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Est-il nécessaire d'évoquer sa petite enfance dans son autobiographie ?

Publié le 30/08/2014

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On peut d'ailleurs se demander si de telles inventions n'ont pas plus de charme que Les gazouillis d'un bébé. En effet, si l'autobiographe raconte toute son enfance, même les épisodes les plus communs, il risque fort de lasser son lec­teur. De plus, l'essentiel, les événements les plus marquants de la vie de l'auteur, ceux qui ont forgé sa personnalité et qui ont conditionné son existence risquent d'être noyés dans d'insipides récits. C'est le choix que fait Marguerite Duras dans L'Amant. Loin de retracer toute son enfance, elle centre son récit sur ses quinze ans et sur sa rencontre avec l'amant de Cholen. Elle se contente de brefs retours en arrière si un élément de son récit lui semble réclamer des précisions. Ainsi, elle évoque parfois tes disputes violentes entre ses frères, puisque ce sont elles qui expliquent le climat tendu qui règne dans la famille et le mépris de son frère aîné à l'égard du «Chinois«. De même, Léonard dans le récit de son enfance

« Chapitre 3 Le biographique aucune raison de la négliger.

Ainsi, le marin auquel Corbière donne la parole, dans Le Négrier, Aventure de La mer, raconte sa naissance, puis ses premiers jours et son baptême, il en vient ensuite à parler de son enfance en s·arrêtant sur ses neuf ans, puis sur ses douze ans.

Il éclaire ainsi chaque âge de sa vie.

D"ailleurs, à la définition s"ajoute la tradition.

L.:évocation de la petite enfance apparaît comme un passage obligé pour les autobiographes.

Chacun se doit de passer rapidement sur la naissance elle-même, pour en venir aux portraits de proches - Chateaubriand peint ainsi la radieuse Lucile, et son père, inquiétant fantôme-, aux descriptions du cadre de l"enfance- songeons ici à la moiteur du bac qui traverse le Mékong, cher à Marguerite Duras-, et au récit des bêtises, erreurs et folies de jeunesse- c"est, par exemple, le récit du vol des pommes, situé au début des Confessions de Rousseau.

L.:histoire littéraire tendrait donc à faire du récit d"enfance un élément essentiel de l"autobiographie*.

De plus, le récit d"enfance n·est pas isolé du reste de l"autobiographie*.

C"est souvent dans les événements de la petite enfance que l"on trouve l"explication des certains traits de l"adulte.

Chateaubriand associe ainsi, dès le premier chapitre des Mémoires d"Outre-Tombe, la naissance et la mort.

La douleur qui préside à sa naissance, la tempête qui agite la mer ce jour-là, tout lui semble annoncer la mélancolie profonde qui l"animera toute son existence.

Il conclut d"ailleurs le premier chapitre de son autobiographie*, en affirmant : «Le Ciel sembla réunir ces diverses circonstances pour placer dans mon berceau une image de mes destinées».

Michel Leiris, en 1939, intitule son autobiographie* L"Âge d"homme.

On serait donc tenté de croire quïl ne va raconter que sa vie adulte.

Il n·en est rien.

Il mentionne par exemple un épisode de son enfance qui peut paraître ano­ din: l"opération au cours de laquelle on lui enleva les végétations.

Cet épisode est d"autant plus douloureux pour l"enfant qu"à la douleur physique s"ajoute une dou­ leur morale.

En effet, ses parents l"ont trompé: ils lui ont annoncé une sortie au cirque, au lieu de lui avouer quïls l"emmenaient chez le docteur.

Le résultat est que l"enfant, qui a le sentiment d"avoir été trompé, en déduit que le monde est un piège.

Et l"auteur d"affirmer, en des termes très voisins de ceux employés par Chateaubriand : «Toute ma représentation de La vie en est restée marquée».

Le caractère de l'auteur s"éclaire donc de ce récit de la petite enfance.

Enfin, le narrateur-adulte peut restituer le regard naïf de l"enfant, son désar­ roi, son enthousiasme comique, et ainsi émouvoir le lecteur.

Il ne faut pas oublier en effet que le récit d"enfance ouvre le plus souvent l"autobiographie* et doit donc remplir les fonctions d"un incipit.

Il s·agit de séduire le lecteur, de lui interdire de refermer le livre avant de l"avoir fini.

Ainsi, Léonard, le marin à qui Corbière prête sa plume, raconte ses premiers émois maritimes.

À l"âge de douze ans, son passe-temps favori consistait à monter à bord des grands bateaux qui mouillaient dans le port de Brest et à prendre, pour quelques instants, la place d"un marin.

On perçoit lïronie de l"adulte devant l"ambition démesurée du garçon quïl était alors.

En effet, alors même quïl est pris de nausée, il s·exclame, en un rythme ternaire emphatique : «Je rêvais avec ivresse, au bruit des vagues qui me ber-. »

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