Devoir de Philosophie

L'HOMME CHEZ ARISTOTE

Publié le 04/10/2013

Extrait du document

aristote

 

A. La connaissance

Être de la nature, soumis au devenir (génération, corruption,

etc.), l'homme connaît aussi ce monde. JI se distingue par là de

tous les autres animaux. Le principe divin qui réside en lui n'est

plus seulement inconscient, comme la forme immanente aux autres

êtres naturels : le savoir porte en lui-même sa propre justification,

et il le sait. D'autre part, le sommet de toute connaissance, l'intuition

intellectuelle, imite déjà la vie divine, et elle le sait.

42. Le domaine de la connaissance.

Le chapitre premier du Premier livre de la Métaphysique énumère

et analyse les diverses formes de la connaissance dans

l'ensemble du monde vivant :

a. L'homme et les animaux.

Tous les hommes ont, par nature, le désir de connaître; le

plaisir causé par les sensations en est la preuve, car, en dehors

même de leur utilité, elles nous plaisent par elles-mêmes, et,

plus que toutes les autres, les sensations visuelles. En effet, non

seulement pour agir, mais même lorsque nous ne nous proposons

aucune action, nous préférons, pour ainsi dire, la vue à

tout le reste. La cause en est que la vue est, de tous nos sens,

celui qui nous fait acquérir le plus de connaissances, et qui

nous découvre le plus de différences. - Par nature, assurément,

les animaux sont doués de sensation, mais chez les uns, la sensation

engendre la mémoire, tandis qu'elle ne l'engendre pas

chez les autres. C'est pourquoi les premiers sont plus intelligents

et plus aptes à apprendre que ceux qui sont incapables de se

souvenir; l'intelligence, sans la faculté d'apprendre, est le partage

des êtres incapables d'entendre les sons, tels que l'abeille

et les autres genres d'animaux pouvant se trouver dans le même

cas; au contraire la faculté d'apprendre appartient à l'être qui,

en plus de la mémoire, est pourvu du sens de l'ouïe.

Les animaux autres que l'homme vivent donc réduits aux

images et aux souvenirs; à peine possédent-ils l'expérience

tandis que le genre humain s'élève jusqu'à l'art et jusqu'au

raisonnement.

b. L'expérience et l'art.

C'est de la mémoire que naît l'expérience chez les hommes;

en effet, de nombreux souvenirs d'une même chose constituent

finalement une expérience; or l'expérience paraît être presque

de même nature que la science et l'art, mais, en réalité, la science

et l'art viennent aux hommes par l'intermédiaire de l'expérience,

car « l'expérience a créé l'art, comme le dit Polos 1 avec raison,

et l'inexpérience, la chance «. L'art apparaît lorsque, d'une

multitude de notions expérimentales, se dégage un seul jugement

universel applicable à tous les cas semblables. En effet, former

Je jugement que tel remède a soulagé Callias, atteint de telle

maladie, puis Socrate, puis plusieurs autres pris individuellement,

c'est Je fait de l'expérience; mais juger que tel remède a soulagé

tous les individus atteints de telle maladie, déterminée par un

concept unique, comme les phlegmatiques, les bilieux ou les

fiévreux, cela appartient à l'art. Or, par rapport à la vie pratique,

l'expérience ne paraît différer en rien de l'art; nous voyons

même les hommes d'expérience l'emporter sur ceux qui ont la

notion sans l'expérience. La cause en est que l'expérience est

la connaissance des choses individuelles, et l'art celle des choses

universelles, et, d'autre part, que toute pratique et toute production

portent sur l'individuel : ce n'est pas l'homme, en effet,

que guérit le médecin, sinon par accident, mais Callias, ou

Socrate, ou quelque autre individu ainsi désigné, qui se trouve

être, en même temps, homme. Si donc on possède la notion sans

l'expérience, et que, connaissant l'universel, on ignore l'indivi-

1. Élève de Gorgias. Cf. Platon, Gorgias, 448 c. (J. T.)

duel qui y est contenu, on commettra souvent des erreurs de

traitement, car ce qu'il faut guérir avant tout, c'est l'individu.

