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Passion et pulsion

Publié le 28/03/2015

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Car Lacan souligne que Freud voulait faire entendre que toute pulsion est partielle parce qu'elle est par nature privée de son objet.

 

Cette privation est logiquement nécessaire puisque l'absence de l'objet est la condition de la constitution de la pulsion : pour ne prendre qu'un exemple, parmi les plus familiers et les plus commodes --- celui de la pulsion orale ---, c'est la cessation du nourrissage ponctuel et apaisant qui constitue la bouche du nourrisson.

 

Auparavant, dans la perspective de l'enfant nourri, il ne pouvait y avoir de distinction pulsionnelle bien marquée entre la bouche et la tétine (par exemple) qui le met en contact avec ce qui le nourrit.

 

Ainsi, il n'y a de bouche que lorsqu'il n'y a plus rien pour elle!

 

Cette genèse de la pulsion donne à entendre en quel sens elle est toujours partielle : elle n'a pas d'objet qui lui correspond parce qu'un objet ne se construit subjectivement qu'en devenant séparable de ce que l'on va ensuite imaginer comme «ce qu'il satisfait«.

 

C'est pourquoi les conduites addictives sont la vérité de la pulsion, c'est-à-dire son fonctionnement comme pur agencement transitif, sans origine ni but.

 

Dans l'addiction alcoolique, le souci de ce que fait en vérité t'être qui boit lui permet d'approcher cet état de fonctionnement, qui se dit d'ailleurs dans des formules qui énoncent presque entièrement cette vérité.

 

Elles disent que la finalité de l'acte est dans l'agir que permet cet acte, et donc que tout objet qui permet cet agir s'inscrit dans cette finalité.

 

Ce n'est pas la passion qui est le point de départ de la pulsion : celui-ci est adéquatement fourni par la définition spinoziste du «conatus« comme effort pour persévérer dans l'être.

 

Un paradoxe apparaît aussitôt entre la caractérisation classique de l'amour et l'idéal d'altruisme qui en soutient le plus souvent la valorisation.

 

Le mode de construction du concept de pulsion donne donc prise au maintien de l'idée de passion, si chère à cette tradition philosophique dans laquelle un temps d'humiliation de la Raison est posé comme nécessaire.

 

Il n'y a de morale que là où un sujet manifeste la volonté que tout ce qui dépend de lui soit bien, c'est-à-dire en conformité à sa représentation du bien.

 

S'il y a bien de la pulsion, alors la volonté est la représentation de ses effets au niveau d'intégration du moi : son nom de «volonté« est maintenu, mais le trait générique de son contenu (ce que je veux vraiment, je le puis effectivement) est déplacé sur te plan des signes.

 

« La passion souples et ductiles que la doxa emploie volontiers, pour situer plus ou moins un « attachement exclusif et intense à telle ou telle activité », selon la caractérisation retenue par Marc Wetzel dans la stimulante introduction de son opuscule: Les Passions (éditions Quintette, 1998, p.

3).

Et le bon sens que prétend suivre la doxa poursuit sa « défense et illustration » de la passion en répétant que c'est l'objet de cet atta­ chement qui est passionnant, rendant compte ainsi, avec un discerne­ ment surprenant, de l'inévitable aspect de passivité que rencontre toute passion, surtout dans la reconnaissance de l'impuissance à la faire cesser.

Le monde du bon sens est simple, mais surtout, et au sens, il est sans histoire : il y a des objets, et certains sont attirants mais d'autres repoussants, sans qu'il faille se demander comment advient un objet.

A suivre le récit doxique (adjectif contemporain formé sur « doxa » ), nous trouvons devant nous des objets tout faits, et il n'y a pas à se demander de quelle manière ils se trouvent là.

Le concept que recouvre le mot « objectivation » reste ainsi tout à fait étranger à ce monde prétendument limpide dont le bon sens se veut le secrétaire fidèle : il y a de l'amour parce qu'il y a des êtres naturellement aimables, et quand ils le sont extrêmement, inéluctablement ils nous vouent à la passion.

Le fait que le même supposé objet ne suscite pas chez tous les êtres les mêmes passions ne vaut alors pas comme objection contre le caractère censé être naturel des objets : imperturbable, la doxa rend ces individus impassibles suspects d'une forme d'anormalité.

La passion peut ainsi être présentée comme un destin pour nos émotions devant certains objets.

L'objectivation des objets, c'est-à-dire la construction d'une réalité autre que soi mais par soi (une altérité), opération presque aussitôt accompagnée d'une séparation de cette nouvelle altérité, est ainsi récusée par ta doxa.

Le bon sens semble donc voir comme une grandeur le fait, qu'il recon­ naît volontiers, de l'échec des passions à se satisfaire de leur objet.

Mais surtout il reconnaît aussi, dans de nombreuses formulations de son exercice ordinaire, un aspect de répétition incoercible dans la per­ manence des passions.

Peut-on dès lors situer la légitimité du problème de substitution que nous avons initialement imaginé sous la juridiction de l'idée de répétition, dans la mesure où elle figure aussi dans la présentation élémentaire du concept de pulsion ? En effet, ce concept est introduit par son auteur (Freud) dans le contexte d'une description des besoins cycliques: la présentation familière des besoins, comme des manques qui reviennent régulièrement, paraît suffire à situer la chose à représenter.

En première analyse, nous pouvons bien faire comme si la récurrence des passions (dont les bonnes résolutions de Bridget Jones sont l'attestation indirecte !) et le renouvellement des besoins sont deux figures semblables de l'idée de répétition.

Mais cette approche reste descriptive, et la faiblesse de toute description (avant - 102 -. »

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