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Éthique, IV, 17, démonstration et scolie.

Publié le 22/03/2015

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Proposition XVII

Un Désir qui naît de la vraie connaissance du bien et du mal, en tant que celle-ci concerne des choses contingentes, est encore beaucoup plus facile à contrarier qu'un Désir pour les choses qui sont présentes.

Démonstration

Cette proposition se démontre de la même manière que la

proposition précédente à partir du Corollaire de la proposition 12 de cette partie.

Scolie

Par là, je crois avoir montré la cause pour laquelle les hommes sont plus émus par l'opinion que par la vraie raison, et pourquoi la vraie connaissance du bien et du mal excite des émotions de l'âme, et cède souvent à tout genre de pulsion ; d'où est né le mot du Poète : « je vois le meilleur et l'approuve, je fais le pire «. Cela même que l'Ecclésiaste, semble-t-il, a eu dans l'esprit, lorsqu'il a dit : « qui accroît son savoir, accroît sa douleur «. Or je ne dis pas cela dans le but d'en conclure qu'il est préférable d'ignorer plutôt que de savoir, ou bien que rien ne sépare l'intelligent du sot dans la maîtrise des affects ; mais c'est parce qu'il est nécessaire de connaître tant la puissance que l'impuissance de notre nature, afin que nous puissions déterminer ce que peut la raison dans la maîtrise des affects, et ce qu'elle ne peut pas ; et j'ai dit que dans cette partie je ne traiterais que de l'impuissance humaine. Car j'ai décidé de traiter séparément de la puissance de la Raison sur les affects.

 

Éthique, IV, 17, démonstration et scolie.

« Textes commentés 39 Cette proposition et son scolie montrent les limites de la puissance de la 1 Raison sur les passions.

Un désir né d'une connaissance vraie du bien et du mal 1 (c'est-à-dire de l'utile et du nuisible) peut en effet être impuissant face au désir d'un plaisir immédiat.

Je peux connaître par exemple le danger qu'il y a à j fumer : à terme, fumer peut me faire perdre certaines aptitudes corporelles et ! spirituelles, donc être cause de tristesse.

Cette connaissance, en tant qu'elle · aide ma puissance d'agir à lutter contre ce qui lui est contraire, est elle-même une Joie, dont peut naître un Désir (celui de m'arrêter de fumer).

Cependant, la vraie connaissance du bien et du mal a souvent trait à des choses contingentes: selon IV, déf.

3, ne sont pas contingentes les choses dont l'essence pose nécessairement l'existence (Dieu) ou l'exclut nécessairement (un cercle carré, un arbre qui parle).

Mais est contingent le fait que mon Corps soit détruit par ce corps étranger qu'est la cigarette.

De surcroît, cette connaissance du bien et du mal regarde le futur : elle est donc véritablement sans poids face au désir d'une chose présentement agréable (IV, 16).

La dimension du temps (présent ou futur), et la modalité de la chose perçue (contingence ou nécessité) déterminent donc les rapports de force entre affects 1 contraires qui nous tiraillent.

Et ces flottements de l'âme se résolvent toujours à l'avantage des Affects les plus puissants.

«Je vois le meilleur et l'approuve, je fais le pire », peut donc dire Spinoza à la suite d'Ovide.

Je vois vraiment le 1 meilleur, puisque j'ai une connaissance vraie du bien et du mal ; je l'approuve, puisque cette connaissance est en même temps une volition (Il, 49) ; mais je fais le pire, puisque le désir le plus fort est celui de la chose présentement agréable.

« Le pire » est donc ce qui objectivement est le plus nuisible, mais qui, dans l'immédiat, se présente comme une Joie : c'est pourquoi je le désire.

Par conséquent, les Affects qui s'affrontent en moi sont des Joies : l'une est une passion (j'imagine ma puissance d'agir aidée ou accrue); l'autre est une action (j'ai une connaissance vraie).

La Raison semble donc pouvoir être vaincue par l'imagination.

Et cette défaite ne peut avoir lieu sans une certaine tristesse, puisque c'est une Joie, celle de la connaissance, qui est vaincue.

Dès lors, connaître le vrai et ne pas pouvoir le désirer, parce qu'est plus fort le désir du pire (sous la forme d'une joie immédiate), est encore plus douloureux que désirer le pire sans le savoir : dans ce dernier cas, il n'y a que la Joie de la passion, alors que dans le premier, cette passion est jointe à une idée inefficace de la Raison, nous invitant pourtant à nous abstenir d'un bien présent pour éviter un plus grand mal futur.

Spinoza peut alors faire sienne une formule qui semble aller à contre-courant. »

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