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Marguerite de Navarre

Publié le 12/02/2018

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feint de ne pas savoir à qui il fait allusion; Hircan jure n'avoir jamais cherché que leur déshonneur, et ne fait d'exception que pour Parlamente; le zélateur de l'amour platonique, Dagoucin, cache pour qui son cœur brûle ... Les commentaires sont loin d'être purement spéculatifs, les récits ne s'adressent pas à la seule curiosité; entre les deux partis, celui des idéalistes et des défenseurs des femmes et celui des réalistes, des anti-féministes, la discussion prend un tour intime et passionné; l'unité de l'œuvre vient de cette tension dramatique dont elle est traversée, et dont Marguerite a enrichi le procédé de présentation emprunté au Décaméron.

Dans la composition, Marguerite a appliqué un double principe de variété et de vraisemblance : chacun des dix devisants raconte une nouvelle par jour; dans une même journée l'alternance des hommes et des femmes est rigoureusement respectée, l'alternance des récits joyeux et des récits sérieux l'est beaucoup moins régulièrement; les nouvelles se groupent par thèmes que les éditeurs énoncent explicitement en tête de chaque journée, mais sans plus de rigueur que n'en comporte un enchaînement de propos selon les associations ou oppositions d'idées : la parole passe très normalement d'un narrateur à l'autre, chacun sachant qu'il doit apporter sa contribution journalière 1Les devisants sont convenus de tenir des conversations suivies, leurs conversations à bâtons rompus ne pouvant pas être reproduites 2

·               Avant l'heure de leur réunion, ils se retirent dans leur chambre pour chercher dans leur mémoire les récits qu'ils pourront faire, et même pour « visiter leurs registres » (Prologue de la Troisième journée) : il n'est donc pas étonnant que Longarine déclare avoir mis « icy en escript » pour l'instruction de la compagnie ce qui constitue la Vingt-cinquième Nouvelle. Le naturel tel que le conçoit Marguerite comporte une certaine part d'artificiel, qui ne cessera d'augmenter dans le roman sentimental des générations suivantes.

2. LE RECIT

Coupés du monde et condamnés à l'inaction, les dix personnages réunis à l'Abbaye racontent des histoires pour passer le temps et se divertir; ils veulent que ces histoires soient vraies, nouvelles, brèves, sans ait, et intéressantes.

 

a. « Voylà, Mesdames, une histoire véritable » (Deuxième nouvelle); « Je vous diray une histoire que je sçay, pour en avoir faict inquisition véritable sur le lieu » (Quatrième Nouvelle); « Pour ce que nous avons juré de dire vérité, je ne la veulx celer » (Cinquième Nouvelle), etc. Les narrateurs ne disent que ce qu'ils ont vu ou qu'ils tiennent directement des acteurs, dont ils doivent cacher les noms pour ne pas être indiscrets; cette exactitude est généralement confirmée par la critique moderne; elle ne visait pas seulement à donner plus de piquant aux récits : elle fondait la réflexion morale et psychologique sur une base documentaire sans laquelle

« fe int de ne pas savoir à qui il fait allusi on ; Hircan jure n'avoir jamais cherché que leur déshonneur, et ne fait d'exception que pour Parlamente ; le zélateur de l'amour platonique, Dagoucin, cache pour qui son cœur brûle ...

Les commentaires sont loin d'être purement spéculatifs, les récits ne s'adressent pas à la seule curiosité; entre les deux partis, celui des idéalistes et des défenseurs des femmes et celui des réalistes, des anti-f éministes, la discussion prend un tour intime et passionné ; l'unité de l'œuvre vient de cette tension dramatique dont elle est traversée, et dont Marguerite a enrichi le procédé de présentation emprunté au Décaméro n.

Dans la composition, Marguerite a appliqué un double principe de variété et de vraisemblance : chacun des dix devisants raconte une nouvelle par jour; dans une même journée l'alternance des hommes et des femmes est rigoureusement respectée, l'alternance des récits joyeux et des récits sérieux l'est beaucoup moins régulièrement ; les nouvelles se groupent par thèmes que les éditeurs énoncent explicitement en tête de chaque journée, mais sans plus de rigueur que n'en comporte un enchaînement de propos selon les associations ou oppositions d'idées : la parole passe très normalement d'un narrateur à l'autre, chacun sachant qu'il doit apporter sa contribution journalière 1• Les devisants sont convenus de tenir des conversations suivies, leurs conversations à bâtons rompus ne pouvant pas être reproduites 2• · Avant l'heure de leur réunion, ils se retirent dans leur chambre pour chercher dans leur mémoire les récits qu'ils pourront faire, et même pour « visiter leurs registres » (Prologue de la Troisième journée): il n'est donc pas étonnant que Longarine déclare avoir mis « icy en escript » pour l'instruction de la compagnie ce qui constitue la Vin gt-cinquième Nouvelle.

Le naturel tel que le conçoit Marguerite comporte une certaine part d'artificiel, qui ne cessera d'augmenter dans le roman sentimental des générations suivantes.

2.

LE RECIT Coupés du monde et condamnés à l'inaction, les dix personnages réunis à l'Abbaye racontent des histoires pour passer le temps et se diver tir; ils veulent que ces histoires soient vraies, nouvelles, brèves, sans ait, et inté ressantes.

a.

« Voylà, Mesdam es, une histoire véritable» (Deuxième nouvelle);« Je vous diray une histoire que je sçay, pour en avoir faict inquisition véritable sur le lieu » (Qu atrième Nouvelle); « Pour ce que nous avons juré de dire vérité, je ne la veulx celer » (C inquième Nouvelle), etc.

Les narrateurs ne disent que ce qu'ils ont vu ou qu'ils tiennent directement des acteurs, dont ils doivent cacher les noms pour ne pas être indiscrets ; cette exactitude est généralement confirmée par la critique moderne ; elle ne visait pas seulement à donner plus de piquant aux récits : elle fo ndait la réflexion morale et psychologique sur une base documentaire sans laquelle 1.

La répartition des nouvelles entre les interlocuteurs n'était sans doute pas définiti­ vement arrêtée lorsque Marguerite mourut; ainsi s'expliquent quelques contradictions entre les plus anciennes versions connues.

2.

Cf.

la fin de la XLe nouvelle.

Dans L'Esté, de B.

Poissenot, la conversation étant venue à porter sur l'obéissance, un des interlocuteurs déclare avoir c fait provisio n » d'une histoire qu'il veut raconter avant d'entendre ce que les autres apporteront c de beau et pré­ médité » sur le même sujet (P.

JoURDA, Conteurs français du XVJe si�cle, Paris, 1965, p.

1293). »

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