? L'auteur anticipant les objections s'en explique d'entrée: «Je n'ai jamais parlé d'autre chose que de moi.

Comme c'était de l'intérieur, on ne s'en est guère aperçu.

Heureusement.

Car je viens là, en deux lignes, de prononcer trois termes suspects, honteux, déplora­ bles, sur lesquels j'ai largement concouru à jeter le dis­ crédit et qui suffiront, demain encore, à me faire condamner par plusieurs de mes pairs et la plupart de mes descendants: "moi", "intérieur", "parler de".

Le second de ces petits mots à l'inoffensive apparence ressuscite à lui seul, fâcheusement, le mythe humaniste de la profondeur (notre vieille taupe, à nous autres écrivains), tandis que le dernier ramène en catimini celui de la représentation, dont le difficile procès traî­ nait toujours.

Quant au moi, de tout temps haïssable, il prépare ici sans aucun doute une rentrée en scène encore plus frivole : celle du biographisme.

» Dans les lignes qui précèdent, Robbe-Grillet se plaît à montrer qu'en une simple phrase il vient de renverser tous les tabous que le nouveau roman -dont il fut le chef de file- avait au cours des années 50 et 60 contri­ bué à ériger.

Il s'agissait à l'époque de construire. »

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