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De Tartuffe à Dom Juan

Publié le 12/01/2015

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« Et Molière ne peut parer au juste reproche qu'on lui peut faire d'avoir mis la défense de la religion dans la bouche d'un valet impudent, d'avoir exposé la foi à la risée publique, et donné à tous ses auditeurs des idées du libertinage et de l'athéisme, sans avoir eu soin d'en effacer les impressions. Et où a-t-il trouvé qu'il fût per¬mis de mêler les choses saintes avec les profanes, de confondre la créance des mystères avec celle du Moine bourru, de parler de Dieu en bouffonnant et de faire une farce de la religion ? » Donc, il n'y avait plus de trace du Moine bourru dans la version de Thomas Corneille qui avait supprimé également les scènes 3 et 4 du cinquième acte où Dom Juan feint la conversion pour échapper à la vengeance de Dom Carlos et à chaque demande de réparation invoque avec une ferveur redoublée « le Ciel! le Ciel ». La scène 5 du même acte avec l'apparition du spectre avait subi le même sort, ainsi que l'ultime tirade de Sganarelle réclamant ses gages qui terminait la pièce sur une note de dérision insupportable pour tous les «gens de bien ». Du libertinage de moeurs au libertinage d'idées Rochemont avait montré que cette fin détruisait l'argument du dénouement moral. L'impie était châtié par «le foudre »1 du Ciel, mais l'effet de terreur salutaire produit par cette intervention du surnaturel était aussitôt annulé par le cri de Sganarelle : « En effet, ce prétendu foudre apprête un nouveau sujet de risée aux spectateurs, et n'est qu'une occasion à Molière pour braver, en dernier ressort, la justice du Ciel, avec une âme de valet intéressée, en criant : "Mes gages, mes gages!" Car voilà le dénouement de la farce; ce sont les beaux et généreux sentiments qui mettent fin à cette galante pièce; et je ne vois pas en tout cela où est l'esprit, puisqu'il avoue lui-même qu'il n'est rien de plus facile que de se guinder sur des grands sentiments, de dire des injures aux Dieux 2, et de cracher contre le Ciel» 1. «Foudre », dans cette acception, était alors au masculin, on parlait du «foudre du Ciel ». 2. Citation de La Critique de l'Ecole des femmes où Dorante montre que la tragédie est plus facile que la comédie. Rochemont retourne cette critique contre Molière en isolant la phrase de son contexte. Les coupures pratiquées par Thomas Corneille mettent en évidence tout ce qui dans le texte original était appelé à choquer les croyants; elles nous permettent donc de mieux comprendre les raisons pour lesquelles Molière retira définiti¬vement sa pièce. Dans Tartuffe, il s'était contenté de peindre un faux dévot. Rien dans les paroles de l'imposteur ne per¬met de l'accuser d'athéisme. En Dom Juan, Molière montrait un libertin qui proclamait son athéisme et qui, de plus, au cinquième acte, avait recours à l'hypocrisie pour se protéger des conséquences de ses crimes. La fausse dévotion n'était pas seulement comme pour Tartuffe un moyen de faire car¬rière et de favoriser des moeurs relâchées, elle couvrait une outrageante liberté de pensée. La nuance capitale entre les deux sens que l'on donnait à cette époque au mot « libertinage » cerne exactement l'origi¬nalité de Molière par rapport à ses devanciers. Le passage du libertinage de moeurs au libertinage d'idées constitue le prin¬cipal apport de Molière au mythe de Dom Juan.
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« 186 / Molière.

Œuvres majeures acteur d'une troupe itinérante, comme celle de Molière, Dorimond, écrit et fait jouer à Lyon Le Festin de Pierre ou le Fils criminel.

En 1660, un autre auteur-acteur, Villiers, atta­ ché à la troupe prestigieuse de !'Hôtel de Bourgogne, publie à son tour une tragi-comédie en vers qui porte le même titre.

Villiers donnait sa pièce pour une traduction de l'italien, peut-être afin de masquer tout ce qu'il devait à Dorimond, car on n'a jamais retrouvé l'original.

Il existait cependant en Italie un Convivo di Pietra attribué à un certain Cicogninni que Molière devait connaître.

Et, en 1658, Dom Juan était entré dans la Commedia dell'Arte avec le Scenario de !'Arlequin Biancolelli.

Les Italiens furent d'ail­ leurs les premiers à monter Dom Juan à Paris et on peut les considérer comme les introducteurs du mythe dans notre répertoire théâtral.

Quand Molière se met à écrire Dom Juan, après la der­ nière représentation de La Princesse d'Elide, le 4 janvier 1664, il semble donc motivé essentiellement par des préoccu­ pations économiques et tenté par une histoire à la mode.

La suite va montrer qu'en se portant vers ce sujet, il obéissait à des préoccupations plus profondes et plus graves.

Des vers à la prose On distingue dans la production de Molière les pièces en vers et les pièces en prose.

La différence entre ces deux modes d'expression tenait à une hiérarchie propre à l'esthétique de l'époque qui privilégiait les vers comme la forme la plus noble.

On pourrait en déduire que Molière préférait les vers pour ses œuvres longues et amll>itieuses.

Il en a été effective­ ment ainsi au début de sa carrière.

Il choisissait la prose pour les pièces plus courtes et quand il était pressé par le temps.

Dom Juan constitue la première exception à cette règle.

En écrivant Dom Juan, Molière devait se hâter: c'est sans doute l'une des raisons pour lesquelles il l'écrivit en prose.

Mais il donna à cette pièce apparemment de circonstance la structure de ses grandes comédies, en cinq actes.

Qui, d'ailleurs, ose­ rait prétendre aujourd'hui que Dom Juan est une œuvre mineure?. »

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