La présence de Voltaire dans ses Contes

« DISSERTATIONS LITTÉRAIRES tion de l'ouvrage.

En 1758, la nouvelle que Frédéric II vient de prendre Breslau lui fait évoquer à son ami Darget l'exercice des troupes du roi à Potsdam dans les mêmes termes qui décrivent au chapitre 2 de Candide l'exercice militaire du héros à la Bulgare.

Quelques semaines plus tard, !'écrivain suggère à sa nièce de« guin­ der » l'abbé Condillac par-dessus les Alpes, des Délices à Turin, tout comme Cacambo et son maître seront« guindés» par-dessous les montagnes d'Eldorado.

Un philosophe de son te111ps Aux images privilégiées du présent ou du passé viennent se mêler les recherches intellectuelles qui donnent leur consistance philosophique aux Contes de Voltaire.

Micromégas se place sous l'influence de Locke, de Newton et de Pope.

À l'époque de Zadig, Voltaire essaie de se rattacher, malgré les objections présentées par le héros du conte à l'ange Jesrad, à l'optique providentialiste de Leibniz.

Memnon marque la renonciation définitive du philosophe à la théorie du libre arbitre.

Mon­ trant que le «tout est bien» est un a priori absurde et que le «tout est mal» découle du choc de l'expérience, Candide enseigne qu'il faut savoir s'accommoder du rela­ tif pour réussir à vivre parmi les hommes.

Enfin, dans L'ingénu, Voltaire offre l'image de l'homme naturel idéal, au moment où les philosophes recherchent dans le thème du bon sauvage leur conception de l'homme moderne.

Ill -UN ÉCRIVAIN ENGAGÉ Les com~~ts p~r~onnels L'influence profonde de l'actualité se retrouve partout dans les Contes: Vol­ taire est un écrivain engagé.

Les marquages explicites, par citation directe ou par allusion transparente, sont très fréquentes dans les Contes.

Au gré des polémiques suscitées par Micromégas au cours de son passage sur la terre, Voltaire s'en prend au Père Castel qui a présenté ses Éléments de la philosophie de Newton de la façon la plus insultante, et manifeste son ironie contre Fontenelle en le caricaturant sous les traits du secrétaire de !'Académie des Sciences de Saturne, «qui n'avait à la vérité rien inventé».

Au chapitre 22 de Candide, Voltaire met en scène ses ennemis personnels, Gauchat, Fréron, et !'abbé Tru blet.

Derrière le maître de l'esclave de Surinam, l'abominable Vanderdendur, on retrouve un libraire de La Haye (Van Duren) avec lequel Voltaire a connu de sérieux démêlés.

Les grandes causes voltairiennes Au-delà de péripéties personnelles, les Contes de Voltaire représentent autant d'étapes dans son combat pour la philosophie.

Comme !'écrivain, leurs héros dénoncent illusions, impostures et crimes.

Zadig doit affronter l'iniquité du monde judiciaire et le fanatisme* des religieux.

Scarmentado fait le tour du monde des abominations.

Il préfigure les étapes crucifiantes de Candide en butte à la noblesse, à la guerre, à l'esclavagisme avant de condamner définitivement l'optimisme* de Leibniz.

L'ingénu critique sévèrement la religion et les atteintes aux droits de l'homme.

Enfin, son voyage en canapé volant permet à Formosante de découvrir la tolérance en Chine et de dresser un palmarès des souverains d'Europe« éclairés ».

Conclusion: Loin d'être surimposée aux Contes, la philosophie militante de Voltaire leur apparaît profondément inhérente.

C'est dans le même mou­ vement endiablé que se coulent la confidence et le combat philosophique.. »