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ROMAN ET AUTOBIOGRAPHIE

Publié le 29/03/2015

Extrait du document

gie de l'auteur. Rien ne semblait donc plus vain, plus dépassé que de parler de soi-même.

Robbe-Grillet se renie-t-il donc lui-même ? Il feint de le croire mais son jeu est plus complexe et les lignes qui pré­cèdent sont à lire en tenant compte de l'ironie qui s'y mani­feste.

En réalité, la prise de position de Robbe-Grillet n'apparaîtra comme un indice de régression, un signe de reniement qu'à ceux qui avaient enfermé son oeuvre dans une vision trop dogmatique.

Deux discours théoriques successifs principaux se sont en effet développés, prenant les romans de Robbe-Grillet comme point de départ.

Le premier est l'oeuvre de Roland Barthes qui, fasciné par les descriptions d'objets que recelaient Les Gommes, contri­bua à diffuser le mythe d'une « littérature objective « qui aurait trouvé dans Robbe-Grillet son plus irréprochable champion. Les romans de celui-ci vaudraient surtout par les incessantes et mates descriptions d'objets qui s'y trouvent.

« L'écriture de Robbe-Grillet est sans alibi, sans épais­seur et sans profondeur : elle reste à la surface de l'objet et la parcourt également, sans privilégier telle ou telle de ses qualités...«

Saisis dans cette perspective, les romans de Robbe-Grillet semblent appartenir à une littérature de l'objet d'où toute psychologie, toute métaphysique se trouve évacuée : le « moi « est comme chassé de l'espace du livre.

 

Le second discours théorique s'est développé, lui, dans les années 60 et a trouvé son principal partisan dans la personne du romancier et critique Jean Ricardou. La thèse qu'il défend consiste à démontrer que les «nouveaux romans «, et notamment ceux de Robbe-Grillet, ne racontent rien d'autre que le mouvement fragmentaire et contradictoire de leur propre composition. Ainsi Projet pour une révolution à New York n'est pas à lire en fonction d'une hypothétique intrigue qui y serait racontée. Ce roman de Robbe-Grillet, affirme

« ~ .

Roman et autobiographie I 185 public le bref texte qui débute par la formule que nous considérons ici.

Là encore, cependant, le projet avorta.

Ou plutôt, il prit une dimension telle qu'il finit par déborder le cadre défini avec les éditions du Seuil.

Si bien que Robbe-Grillet décida de donner à son texte une forme différente, une dimension plus ample, en mélangeant fiction et autobiographie dans un ouvrage hybride qui allait devenir Le Miroir qui revient .

.....

En quoi la formule, en apparence si conventionnelle de Robbe-Grillet, peut-elle être source de scandale ou du moins d'étonnement? L'auteur anticipant les objections s'en explique d'entrée: «Je n'ai jamais parlé d'autre chose que de moi.

Comme c'était de l'intérieur, on ne s'en est guère aperçu.

Heu­ reusement.

Car je viens là, en deux lignes, de prononcer trois termes suspects, honteux, déplorables, sur lesquels j'ai largement concouru à jeter le discrédit et qui suffi­ ront, demain encore, à me faire condamner par plu­ sieurs de mes pairs et la plupart de mes descendants : "moi", "intérieur", "parler de".

Le second de ces petits mots à l'inoffensive apparence ressuscite à lui seul, fâcheusement, le mythe humaniste de la profondeur (notre vieille taupe, à nous autres écri­ vains), tandis que le dernier ramène en catimini celui de la représentation, dont le difficile procès traînait tou­ jours.

Quand au moi, de tout temps haïssable, il prépare ici sans aucun doute une rentrée en scène encore plus frivole : celle du biographisme.

» Dans les lignes qui précèdent, Robbe-Grillet se plaît à mon­ trer qu'en une simple phrase il vient de renverser tous les tabous que le nouveau roman -dont il fut le chef de file - avait au cours des années 50 et 60 contribué à ériger.

Il s'agissait à l'époque de construire un roman totalement ano­ nyme dans lequel l'écriture.juxtaposant les fragments d'une intrigue éclatée, ne renvoyait qu'à elle-même, hors de toute volonté de représenter le monde ou de traduire la psycholo-. »

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