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Qui suis-je?

Publié le 12/11/2014

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Ca ne me ressemble pas. Etonnante justification de Lionel Jospin, pendant sa campagne présidentielle de 2002. Il venait de mesurer que ses remarques sur le vieillissement de Jacques Chirac allaient lui coûter électoralement cher. Ne pouvant nier les faits, il sollicitait l’indulgence en invoquant une sorte de droit à se mettre provisoirement en vacances de soi-même. « Je ne sais plus comment je m’appelle », entend-on souvent. L’expression à la mode accompagne les stress intenses, les fatigues immenses, les doutes profonds, sans parler des états seconds dus à des excès de substances. Car notre référence centrale sur le monde, c’est bien la conscience que nous avons d’exister, de percevoir, de comprendre, de sentir, de nous faire une opinion sur les autres, sur la situation dans laquelle nous sommes, sur ce qu’il convient de faire maintenant. Que le doute se glisse sur l’un de ces éléments, et le trouble n’est pas loin. Ce que nous sommes, ou pensons être, constitue notre référence de base dans la vie. Mais comment nous définissons-nous à nos propres yeux ? En voyage, passeport en poche, je suis français. Au pied du berceau, je suis père. Entre les draps, je suis un homme. Au travail, je suis comptable ou commercial. Pendant ce congrès, je suis Peugeot, Danone ou ce que porte ma carte de visite. Ce sont mes rôles successifs, souvent au cours d’une même journée. Ils disent comment on me voit, ce que l’on attend de moi, mais ne sont que ...

« D'autant plus que je ne perçois tel ou tel aspect de moi-même qu'au gré des circonstances.

Comme Jospin, il m'arrive d'être surpris par une réaction ou un choix qui ne « ressemble pas » à ce que je crois être, mais qui me révèle un aspect de moi passé jusqu'ici inaperçu.

Je connais une partie de moi-même et, au fur et à mesure que je vis, je constate, voire découvre, le reste.

Une exploration qui ne sera jamais achevée.  Ce que je suis, c'est à la fois ce que je fais, ce que je sens, ce que je sais et ce que les autres voient en moi.Ce dernier élément peut m'encombrer ou me perturber bien plus que de raison.

Ne suis-je pas davantage au clair sur ce que j'aimerais que l'on pense de moi, sur l'image que j'aimerais donner, que sur ce qui se passe réellement en moi ? Si j'ai fait ces études, abordé cette carrière, était-ce par goût profond, ou pour faire plaisir à ma famille, pour répondre aux projets que d'autres formulaient pour moi ? Si je suis entré dans cette relation, était-ce de mon propre élan, ou pour répondre au désir de ma partenaire ? On peut passer des années en interrogations - en thérapie pour certains - avant de pouvoir y apporter une réponse claire.

Elles sont pourtant essentielles pour nous définir vraiment.

Chacun ne commence-t-il pas sa vie en subissant la programmation de l'éducation qu'il reçoit ainsi que des valeurs de ceux qui entourent son enfance ? Que ce soit pour les accepter ou les rejeter, nous ne partons pas d'un vide, mais d'un trop-plein.

Parvenir ensuite à trier ce qui « est vraiment nous » de ce que nous acceptons d'être pour les autres, c'est le travail inlassable et passionnant de toute une vie. Nous ne sommes pas toujours capables de distinguer ce qui relève de notre appartenance et qui motive l'essentiel de nos actions (ma patrie, ma langue, ma famille, ma religion, mon groupe social, mon métier, mon club), ou de notre identité, qui signe notre singularité face à tous les autres (mon corps, mes aptitudes psychiques, mes talents, mes dégoûts).

Pas étonnant, donc, que les autres nous identifient à notre appartenance.

Le philosophe académicien Michel Serres rappelle que cette confusion peut mener aux plus grands crimes.

La Shoah est née de l'assimilation sommaire de millions d'individus à leur seule appartenance au peuple juif.

Tous les préjugés viennent de cette erreur.

Qui trouve juste ou agréable de se voir catégoriser par l'autre du seul fait d'être une femme ou originaire du Midi ? Heureusement, je ne passe pas toutes mes journées à m'interroger sur qui je suis ou ce que je suis.

Quand tout se passe à peu près bien, que je glisse d'une activité à l'autre, d'un contact à l'autre sans anicroche, je peux me. »

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