Devoir de Philosophie

La notion de devoir dans les Fondements de la Métaphysique des moeurs d'Emmanuel Kant

Publié le 31/12/2014

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Université de Nantes Licence de Philosophie La notion de devoir dans les Fondements de la Métaphysique des moeurs d'Emmanuel Kant Compte rendu présenté dans le cadre du séminaire de philosophie morale et politique dirigé par M. Patrick LANG. Justine ABARNOU Année 2011/2012   1  Introduction  Kant est né le 22 avril 1724 à Königsberg, en Prusse, où il meurt le 12 février 1804. Son père était un modeste sellier, sa mère, décédée lorsqu'il avait treize ans, était piétiste, le piétisme étant un mouvement religieux fondé par Philipp Jacob Spener qui s'attache à la lettre de l'Évangile et insiste sur la dimension personnelle de l'expérience religieuse. En 1740, Kant entame des études de philosophie, théologie, mathématiques et physique à l'université de Königsberg. En 1755, Kant obtient le droit de professer à l'université comme Privat-Docent. Sa Dissertation de 1770 : De la forme et des principes du monde intelligible lui permet d'occuper la chaire de métaphysique et de logique. Il la quitte en 1797, mais continue à écrire jusqu'à l'année qui précède sa mort. Sa vie fut d'une constante régularité, et on peut compter les rares moments où il a dérangé son programme quotidien : l'annonce de la prise de la Bastille, par exemple, l'aurait détourné de sa promenade ordinaire. La première oeuvre de Kant qui soit entièrement consacrée à la morale est publiée en 1785 et s'intitule Grundlegung zur Metaphysik der Sitten qui signifie littéralement « Établissement d'un fondement pour la métaphysique des moeurs » mais qui est traditionnellement traduit par Fondements de la métaphysique des moeurs. L'ouvrage comporte une préface et trois sections. Dans la préface, Kant marque la place que doit occuper la morale dans la philosophie. Il se rapporte à l'antique division de la philosophie en logique, physique et éthique. La logique est une science formelle, tandis que la physique et l'éthique sont des sciences matérielles. Ces deux dernières possèdent une partie empirique et une partie rationnelle ou pure, reposant uniquement sur des principes a priori. Une connaissance a priori d'objets est ce que Kant nomme métaphysique. La partie empirique et la partie rationnelle d'une science doivent être étudiées à part. Kant justifie cette séparation en s'appuyant sur le principe critique de la division du travail. Selon ce principe, chacun se borne à exécuter une certaine tâche précise dans la réalisation d'un ouvrage afin de pouvoir s'en acquitter avec la plus grande perfection possible. Kant reproche aux moralistes qui l'ont précédé d'avoir mêlé la partie empirique et la partie rationnelle de l'éthique, ce qui a eu pour conséquence la corruption de la morale. En effet, mêler différentes tâches peut ruiner l'ouvrage qui est réalisé, c'est pourquoi la métaphysique de la nature doit être constituée à part de la physique ; de   2  même, la métaphysique des moeurs (ou morale) doit être constituée à part de l'anthropologie pratique. L'établissement d'un fondement pour la métaphysique des moeurs est nécessaire à la fois pour satisfaire un besoin spéculatif, mais aussi pour préserver la moralité de toute corruption. Pour trouver et poser ce fondement, Kant emploie deux méthodes différentes : dans les deux premières sections, il utilise la méthode analytique, dans la troisième, la méthode synthétique. Nous allons voir comment Kant fonde l'intégralité de la morale sur la notion de devoir dans les deux premières sections des Fondements de la métaphysique des moeurs. Édition utilisée : KANT Emmanuel, Fondements de la métaphysique des moeurs, trad. Victor Delbos. Paris, LGF, 2011. Première section : Passage de la connaissance rationnelle commune de la moralité à la connaissance philosophique I- Le concept de bonne volonté a) La bonne volonté est bonne absolument et sans restriction Kant prend pour point de départ de son analyse la connaissance rationnelle commune de la moralité. Il estime que si tout homme s'interroge sincèrement, il trouvera en lui le jugement moral et s'il se demande ce qui est bon absolument et sans restriction, il répondra que rien n'est bon en ce monde si ce n'est une bonne volonté. En effet, les qualités, les dons de la fortune et, en général, toutes les choses que nous tenons pour bonnes, ne le sont que relativement à une fin et il est possible d'en faire un mauvais usage. « L'intelligence, le don de saisir les ressemblances des choses, la faculté de discerner le particulier pour en juger, et les autres talents de l'esprit, de quelque nom qu'on les désigne [...] sont sans doute à bien des égards choses bonnes et désirables ; mais ces dons de la nature peuvent aussi devenir extrêmement mauvais et funestes si la volonté qui doit en faire usage [...] n'est point bonne »1. En outre, toutes les vertus, dont                                                               1   Fondements de la métaphysique des moeurs, p.57 3  « la modération dans les affections et les passions, la maîtrise de soi, la puissance de calme réflexion », pourtant louées par les anciens comme inconditionnées, doivent être elles-mêmes référées aux « principes d'une bonne volonté ». Sans une bonne volonté, ces vertus peuvent être dévoyées, comme le montre l'exemple du criminel préméditant ses méfaits et les exécutant avec calme et maîtrise de soi. Seule la bonne volonté est donc bonne absolument et sans restriction car elle ne dépend d'aucune fin, ni du résultat de ses actions ; elle est bonne par son seul vouloir intérieur, c'est-à-dire qu'elle est bonne en soi. Cependant, il ne s'agit pas d'une volonté velléitaire : elle doit faire « appel à tous les moyens dont nous disposons »2 pour accomplir l'action. b) Raison et finalité naturelle Il y a, dans cette idée de valeur absolue de la bonne volonté, quelque chose qui éveille notre soupçon, peut-être n'y a-t-il qu'une « transcendante chimère » et la raison nous a été donnée pour une autre fin que celle de produire une bonne volonté. Kant analyse cette hypothèse en faisant une analogie avec le vivant. « Dans la constitution naturelle d'un être organisé, c'est-à-dire d'un être conformé en vue de la vie, nous posons en principe qu'il ne se trouve pas d'organe pour une fin quelconque, qui ne soit du même coup le plus propre et le plus accommodé à cette fin »3 ; la raison doit donc nous avoir été donnée pour une fin particulière qu'elle est la plus apte à atteindre. La fin de la raison ne peut être le bonheur « car toutes les actions [qu'un être raisonnable] doit accomplir [en vue du bonheur], ainsi que la règle c...

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