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Le vécu comme problème

Publié le 09/08/2014

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QUELQUES ASPECTS PHILOSOPHIQUES DU PROBLÈME DU SENS (CORRÉLATION : LE LANGAGE).

Au-delà d'une simple étude du langage (cf. plus haut), la question du sens de l'existence et des entreprises humaines doit être envisagée dès lors que l'on prend en considération l'authentique effort accompli par l'homme pour se libérer de ses angoisses et de ses préjugés, de sa servitude initiale à l'égard des éléments naturels. Cet effort se traduit par une démarche dont la signification intrinsèque n'est pas dissociable de la finalité qu'elle vise. Signification et but de la démarche scientifique, de la recherche du vrai et de son utilisation philosophique, constituent des objets de réflexion qui ancrent tout discours dans une exigence de rigueur, mais aussi le questionnent quant à son enjeu, à sa portée. Cet espace de réflexion prolonge la question du langage dans une recherche inquiète du sens (direction, but et signification tout à la fois).

Là encore, l'épistémologie critique a beaucoup à nous apprendre, qui dépsychologise le sens des phénomènes en démasquant toutes les projections par lesquelles nous croyons connnaître un sens objectivement défini, alors que nous ne faisons que nous reconnaître, c'est-à-dire saisir dans les choses ce que nous y avons mis nous-mêmes sur le plan affectif. La signification objective des phénomènes n'a rien d'un témoignage ou d'une confidence. Elle doit être construite à partir d'une rupture radicale avec ce que la subjectivité nous suggère.

Cheminer du sens vers la vérité, construire l'objectivité contre l'objet immédiat (cf. Bachelard, La Psychanalyse du feu), c'est donc « désenclaver « l'explication de la subjectivité humaine, refuser aussi bien les séductions d'un faux savoir qui se dissimule sous les mots que la confusion caractéristique entre sécurisation et recherche de la vérité.

Le mot et la chose : les «axes inverses« de la poésie et de la science.

Pour préciser les distinctions qui viennent d'être faites, on peut examiner deux types de rapports très différents entre les mots et les choses : celui que suscite la poésie (articulée sur l'inconscient, la rêverie, et «l'imagination matérielle «) et celui que réélabore la démarche scientifique (dans son effort pour neutraliser « l'obstacle verbal«, c'est-à-dire le complexe de projections affectives et d'images familières dont le mot est souvent porteur). Pour l'ensemble d'une telle analyse, on se reportera à trois ouvrages décisifs de Bachelard : La Poétique et la rêverie (Presses universitaires de France); La Psychanalyse du feu (Éditions Gallimard, collection « Idées «) et surtout La For¬mation de l'esprit scientifique (Éditions Vrin, plus particulièrement le chapitre intitulé « L'obstacle verbal «).

L'imagination poétique s'articule sur l'imagination matérielle, c'est-à-dire sur le complexe de rêveries et de sentiments cristallisés qui, dès la petite enfance, façonnent la subjectivité humaine et son mode de relation immédiat au réel (Cf. sur ce point le texte intégral de La Psychanalyse du feu, Éditions Gallimard, collection «Idées «.) La fécondité de cette imagination consiste en une création continuelle de nouvelles images, dont la prolifération est recher¬chée pour ce qu'on appelle l'effet poétique. Si une des missions de la poésie a toujours été de faire rêver, cette idée a surtout pris toute sa force depuis Bau¬delaire, Rimbaud, les surréalistes, et notamment, plus près de nous, Paul Éluard. Pour ce dernier, la poésie doit être un tremplin vers le rêve. Dans un admirable texte (Les Sentiers de la poésie), Paul Éluard semble faire écho à Lautréamont, qui disait : «La poésie de demain sera faite par tous «. Pour que le mot, la phrase, le poème «provoquent« efficacement au rêve, il est néces¬saire que le langage garde toute sa «charge affective «, toute son équivocité, toute sa teneur symbolique. Éluard disait aussi : « On rêve sur des mots comme on rêve sur des êtres. « La poésie tend à investir dans le mot toute la puissance du mystère et du rêve, à conserver aux significations toute leur épaisseur sym¬bolique, fondée sur la prise en charge des sentiments les plus profonds, du vécu le plus secret. C'est en ce sens que, selon le mot de Bachelard, la poésie est «expansive «.

On se reportera, pour développer tout cela, au texte intitulé La Poétique de la rêverie (Presses universitaires de France), et notamment à ce passage très caractéristique : « Nous croyons pouvoir montrer aussi que les mots n'ont pas exactement le même poids psychique selon qu'ils appartiennent au langage de la rêverie ou au langage de la vie claire — au langage reposé ou au langage surveillé — au langage de la poésie naturelle ou au langage martelé par les prosodies autoritaires (...) En fait, il nous paraît incontestable qu'une parole reste attachée aux plus lointains, aux plus obscurs désirs qui animent, en ses profon¬deurs, le psychisme humain. Sans cesse l'inconscient murmure, et c'est en écoutant ses murmures qu'on entend sa vérité.« (Édition citée, pages 49 et 51).

