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PUIS-JE, AU NOM DE MA CONSCIENCE, REFUSER DE ME SOUMETTRE AUX LOIS ?

Publié le 03/05/2015

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conscience
(Introduction) Pour poser le problème, nous pouvons partir de deux exemples. Lorsque Thoreau passe une nuit en prison pour avoir refusé de payer l’impôt fédéral destiné à financer la guerre des Etats-Unis contre le Mexique, il justifie son refus de se soumettre aux lois en faisant référence à sa conscience morale : « la seule obligation qui m’incombe, dit-il, consiste à agir en tout moment en conformité avec l’idée que je me fais du bien [1] ». Puisqu’il désapprouve la politique menée par son gouvernement, il se reconnaît le droit de désobéir. Certes, son acte est illégal ; mais, il enfreint la loi positive volontairement, en acceptant les conséquences légales de sa conduite : « sous un gouvernement qui emprisonne injustement, la véritable place d’un juste est également en prison ». Or, contrairement à Thoreau qui, en tant qu’objecteur de conscience, a préféré résister plutôt qu’obéir, Eichmann, presque un siècle plus tard, est accusé d’avoir participé à la « solution finale »: lors de son procès, il reconnaît que le génocide juif constitue un crime contre l’humanité ; mais, il nie toute responsabilité morale, puisqu’il estime n’avoir obéi qu’aux ordres d’Hitler, et ne jamais avoir manqué à son devoir. Son cas est symétriquement opposé à celui de Thoreau : si ce dernier désobéit à la loi parce qu’il la juge injuste et contraire à ses convictions morales, Eichmann, en revanche, obéit à la loi parce qu’elle est la loi, sans se préoccuper de savoir si elle est juste ; ainsi, est-il conduit, en raison d’une fidélité excessive à la loi, à commettre la pire des atrocités, en organisant la déportation de nombreux juifs. La question se pose donc de savoir dans quelle mesure nous pouvons être autorisés à enfreindre la loi pour des raisons morales. Le problème prend la forme d’un dilemme difficile à trancher : ou bien nous obéissons aux lois, mais nous prenons le risque de commettre des actes immoraux ou injustes (Eichmann) ; ou bien nous désobéissons, mais nous agissons alors en toute illégalité, en prenant le risque d’être punis par le droit en vigueur (Thoreau). Comment trancher ? Peut-on légitimer un acte illégal ? Peut-on violer la loi instituée par les hommes au nom d’un droit supérieur ? Quelle instance peut-elle définir un tel droit ? Pouvons-nous nous fier à notre conscience morale ? * * * I) Certes, la comparaison entre le cas de Thoreau et celui de Eichmann est plutôt favorable au premier. Néanmoins, la thèse de Thoreau se révèle problématique. D’une part, on pourrait considérer que l’acte de désobéissance est non seulement illégal, mais aussi illégitime, dans la mesure où il nuit au maintien de l’ordre et à la stabilité de l’Etat. D’autre part, il n’est pas sûr que la référence à la conscience morale soit suffisante pour justifier un tel acte : nous pouvons, certes, avoir un sens inné du bien et du mal, mais rien ne garantit que celui-ci soit infaillible. Aussi convient-il de prendre des précautions. a) Envisageons tout d’abord la désobéissance du point de vue de ses effets. Celui qui désobéit prend, certes, le risque d’être sanctionné et puni par l’institution judiciaire pour son délit. Il ne fait aucun doute qu’on ne peut pas enfreindre la loi impunément. Du point de vue légal, l’objecteur de conscience, à l’instar de Thoreau, est donc un délinquant ordinaire qui doit être puni :  que la violation de la loi soit motivée et justifiée par des principes moraux, cela est secondaire ; le droit juge la personne d’abord en fonction des actes qu’elle a commis.  Or, du point de vue de la collectivité, si l’acte de désobéissance est illégal, et donc répréhensible, il est aussiillégitime dans la mesure où il perturbe l’ordre établi. De fait, la société ne pourrait exister s’il n’y avait des règles communes de droit auxquelles se soumettent les individus. Tel est le sens de l’adage romain : ubi societas, ibi jus [2]. Que les lois puissent être considérées comme injustes n’enlève rien à leur légitimité première :il n’y a pas de société sans lois. Dans cette perspective, on pourrait affirmer, non sans paradoxe, que toute loi, indépendamment de son contenu spécifique, est légitime, du fait m&ec...
conscience

« notre conscience morale ? * * * I) Certes, la comparaison entre le cas de Thoreau et celui de Eichmann est plutôt favorable au premier. Néanmoins, la thèse de Thoreau se révèle problématique.

D'une part, on pourrait considérer que l'acte de désobéissance est non seulement illégal, mais aussi illégitime, dans la mesure où il nuit au maintien de l'ordre et à la stabilité de l'Etat.

D'autre part, il n'est pas sûr que la référence à la conscience morale soit suffisante pour justifier un tel acte : nous pouvons, certes, avoir un sens inné du bien et du mal, mais rien ne garantit que celui-ci soit infaillible.

Aussi convient-il de prendre des précautions. a) Envisageons tout d'abord la désobéissance du point de vue de ses effets.

Celui qui désobéit prend, certes, le risque d'être sanctionné et puni par l'institution judiciaire pour son délit.

Il ne fait aucun doute qu'on ne peut pas enfreindre la loi impunément.

Du point de vue légal, l'objecteur de conscience, à l'instar de Thoreau, est donc un délinquant ordinaire qui doit être puni :  que la violation de la loi soit motivée et justifiée par des principes moraux, cela est secondaire ; le droit juge la personne d'abord en fonction des actes qu'elle a commis.

 Or, du point de vue de la collectivité, si l'acte de désobéissance est illégal, et donc répréhensible, il est aussiillégitime dans la mesure où il perturbe l'ordre établi.

De fait, la société ne pourrait exister s'il n'y avait des règles communes de droit auxquelles se soumettent les individus.

Tel est le sens de l'adage romain : ubi societas, ibi jus [2].

Que les lois puissent être considérées comme injustes n'enlève rien à leur légitimité première :il n'y a pas de société sans lois.

Dans cette perspective, on pourrait affirmer, non sans paradoxe, que toute loi, indépendamment de son contenu spécifique, est légitime, du fait même qu'elle est établie.

Un tel raisonnement conduit Hobbes à prôner, au nom de la paix et de la sécurité, l'obéissance inconditionnelle des sujets aux lois édictées par leur souverain : fussent-elles injustes, celles-ci n'en sont pas moins légitimes, puisqu'elles garantissent le maintien de l'ordre.

Refuser de se soumettre aux lois reviendrait à retourner à l'état de nature qui est, selon l'auteur du Léviathan, un état de guerre de tous contre tous.

Ainsi, en contestant les lois établies, l'objecteur de conscience s'attaque au fondement même de la société.

Mais, par là même, ne commet-il pas, au nom de la justice, la pire des injustices ? Dans l'état de nature, privé de la protection des lois, chaque individu peut, en effet, subir la violence d'autrui ;. »

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