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Le fonds médiéval

Publié le 12/02/2018

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Le fonds médiéval

De somptueux in-folio ornaient les bibliothèques des seigneurs ou des bourgeois collectionneurs comme ce Jacques le Gros dans l'inventaire duquel figuraient les principaux romans de la Table Ronde (Perceforest, Tristan, Lancelot, Perceval), à côté de Pantagruel ,.~ des trois premiers livres d'Amadis de Gaule en espagnol 1• Mais les romans mé ·.haux ne sont plus une source d'inspiration pour ce qu'il est convenu d'appeler 1a haute littérature. Les mises en prose cessent à peu près complètement au xvi6 siècle, ainsi que la rédaction d'œuvres originales entrant dans le cadre des romans antérieurs. Bien qu'on en rende la lecture plus attrayante en sacrifiant au romanesque des aventures et du merveilleux le contenu psycho-logique, les romans de la Table Ronde perdent leurs lecteurs, à en juger par le nombre des éditions connues : Perceval, Le Saint Graal, Perceforest même n'ont qu'une ou deux éditions; Lancelot, Merlin, Tristan, cinq ou six; au contraire certaines épopées féodales, Les Quatre Fils Aymon (d'après la chanson de geste de Renaud de Montauban), Fierabras, et à un degré moindre Baudoin de Flandres, Ogier le Danois, Huon de Bordeaux, Le Roman de Mélusine, celui de Pierre de Pro¬vence sont souvent réédités : l'imprimerie les met à la portée du grand public, auquel ils plaisent par leurs épisodes mouvementés, les prouesses de leurs héros, leurs enchanteurs et leurs magiciens, leur comique ou leur franche sentimentalité. Les Recueils de divers romans de chevalerie publiés à la fin du siècle ne prétendent plus qu'à distraire) comme nos romans à bon marché; certains titres traverseront les siècles, grâce aux brochures vendues dans les foires, puis à la Bibliothèque bleue colportée par les merciers ambulants, et se retrouveront au @e siècle même, dans les collections pour enfants : ainsi des Quatre Fils Aymon !• A partir de l'époque où s'aggrave la séparation des classes sociales, la haute littérature laisse à la littéra¬ture populaire ce dont elle ne veut plus, à moins que la mode ne ramène l'intérêt sur les vieux ouvrages, comme lorsque le comte de Tressan créera le a genre troubadour )) en adaptant les romans de chevalerie presque oubliés à l'équivoque sensiblerie du xvme siècle.

La dégradation du roman médiéval dans l'esprit du public est visible par quelques faits : les Grandes et Inestimables Cronicques du grant et énorme géant Gargantua, brochure dont, nous dit Rabelais, il a été # plus vendu par les impri-meurs en deux moys qu'il ne sera acheté de Bibles en neuf ans s », ne parodient pas les romans de chevalerie, mais en sont la transposition selon l'imagination et l'esprit populaires, avec leur gros comique et leurs fables puériles; en revanche, la parodie n'est pas absente de Rabelais lui-même, et Pulci en avait donné l'exemple en Italie par son Morgante Maggiore traduit dès 1 5 1 9; le grand succès de Roland furieux où l'Arioste (après Boiardo, auteur de Roland amoureux) reprend les person¬nages des romans de chevalerie, fit apercevoir dans cc ces beaux vieulx romans

« fr ancoys, comme un Lancelot, un Tristan, ou autres » une riche matière épique, mais Du Bellay en 1549 dans la Deffence et Illustration de la langue françoyse et Jacques Peletier du Mans en 1555 dans son Art poëtique invitèrent vainement les poètes à s'en inspirer 1; en 1580, Montaigne se flattait d'avoir toujours ignoré ces ouvrages :«car des Lancelots du Lac, des Huons de Bordeaus et tel fatras de livres à quoy l'enfance s'amuse, je n'en connoissois seulement le nom, ny ne fais encor le corps » (Essat"s, I, 26).

Enfin en donnant une édition très abrégée de Lancelot à Lyon en 1591, c'est une œuvre «ensevelie » que Benoît Rigaud espérait sauver de l'oubli 2•. »

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