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Aristote: Nous avons dit que les sentences pertinentes

Publié le 22/03/2015

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Nous avons dit que les sentences pertinentes proviennent d'une métaphore par analogie et qu'elles mettent [la chose en question] sous les yeux. Maintenant, il faut dire ce que nous entendons par « mettre sous les yeux «, et comment on produit cela.

J'entends par « mettre sous les yeux « que les mots signifient les choses en acte. Par exemple, [dire] « l'homme de bien est carré «, c'est faire une métaphore, car l'un et l'autre sont parfaits, mais ce n'est pas signifier l'acte. En revanche, [dire qu'il est] « en pleine fleur et à son acmé «, c'est [signifier] l'acte [...]. Et pareillement, comme Homère le fait en de nombreuses occurrences, rendre, au moyen d'une métaphore, les choses animées. Dans de tels cas, procéder en [signifiant l']acte est convaincant [pour l'auditeur], par exemple : « Et derechef, le rocher roula au sol sans honte aucune «, « La flèche prit son vol «, « Brûlant du désir de voler au but «, [...]. Dans tous ces passages, en leur prêtant une âme on signifie les choses en acte : ne pas éprouver de honte, brûler de désir, etc., c'est un acte. Ceci a lieu par le biais de la métaphore par analogie : ce que le rocher est à Sisyphe, celui qui agit sans honte l'est à ce qui est agi sans honte [...].

Il convient, comme nous l'avons dit auparavant, de métaphoriser à partir de choses appropriées [au sujet en question], mais non point évidentes ; de même, en philosophie, apercevoir ce qui est semblable jusque dans des [objets] fort différents est le fait d'un esprit habile à viser juste.

(Rhétorique III, 11, 1 411 b 24 - 1 412 a 13)

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« Textes commentés 53 L'artifice du beau style peut réussir cette merveille d'élégance et de tact langagier : faire paraître les choses mêmes sans les décrire, les « signifier en acte» (energounta sèmainein) par de belles métaphores.

Ainsi, quand Homère « nomme la vieillesse un brin de chaume, il instruit et produit une connaissance par le genre, car les deux sont défleuris » (10, 1 410 b 14-15).

Il faut rappeler que la métaphore se définit comme «transport [à une chose] d'un nom autre» (Poét.

21, 1457b6-7); or, lorsque le style est «habile à viser juste» (eustokhos), ce nom« autre» peut paradoxalement nous en apprendre beaucoup sur la chose en question.

La pierre ne peut pas éprouver le moindre sentiment, et pourtant, que le rocher de Sisyphe « roule sans honte » et aussitôt se signifient à nous, mieux sans doute que par une longue analyse, le courage et l'endurance du héros.

La plupart des métaphores cependant, même si elles nous apprennent bien quelque chose (par exemple, que le bonheur a à voir avec une certaine carrure de l'existence), ne font pas paraître l'être-en-acte lui­ même, ne le mettent pas« sous les yeux» (pro ommatôn).

S'il n'est pas, en effet, de bonheur en acte sans une ferme tenue de l'existence, l'être­ en-acte du bonheur en sa perfection ne ressortit pas d'une résistance "carrée" aux coups du sort, mais plutôt d'une « acmé », d'un «accomplissement» (energeia) de tout l'être en ses fragiles potentialités.

C'est pourquoi la métaphore de la floraison dit, avec un parfait bonheur langagier, le bonheur humain en acte : le «transport» (epiphora) du nom est ici réellement une eu-phorie de la langue.

Remarquons encore qu'Aristote n'omet pas de comparer la visée philosophique du «commun» (qui n'est autre que celle du discours catégorial apophan­ tique !) à la justesse paradoxale des métaphores réussies.

Certes, il ne faut pas métaphoriser dans les définitions (cf.

An.

Post.

Il, 13, 97 b 37- 39, et Métaph.

A, 9, contre Platon), mais, dans des matières comme l'éthique ou la politique, commencer l'étude en construisant un type par analogie est de bonne méthode (cf.

Texte VII).. »

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