Toutefois nous pensons d'ordinaire que le savoir et la faculté

de comprendre appartiennent plutôt à l'art qu'à l'expérience,

et nous considérons les hommes d'art col'llme supérieurs aux

hommes d'expérience, la sagesse, chez tous les hommes, accompagnant

plutôt le savoir : c'est parce que les uns connaissent

la cause et que les autres ne la connaissent pas. En effet, les

hommes d'expérience connaissent qu'une chose est, mais ils

ignorent le pourquoi; les hommes d'art savent à la fois le pourquoi

et la cause. C'est pourquoi aussi nous pensons que les

chefs, dans toute entreprise, méritent une plus grande considération

que les manoeuvres; ils sont plus savants et plus sages

parce qu'ils connaissent les causes de ce qui se fait, tandis que

les manoeuvres sont semblables à ces choses inanimées qui

agissent, mais sans savoir ce qu'elles font, à la façon dont le

feu brûle; seulement, les êtres inanimés accomplissent chacune

de leurs fonctions en vertu de leur nature propre, et les manoeuvres,

par l'habitude. Ainsi, ce n'est pas l'habileté pratique qui

rend, à nos yeux, les chefs plus sages, mais c'est qu'ils possèdent

la théorie et qu'ils connaissent les causes. En général le signe

du savoir c'est de pouvoir enseigner, et c'est pourquoi nous

pensons que l'art est plus science que l'expérience, car les

hommes d'art, et non les autres peuvent enseigner.

c. Rôle des sensations.

En outre, on ne regarde d'ordinaire aucune des sensations

comme constituant la science. Sans doute elles sont le fondement

de la connaissance du particulier, mais elles ne nous disent

le pourquoi de rien : par exemple, pourquoi le feu est chaud;

elles nous disent seulement qu'il est chaud. - C'est donc à bon

droit que celui qui, le premier, inventa un art quelconque,

dégagé des sensations communes, excita l'admiration des

hommes; ce ne fut pas seulement à raison de l'utilité de ses découvertes,

mais pour sa sagesse et pour sa supériorité sur les autres.

Puis les arts se multiplièrent, ayant pour objet, les uns, les

nécessités, les autres, l'agrément; toujours les inventeurs de

ces derniers furent considérés comme plus sages que ceux des

autres, parce que leurs sciences n'étaient pas dirigées vers

1 'utile. - Aussi tous les différents arts étaient déjà constitués,

quand on découvrit enfin ces sciences qui ne s'appliquent ni

aux plaisirs, ni aux nécessités, et elles prirent naissance dans les

pays où régnait le loisir. C'est ainsi que l'Égypte fut le bercea.u

des Mathématiques, car on y laissait de grands loisirs à la caste

sacerdotale. (Métaphysique, A, 1, 980 a 29-981 b 25.)

43. Le problème de la connaissance.

a. Critique du sensualisme.

Il n'est pas possible non plus d'acquérir par la sensation une

connaissance scientifique. En effet, même si la sensation a pour

objet une chose de telle qualité, et non seulement une chose

individuelle, on doit du moins nécessairement percevoir telle

chose déterminée dans un lieu et à un moment déterminés. Mais

l'universel, ce qui s'applique à tous les cas, est impossible à

percevoir, car ce n'est ni une chose déterminée, ni un moment

déterminé, sinon ce ne serait pas un universel, puisque nous

appelons universel ce qui est toujours et partout. Puis donc que

les démonstrations sont universelles, et que les notions universelles

ne peuvent être perçues, il est clair qu'il n'y a pas de science

par la sensation. Mais il est évident encore que, même s'il était

possible de percevoir que le triangle a ses angles égaux à deux

droits, nous en chercherions encore une démonstration, et que

nous n'en aurions pas· (comme certains le prétendent) une

connaissance scientifique : car la sensation porte nécessairement

sur l'individuel, tandis que la science consiste dans la connaissance

universelle. Aussi, si nous étions sur la Lune, et que nous

voyions la Terre s'interposer sur le trajet de la lumière solaire,

nous ne saurions pas la cause de l'éclipse: nous percevrions qu'en

ce moment il y a éclipse, mais nullement le pourquoi, puisque

la sensation, avons-nous dit, ne porte pas sur l'universel. Ce

qui ne veut pas dire que par l'observation répétée de cet événement,

nous ne puissions, en poursuivant l'universel, arriver à une

démonstration, car c'est d'une pluralité de cas particuliers que

se dégage l'universel. (Seconds analytiques, 1, 31, 87 b 27-88 a 5.)

La science et son objet diffèrent de l'opinion et de son objet,

en ce que la science est universelle et procède par des propositions

nécessaires, et que le nécessaire ne peut pas être

autrement qu'il n'est. (Seconds analytiques, I, 33, 88 b 30-

31.)

b. Le problème.

