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Les contes philosophiques de Voltaire

Publié le 09/10/2013

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Les contes philosophiques de Voltaire La dernière édition des contes de Voltaire parue du vivant de Voltaire date de 1775, reprise d'une édition de 1771. A sa mort, Voltaire en préparait une nouvelle. L'édition de 1784, qui sert de référence ordinaire, parut à Kehl (en Allemagne, en face de Strasbourg). Dates de rédaction Le premier des contes de Voltaire, Zadig, est déjà, en 1747, l'oeuvre d'un homme âgé: ce qui peut sembler aujourd'hui comme des plaisanteries parfois légères, bien dans le goût du temps, sont le fait d'un philosophe au sommet de son art, de sa pensée et de sa réputation. Lorsqu'il publie Candide en 1759, Voltaire est largement sexagénaire. Ces "petits pâtés", comme il appelait ces prétendues oeuvrettes, sont en fait des condensés de sa réflexion. Aussi, les dates à laquelle ils sont rédigés ne sont pas indifférentes. Quatre ensembles : On a pu regrouper tous les contes de Voltaire en quatre séries correspondant à quatre périodes de sa vie et de sa pensée: o DE 1747 À 1752 : Entre les deux pôles que constituent Zadig (1747) et Micromégas (1752), Voltaire rédige de petits contes où la référence orientale est très présente : le Crocheteur borgne, Cosi-Sancta (vers 1747), l'un et l'autre des amusements de salon à tonalité grivoise, le Monde comme il va (1748), Memnon (1749), la Lettre d'un Turc ( 1750). Zadig pose le problème de la destinée, et laisse entrouverte la porte du bonheur : la métaphysique est à mesure d'homme. Micromégas pose le principe de la relativité humaine, et condamne absolument cette démesure qui le pousse à s'entre-tuer pour des motifs dérisoires. o DE 1756 À 1759 : Outre deux petits apologues, les Deux consolés et le Songe de Platon, Voltaire rédige les Voyages de Scarmentado (1756), qui semble presque un brouillon de Candide (1759). L'un et l'autre sont écrits juste après la rédaction de l'Essai sur les moeurs, et témoignent d'une exaspération, une crispation de Voltaire face au spectacle planétaire de la bêtise humaine, de l'intolérance et du fanatisme. Zadig et Micromégas prêtaient à sourire. Candide est écrit d'une plume violente, et l'ironie mord sans trêve. o DE 1761 À 1768 : Fureur et tristesse ne font qu'empirer. Si Jeannot et Colin (1764) est un conte aimablement moral, si la Petite digression (1766) est une fable, l'Histoire d'un bon bramin (1761), le Blanc et le noir (1764), l'Aventure indienne (1766) témoignent d'un scepticisme, d'un manichéisme qui confine au pessimisme. Pot-pourri ( 1765) est une violente diatribe contre le christianisme. L'Ingénu (1767) finit mal. L'Homme aux quarante écus (1768) est un défilé de charlatans et d'exploiteurs de la crédulité humaine, économistes "distingués", moines bavards, scientifiques prétentieux. La Princesse de Babylone (1768), en flattant les "monarques du Nord" (Frédéric et Catherine), semble suggérer cyniquement que le pouvoir politique vaut à tout prendre mieux que le pouvoir spirituel, et que son instauration marque un progrès. Quant aux Lettres d'Amabed (1769), elles relancent l'attaque contre le catholicisme, accusé de se couvrir de motivations pieuses pour exercer un pouvoir plus direct sur les choses de ce monde, personnes et biens. o DE 1774 À 1775 : Enfin, le Taureau blanc est comme un retour aux fantasmagories anciennes, l'Éloge historique de la raison sonne comme un bulletin de victoire - ou comme une anticipation sur une victoire à portée de main. L'Histoire de Jenni (1775) et les Oreilles du comte de Chesterfield (1775) sont tous deux des apologies du déisme, contre la tentation athée à laquelle trop de philosophes, au goût de Voltaire, avaient déjà succombé. CANDIDE, UN CONTE PHILOSOPHIQUE Influencé par sa formation classique, désireux de s'illustrer dans les genres les plus estimés, Voltaire a longtemps éprouvé un vif dédain littéraire pour les romans et les contes. Pourtant, le philosophe s'est mis peu à peu à composer des contes, parmi lesquels Candide est le plus connu et, peut- être, le plus réussi. La forme littéraire de cette oeuvre est donc le résultat d'un projet. Aussi est-il important de définir la nature exacte de Candide. Il devient alors possible de percevoir le profit que Voltaire tire du conte. Enfin, il convient d'analyser le sens philosophique de Candide. I - UN CONTE A - LES ÉLÉMENTS TRADITIONNELS DU ROMAN Candide est un conte. Il faut d'abord savoir que le conte voltairien tire largement sa substance des éléments traditionnels du roman. À l'intérieur du genre romanesque, il existe différentes catégories, en