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LE ROMANTISME: DÉFINITION SYNTHÉTIQUE DU MOUVEMENT

Publié le 27/05/2015

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On reprendra ici les éléments synthétisés par Max Milner et Claude Pichois dans leur volume de la Littérature fran­çaise (réédition Arthaud, 1985) :

« C'est la conscience croissante [d'un] devenir continu, [d'un] dynamisme vital et [d'une] unité orga­nique qui constitue, à notre sens, le principe unificateur des thèmes par lesquels se manifeste, en France comme ailleurs mais avec des particularités dues aux circons­tances [historiques et culturelles], l'esprit romantique. Si celui-ci présente un mélange, au premier abord assez surprenant, de retours vers le passé et d'ouvertures sur l'avenir, de révoltes individualistes et de prétentions à parler au nom de l'humanité entière, c'est dans la mesure où le sens du devenir lui permet de trouver dans le passé un principe de vie à l'état naissant, et où le sens de l'unité du monde lui permet de rejoindre, à travers les énergies et les souffrances de l'individu, les forces qui sont à l'oeuvre dans l'histoire. «

Si l'on veut énumérer plus précisément les éléments thématiques et stylistiques du romantisme européen, l'on doit se souvenir que la plupart des auteurs n'y recourent

que de manière partielle et qu'ils privilégient tel ou tel aspect selon l'occasion, le moment, le pays, leur configu­ration intellectuelle et idéologique particulière. Égotisme, sensibilité mélancolique, sentimentalisme pathétique, goût et vision de la Nature, insatisfaction et/ou aspiration spirituelles, penchant morbide pour la mort ou les 

On passe ainsi de la Heimweh à la Sehnsucht, sorte de nostalgie ontologique, désir de retrouver le domaine perdu de l'innocence, de se réintégrer. Sentiment de la perte et de la chute, elle ouvre sur la quête de l'identité, ce qui entraîne le projet d'écriture autobiographique (voir les Confessions de Rousseau). De son côté, Goethe voit dans la nostalgie une force créatrice :

« Tout ce qui nous arrive de grand, de beau, de mar­quant, ne doit pas être d'abord rappelé de l'extérieur, comme en lui donnant la chasse; il faut qu'au contraire cela s'unisse dès le début à la trame de notre intérieur, ne fasse qu'un avec lui, produise en nous un moi meilleur, vive et crée en nous, continuant à nous former éternel­lement. Il n'y a point de passé vers quoi il soit permis de porter se regrets, il n'y a qu'une éternelle nouveauté,

qui se forme des éléments grandis du passé ; et la vraie nostalgie doit être toujours créatrice, produire à tout instant une nouveauté meilleure encore « (Entretiens avec le chancelier von Müller, daté du 4 novembre 1823).

De la nostalgie on passe sans difficulté à la mélancolie, qui ne fait qu'aggraver cette perturbation du rapport au monde. Elle trouve ses premières formulations en Angle­terre, et se distingue de la mélancolie des classiques, due à l'excès de bile noire. Sa forme la plus nouvelle est le spleen. La mélancolie devient une passion de l'âme, aux effets psychologiques et spirituels, un symptôme du mal de vivre :

« Les symptômes du mal de vivre sont divers : spleen, inquiétude, mélancolie, vapeurs. Tous se rapportent à la même prise de conscience, à la découverte du vide et de l'insécurité à l'intérieur de l'être. Le néant se révèle par une double expérience : les marécages de l'ennui et les menaces, explicites ou confuses, venant du monde « (Robert Mauzi, L'Idée de bonheur au xvme siècle, 1960).

