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Questions de synthèse de Dom Juan

Publié le 12/01/2015

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Il est difficile de parler d'un couple que formeraient Dom Juan et Done Elvire, car ce couple éphémère n'existe qu'au passé. Done Elvire dans sa première apparition se livre à une analyse introspective émouvante des troubles et des illusions de l'amour. Mais dans les deux scènes qui lui sont consacrées elle ne montre que les résultats de son évolution intérieure, non le processus. Là encore il n'y a pas à proprement parler de psychologie. On constate simplement un parallélisme en¬tre les mutations opposées des deux personnages. Tous les deux effectuent un dépassement qui les hausse en quelque sorte hors de l'humain, Dom Juan se dépasse dans la bassesse et dans la négation, Done Elvire se dépasse dans la noblesse, dans le détachement et dans la foi. Dom Louis apparaît comme une parodie du père noble cornélien. En définitive, les seuls personnages qui apparen¬tent Dom Juan aux comédies de caractère de Molière sont les deux frères de Done Elvire, en particulier Dom Carlos qui analyse avec beaucoup de lucidité et de dignité ses états d'âme. Il appartient à la race des honnêtes hommes et des raisonneurs et s'oppose à Don Alonse, qui incarne les impul¬sifs, les violents, que leur caractère passionné entraîne vers les extrêmes. L'un des thèmes principaux qui parcourt la pièce est celui du choix entre l'aliénation et la liberté. Il y a le moyen terme, la voie moyenne, celle des compro¬mis, c'est celle que, non sans tiraillement, a choisi Dom Carlos, cet homme raisonnable. Il y a la liberté qui oblige au dépassement, la liberté dans le mal, c'est le chemin que suit obstinément Dom Juan; il y a la liberté dans le Bien, dans le mépris des convenances mondaines, c'est le parti adopté par Done Elvire. Sganarelle représente la superstition et le conformisme d'un esprit faible qui, tout au long de la pièce, apporte la contradic¬tion à l'esprit fort. Il est partagé entre la peur que lui inspire son maître, une fascination trouble, la servilité et une certaine vantardise qui le pousse à profiter des moments de complai¬sance de son maître. Mais tous ces personnages sont marqués par un schéma¬tisme qui est propre à l'esprit de cette comédie. La psycholo¬gie des personnages reste sommaire parce que les centres d'intérêt voulus par Molière sont ailleurs. L'auteur a réussi à habiller d'une fiction crédible des propos qui dépassent trop largement le cadre de la comédie de caractère ou même de la comédie de moeurs pour s'accommoder des critères d'un théâ¬tre de chambre. Le conflit qui est raconté ici n'est pas psychologique, il est cosmologique, métaphysique. Le couple central n'est pas celui de Dom Juan et Done Elvire, ni même celui de Dom Juan et Sganarelle, il est celui composé par Dom Juan et le Comman-deur, deux adversaires qui sont les prête-nom d'un débat éternel entre les hommes et Dieu, entre la raison et la foi. Une comédie métaphysique Le défi à la métaphysique Le principal enjeu de l'histoire racontée dans Dom Juan n'est pas psychologique, ni politique, ni historique, il est idéologi¬que, il est, surtout, métaphysique. Alex Szoguy a écrit : « Dom Juan constitue l'une des rares pièces de théâtre universelles où le langage mène à des conclusions d'ordre métaphysique. La pièce reflète un monde où Dieu est mort et où la destinée capricieuse nous joue toutes sortes de tours; un monde où l'on s'avance à l'aveuglette, conduits seulement par des qualités que nous savons cultiver en nous-mêmes, les vérités dans lesquelles nous croyons, les vertus intérieures qui nous prêtent notre force.» (Szogyi, 20, p. 142) La question centrale posée à travers le personnage de Dom Juan, à travers son attitude de défi envers l'ordre moral et envers les croyances qui le fondent, est la question de l'exis¬tence de Dieu. Cette question est mise en scène à travers des situations symboliques. Dom Juan est sans doute la pièce de Molière qui échappe le plus au réalisme. C'est pourquoi les personna¬ges offrent une stylisation proche de l'épure, c'est pourquoi, les décors tout en étant ceux d'une pièce à machines, ont tous, dans leur diversité, une force allégorique. Chacun d'eux suggère une idée, chacun d'eux est porteur de ce mouvement d'extension du particulier au général, qui, par la grandeur mythique du personnage de Dom Juan, marque toute la pièce. Plutôt que de grandeur on devrait, d'ailleurs, parler d'agrandissement.
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« 324 / Molière.

Œuvres majeures de former un tout, son action offre une ligne brisée, au lieu de s'enchaîner selon une progression dramatique inéluctable, les scènes sont fragmentées.

A première vue, Dom Juan pourrait, en effet, passer pour une pièce à sketches, tellement chaque scène semble conçue de façon autonome, sans lien avec celle qui la précède et celle qui la suit.

Et pourtant, il n'en est rien.

Dom Juan est une œuvre d'une cohérence formelle absolue.

Simplement elle n'obéit pas au principe d'unité qui a définitivement modelé nos esprits habitués à penser en ligne droite, jamais en courbe ou en cercle.

Dom Juan est une œuvre où chaque scène est pensée en fonction de l'ensemble avec laquelle elle entretient des rapports non concentriques mais polysémiques, pluriels.

Dom Juan est une pièce hybride, non dans un sens péjora­ tif, non hybride par hasard ou par défaut, mais voulue et conçue comme telle, construite selon le principe d'hybridité qui engendre une forme d'une nécessité aussi impérieuse que celle qui régit les tragédies de Racine, mais une nécessité différente, qui appartient à un ordre d'idées différent.

Molière y entrechoque les temps, les lieux, les événements, et surtout à peu près tous les genres de discours, il entremêle le sérieux et le bouffon, le haut et le bas, la terre et le Ciel.

En cela, Dom Juan échappe, il est vrai, à l'âge classique.

On l'a dite, souvent, baroque.

En fait, elle est surtout le vestige d'une culture en voie de disparition au xvne siècle à cause du monopole exercé par la culture mondaine et sa­ vante, de cour et de salon; elle est la résurgence unique, isolée de cette culture populaire du Moyen Age, dont Rabe­ lais a été, au xv1e siècle, le génial dépositaire et le merveil­ leux intercesseur.

On a parlé de «fatrasie» à propos de la tirade prononcée par Sganarelle au cinquième acte, mais dans un sens c'est toute l'œuvre qui est un fatrasie, qui est fondée sur la parodie des styles et des idées, sur une cacophonie volontaire et savamment dominée.

Mais si Dom Juan apparaît comme archaïque, par ce trait, elle est aussi moderne, ce qui explique le succès qu'elle ob­ tient de nos jours.

II a fallu attendre le XXe siècle pour que cette œuvre s'impose, tout simplement parce qu'elle convient à notre sen­ sibilité.

Son audience est le meilleur signe pour apprécier. »

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