particulier le roman d'aventures et le roman sentimental, qui s'entremêlent volontiers, ainsi que le roman d'apprentissage. Candide comporte une tempête, un naufrage, des corsaires, des poursuites, des duels; les retrouvailles toujours repoussées du héros et de sa bien-aimée constituent le fil narratif. Ce sont autant d'éléments empruntés au roman d'aventures et au roman sentimental. Comme dans le roman d'apprentissage, qui s'élabore au cours du XVIIIe siècle, à force d'épreuves, Candide retient les leçons de ses expériences et trouve un sens à son existence. B - LA FORME DU CONTE Mais Voltaire pousse la fiction au-delà du roman, qui est limité par la loi de la vraisemblance. Il a recours à la forme du conte. La particularité du conte réside principalement dans une double fantaisie: l'amusement et le merveilleux y tiennent une grande place. Par exemple, c'est d'une manière comique, « à grands coups de pied dans le derrière «, que Candide est chassé du château. Aussi terribles que soient bien des épisodes, le rire n'est jamais longtemps absent. Quant au merveilleux, il s'agit, en littérature, d'un genre dans lequel le surnaturel est accepté. Ainsi le pays de l'Eldorado, pays utopique, se rattache-t-il au merveilleux: la vie que mènent ses habitants, simple et toujours heureuse, au milieu de richesses inou·les, dépasse la vie ordinaire des hommes. De plus, la première phrase du conte s'apparente au début des contes de fées: l'expression « il y avait« rappelle les mots « il était une fois «. Le paradis de Thunder-ten-tronckh est un monde merveilleux, du moins avant l'arrivée du malheur. C - LA PARODIE ET L'IRONIE Le conte, par son ressort comique, ouvre la voie à la parodie, c'est-à-dire à l'imitation burlesque de genres sérieux. Voltaire exploite abondamment ce procédé dans Candide. Ce sont précisément les éléments romanesques qui sont parodiés. Les longues et difficiles retrouvailles des deux amoureux ne donnent pas lieu à une grande scène sentimentale, mais à un moment de dérision: Cunégonde est devenue laide. Pangloss ne subit pas une mutilation, mais plusieurs; son corps est le souffre- douleur de l'amusement voltairien. Le châtiment que l'Inquisition inflige à Candide est une fessée. De plus, le conte est constamment empreint d'ironie. L'ironie consiste à dire le contraire de ce que l'on pense, pour mieux faire valoir son idée, en raillant celle que l'on fait semblant d'approuver. La fausse grandeur du baron et bien des situations inacceptables sont malmenées par l'ironie voltairienne. De même, l'écrivain laisse entendre au lecteur l'absurdité des idées de Leibniz, en feignant parfois de les admettre. L'ironie est la forme philosophique de la dérision. C'était l'arme de Socrate. II - LE PROFIT DU CONTE A - UNE LECTURE FACILE En écrivant Candide, Voltaire réussit une alliance complexe, celle de la fiction la plus légère et de la réflexion la plus profonde. Il tire ainsi un profit philosophique du conte. Le premier bénéfice revient au lecteur: Candide est d'une lecture facile. Plutôt que de soumettre au public un ouvrage de philosophie, qui traiterait les mêmes questions, mais sous une forme abstraite, dans un langage compliqué, voire savant, l'auteur lui offre une histoire plaisante à suivre, qui fait aisément appel à l'imagination. Le récit des aventures de Candide peut être compris par le plus grand nombre. D'un autre côté, la parodie empêche le lecteur d'aller trop loin dans son intérêt pour l'histoire elle- même, à la différence de l'effet que peut produire un roman sentimental ou un roman d'aventures. L'histoire n'est qu'un moyen d'attirer le lecteur, ce n'est pas le but qu'il doit atteindre. B - LA LIBERTÉ DU CONTEUR De son côté, l'auteur trouve un avantage considérable dans le conte. " y gagne une totale liberté. Faisant traverser à ses personnages toutes les situations et tous les lieux qu'il veut, il peut ainsi poser toutes les questions importantes, à sa guise. Le conte permet de pousser les circonstances et les personnages jusqu'à un point extrême, jusqu'à la caricature, si bien que le sens de chaque épisode apparaît avec une netteté impossible à obtenir autrement. De même, l'utopie de l'Eldorado, avec ses éléments proprement merveilleux, offre l'image d'un monde idéal. C - UNE ARGUMENTATION VIVANTE Ainsi, loin d'être théorique et aride, l'argumentation est vivante. Voltaire ne disserte pas abstraitement sur le bien et le mal, il montre les deux notions en action. Certes, il est question d'idées, mais elles prennent un visage, elles ont le mouvement des corps et s'expriment à travers les mots de l'espoir et de la souffrance. 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