Le livre B de la Métaphysique expose les différentes apories que le

philosophe résoudra par la suite. La se est la « plus ardue de

toutes « :

S'il n'y a rien en dehors des individus, et étant donné que les

individus sont en nombre infini, comment alors est-il possible

d'acquérir la science de l'infinité des individus? Tous les êtres

que nous connaissons, en effet, nous les connaissons en tant

qu'ils sont quelque chose d'un et d'identique, et en tant que

quelque attribut universel leur appartient. [ ... ]. - S'il n'y

a rien d'éternel, le devenir même n'est pas possible : il est nécessaire,

en effet que, dans toute génération, il y ait quelque chose

qui devient et quelque chose dont ce qui devient est engendré, et

aussi que l'ultime terme de la série soit inengendré, puisque la

série s'arrête, et que du Non-Être rien ne peut procéder. De

plus, si le devenir et le mouvement existent, il est nécessaire

qu'ils aient aussi un terme, car, d'une part, aucun mouvement

n'est infini, mais tout mouvement a une fin, et, d'autre part, ce

qui est incapable d'être devenu ne peut devenir, tandis que ce qui

est devenu existe nécessairement à partir du moment où il est

devenu. De plus, si la matière existe à l'état séparé parce qu'elle

est inengendrée, à bien plus forte raison faut-il admettre l 'existence

séparée de la substance formelle, qui est ce que la matière

devient à un moment donné. Si, en effet, on prétend qu'il n'y a ni

substance, ni matière, il n'existera absolument rien, et, comme

cela est impossible, il existe nécessairement quelque chose en

dehors du composé, savoir la configuration et la forme. - Mais

si on admet l'existence séparée de la forme, la difficulté sera de

savoir pour quels êtres on admettra cette existence séparée, et

pour quels êtres on ne l'admettra pas. Qu'on ne puisse, en effet,

l'admettre pour la totalité des êtres, c'est évident, car nous ne

pouvons pas dire qu'il existe une maison en dehors des maisons

individuelles. En outre, la substance formelle de tous les individus

sera-t-elle une, par exemple celle des hommes? Mais cela

est absurde, car tout ce dont la substance formelle est une, est

un. Leur substance formelle sera-t-elle multiple et différente?

Mais cela encore est déraisonnable. - En même temps, corn-

ment la matière devient-elle chaque forme individuelle, et

comment aussi le composé est-il ces deux éléments à la fois?

(Métaphysique, B, 4, 999 a 25-b 25.)

aristote

« chez les autres.

C'est pourquoi les premiers sont plus intelligents et plus aptes à apprendre que ceux qui sont incapables de se souvenir; l'intelligence, sans la faculté d'apprendre, est le par­ tage des êtres incapables d'entendre les sons, tels que l'abeille et les autres genres d'animaux pouvant se trouver dans le même cas; au contraire la faculté d'apprendre appartient à l'être qui, en plus de la mémoire, est pourvu du sens de l'ouïe.

Les animaux autres que l'homme vivent donc réduits aux images et aux souvenirs; à peine possédent-ils l'expérience tandis que le genre humain s'élève jusqu'à l'art et jusqu'au raisonnement.

b.

L'expérience et l'art.

C'est de la mémoire que naît l'expérience chez les hommes; en effet, de nombreux souvenirs d'une même chose constituent finalement une expérience; or l'expérience paraît être presque de même nature que la science et l'art, mais, en réalité, la science et l'art viennent aux hommes par l'intermédiaire de l'expérience, car « l'expérience a créé l'art, comme le dit Polos 1 avec raison, et l'inexpérience, la chance ».

L'art apparaît lorsque, d'une multitude de notions expérimentales, se dégage un seul jugement universel applicable à tous les cas semblables.

En effet, former Je jugement que tel remède a soulagé Callias, atteint de telle maladie, puis Socrate, puis plusieurs autres pris individuellement, c'est Je fait de l'expérience; mais juger que tel remède a soulagé tous les individus atteints de telle maladie, déterminée par un concept unique, comme les phlegmatiques, les bilieux ou les fiévreux, cela appartient à l'art.

Or, par rapport à la vie pratique, l'expérience ne paraît différer en rien de l'art; nous voyons même les hommes d'expérience l'emporter sur ceux qui ont la notion sans l'expérience.

La cause en est que l'expérience est la connaissance des choses individuelles, et l'art celle des choses universelles, et, d'autre part, que toute pratique et toute pro­ duction portent sur l'individuel : ce n'est pas l'homme, en effet, que guérit le médecin, sinon par accident, mais Callias, ou Socrate, ou quelque autre individu ainsi désigné, qui se trouve être, en même temps, homme.

Si donc on possède la notion sans l'expérience, et que, connaissant l'universel, on ignore l'indivi- 1.

Élève de Gorgias.

Cf.

Platon, Gorgias, 448 c.

(J.

T.). »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles