Qui suis-je?
Publié le 12/11/2014
Extrait du document
«
D'autant plus que je ne perçois tel ou tel aspect de moi-même qu'au gré des circonstances.
Comme Jospin, il
m'arrive d'être surpris par une réaction ou un choix qui ne « ressemble pas » à ce que je crois être, mais qui me
révèle un aspect de moi passé jusqu'ici inaperçu.
Je connais une partie de moi-même et, au fur et à mesure que
je vis, je constate, voire découvre, le reste.
Une exploration qui ne sera jamais achevée.
Ce que je suis, c'est à la fois ce que je fais, ce que je sens, ce que je sais et ce que les autres voient en moi.Ce
dernier élément peut m'encombrer ou me perturber bien plus que de raison.
Ne suis-je pas davantage au clair
sur ce que j'aimerais que l'on pense de moi, sur l'image que j'aimerais donner, que sur ce qui se passe
réellement en moi ? Si j'ai fait ces études, abordé cette carrière, était-ce par goût profond, ou pour faire plaisir à
ma famille, pour répondre aux projets que d'autres formulaient pour moi ? Si je suis entré dans cette relation,
était-ce de mon propre élan, ou pour répondre au désir de ma partenaire ? On peut passer des années en
interrogations - en thérapie pour certains - avant de pouvoir y apporter une réponse claire.
Elles sont pourtant
essentielles pour nous définir vraiment.
Chacun ne commence-t-il pas sa vie en subissant la programmation de
l'éducation qu'il reçoit ainsi que des valeurs de ceux qui entourent son enfance ? Que ce soit pour les accepter
ou les rejeter, nous ne partons pas d'un vide, mais d'un trop-plein.
Parvenir ensuite à trier ce qui « est vraiment
nous » de ce que nous acceptons d'être pour les autres, c'est le travail inlassable et passionnant de toute une
vie.
Nous ne sommes pas toujours capables de distinguer ce qui relève de notre appartenance et qui motive
l'essentiel de nos actions (ma patrie, ma langue, ma famille, ma religion, mon groupe social, mon métier, mon
club), ou de notre identité, qui signe notre singularité face à tous les autres (mon corps, mes aptitudes
psychiques, mes talents, mes dégoûts).
Pas étonnant, donc, que les autres nous identifient à notre
appartenance.
Le philosophe académicien Michel Serres rappelle que cette confusion peut mener aux plus
grands crimes.
La Shoah est née de l'assimilation sommaire de millions d'individus à leur seule appartenance
au peuple juif.
Tous les préjugés viennent de cette erreur.
Qui trouve juste ou agréable de se voir catégoriser
par l'autre du seul fait d'être une femme ou originaire du Midi ?
Heureusement, je ne passe pas toutes mes journées à m'interroger sur qui je suis ou ce que je suis.
Quand tout
se passe à peu près bien, que je glisse d'une activité à l'autre, d'un contact à l'autre sans anicroche, je peux me.
»
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