En ce sens, la mélancolie présente une différence impor­tante avec une autre mélancolie douce, celle qui fait aimer tous les spectacles privilégiés pour la sensibilité. Elle n'assombrit pas, et en rappelant la précarité de la condition humaine, invite à jouir du temps présent. Cette mélancolie prend des couleurs plus sombres quand elle attire l'indi­vidu vers les ruines, les tombeaux et les prestiges de la nuit. Le cimetière est évidemment un lieu idéal pour médi­ter sur la mort et sur l'immortalité. L'Angleterre joue encore ici un rôle moteur, avec Les Nuits de Young, immense succès européen, et l'Élégie écrite dans un cimetière de campagne de Thomas Gray (1751).

Narcissisme de la douleur, le mal de vivre, le Weltsch-merz, prend d'autant plus d'intensité que la fin du siècle approche. On rêve d'y échapper par le voyage, qui trans‑

pose le désir de rupture, lequel se radicalise par le suicide. Son expression littéraire sur le mode de la révolte se trouve dans le mouvement allemand appelé le Sturm und Drang, Tempête et Assaut, ou Élan. Cette insurrection lit­téraire des années 1770-1780 prend son nom d'un drame de Friedrich Maximilian Klinger de 1777.

d) Idéologie et littérature

De ce malaise naît la revendication d'une transmutation des valeurs, puisque se trouve énoncée l' impossibilité d'insertion dans une époque imbue de sa foi dans le pro­grès. C'est un rejet de l'universalité des normes et des concepts des Lumières. Non-conformisme qui fait du mal d'exister une raison d'exister, contre la mélancolie de l'abandon. De refuge, celle-ci peut devenir une dynamique. Le romantisme peut naître dans un contexte historique marqué par les bouleversements révolutionnaires.

 

Tout cela se combine avec des sources littéraires nou­velles, énumérées par Paul Van Tieghem. Le déclin des influences gréco-latines est compensé par la revalorisation des poésies des traditions d'autre antiquité, comme la poésie scandinave, et les poèmes ossianiques, publiés par MacPherson de 1760 à 1763, et rassemblés en 1773, qui feront le tour de l'Europe. Il en va de même avec les poé­sies nationales (en France, il s'agit des poésies des trou­badours), et toute une série de textes modèles, allant de Milton à Gessner, sans oublier Shakespeare, adopté par les Allemands, et, avec plus de réserves, par les Français.

« DÉFINITIONS ET CHRONOLOGIE 15 dans un alignement infini de miroirs » (Atheniium, 1798).

De même, dans cette définition de son frère, August Wilhelm Schlegel : «L'inspiration des Anciens était simple, claire, plus semblable à la nature dans ses œuvres les plus isolées et les plus parfaites.

Le génie romantique, malgré son aspect fragmentaire et son désordre apparent, est plus près cependant du mystère de l'univers; car si l'intel­ ligence ne peut jamais saisir en chaque chose isolée qu'une partie de la vérité, ce sentiment par contre, en embrassant toutes choses, perçoit et pénètre tout dans tout » (Cours de littérature dramatique, 13e leçon, 1808).

A- NAISSANCE DE LA CONSCIENCE ROMANTIQUE AU XVIIIe SIÈCLE « [Le classicisme repose] sur trois bases primor­ diales: le rationalisme, confiance en l'intellect comme instrument de connaissance adapté au réel; le christia­ nisme, qui limite le rationalisme dans le domaine méta­ physique et se concilie tant bien que mal avec lui; l'humanisme gréco-latin, qui double la culture chré­ tienne et fournit des modèles qui restreignent l'in­ fluence du rationalisme en littérature.

Sur une nature immuable et lisible, source des règles du Vrai, du Bien, du Beau, s'édifie un ordre culturel que définissent règles, conventions, interdits, équilibre subtil et fragile entre le rationalisme et l'autorité (dogmatique ou esthé­ tique), entre l'humanisme et le christianisme, qui ne fonctionne au mieux que pendant deux ou trois décen­ nies.

Au xvme siècle, ce compromis organique se désta­ bilise au profit du rationalisme avec la conception d'un progrès indéfini des Lumières ; mais la foi en une struc­ ture rationnelle de la nature, accordée à une raison. »

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