La science, à l'opposé, s'efforce de réduire toute la charge affective des mots, toute leur équivocité symbolique, pour les ramener à l'univocité rigou¬reuse d'un concept épuré, débarrassé de ses connotations affectives. Cet effort de rationalisation du langage a conduit les savants à forger une langue for¬melle, entièrement faite de conventions destinées à une expression claire de la pensée, à une définition stricte des valeurs et des signes. La démarche scienti¬fique doit se débarrasser de l'obstacle verbal, qui réside dans une association très forte entre un mot et un «complexe d'images« fortement ancré dans le psychisme. (Cf. La Formation de l'esprit scientifique, de Bachelard, chapitre IV : « Un exemple d'obstacle verbal : l'éponge«, et notamment deux passages très caractéristiques :

« On mesurera peut-être mieux le caractère d'obstacle épistémologique pré¬senté par l'image de l'éponge, en voyant les difficultés qu'un expérimentateur patient et ingénieux a eues pour s'en débarrasser« (page 77).

« Le danger des métaphores immédiates pour la formation de l'esprit scientifique, c'est qu'elles ne sont pas toujours des images qui passent ; elles poussent à une pensée autonome ; elles tendent à se compléter, à s'achever dans le règne de l'image« (page 81).

Sens et vérité : une exigence réflexive que manifeste la philosophie. « Chacun décide du sens de sa condition. «. Cette affirmation de Sartre ne fait que systématiser l'ambivalence tout à fait significative de la notion. Pas plus que le donné brut et «aveugle« du fait naturel, les productions humaines ne peuvent avoir de signification en dehors d'un sujet qui les appréhende et les constitue. Si la démarche scientifique privilégie la question «comment?«, elle n'invalide pas pour autant la question « pourquoi ?«, qui n'est pas forcément impliquée dans une vision théologique et finaliste du monde. La critique de cette vision fut nécessaire, en son temps, pour assurer l'autonomie de la démarche scientifique, et la libérer des confusions, des projections anthropo¬morphiques qui interdisaient son avènement. Mais l'interrogation sur les fonde¬ments et les finalités, raison d'être de la philosophie, donne une signification fondamentale à la question « pourquoi«, saisie non comme recours obscuran¬tiste à une finalité transcendante, mais comme exigence critique introduisant un effort pour maîtriser l'existence, la constituer à partir d'un projet qui, effec¬tivement, lui donne sens (cf. repères «la vie, la mort, l'existence«).

« l'ensemble d'une telle analyse, on se reportera à trois ouvrages décisifs de Bachelard : La Poétique et la rêverie (Presses universitaires de France); La Psychanalyse du feu (Éditions Gallimard, collection «Idées») et surtout La For­ mation de l'esprit scientifique (Éditions Vrin, plus particulièrement le chapitre intitulé «L'obstacle verbal»).

• L'imagination poétique s'articule sur l'imagination matérielle, c'est-à-dire sur le complexe de rêveries et de sentiments cristallisés qui, dès la petite enfance, façonnent la subjectivité humaine et son mode de relation immédiat au réel (Cf.

sur ce point le texte intégral de La Psychanalyse du feu, Éditions Gallimard, collection «Idées».) La fécondité de cette imagination consiste en une création continuelle de nouvelles images, dont la prolifération est recher­ chée pour ce qu'on appelle l'effet poétique.

Si une des missions de la poésie a toujours été de faire rêver, cette idée a surtout pris toute sa force depuis Bau­ delaire, Rimbaud, les surréalistes, et notamment, plus près de nous, Paul Éluard.

Pour ce dernier, la poésie doit être un tremplin vers le rêve.

Dans un admirable texte (Les Sentiers de la poésie), Paul Éluard semble faire écho à Lautréamont, qui disait : «La poésie de demain sera faite par tous».

Pour que le mot, la phrase, le poème «provoquent» efficacement au rêve, il est néces­ saire que le langage garde toute sa «charge affective», toute son équivocité, toute sa teneur symbolique.

Éluard disait aussi : «On rêve sur des mots comme on rêve sur des êtres.» La poésie tend à investir dans le mot toute la puissance du mystère et du rêve, à conserver aux significations toute leur épaisseur sym­ bolique, fondée sur la prise en charge des sentiments les plus profonds, du vécu le plus secret.

C'est en ce sens que, selon le mot de Bachelard, la poésie est «expansive».

On se reportera, pour développer tout cela, au texte intitulé La Poétique de la rêverie (Presses universitaires de France), et notamment à ce passage très caractéristique : «Nous croyons pouvoir montrer aussi que les mots n'ont pas exactement le même poids psychique selon qu'ils appartiennent au langage de la rêverie ou au langage de la vie claire -au langage reposé ou au langage surveillé -au langage de la poésie naturelle ou au langage martelé par les prosodies autoritaires( ...

) En fait, il nous paraît incontestable qu'une parole reste attachée aux plus lointains, aux plus obscurs désirs qui animent, en ses profon­ deurs, le psychisme humain.

Sans cesse l'inconscient murmure, et c'est en écoutant ses murmures qu'on entend sa vérité.» (Édition citée, pages 49 et 51 ).

• La science, à l'opposé, s'efforce de réduire toute la charge affective des mots, toute leur équivocité symbolique, pour les ramener à l'univocité rigou­ reuse d'un concept épuré, débarrassé de ses connotations affectives.

Cet effort de rationalisation du langage a conduit les savants à forger une langue for­ melle, entièrement faite de conventions destinées à une expression claire de la pensée, à une définition stricte des valeurs et des signes.

La démarche scienti­ fique doit se débarrasser de l'obstacle verbal, qui réside dans une association très forte entre un mot et un «complexe d'images» fortement ancré dans le psychisme.

(Cf.

La Formation de l'esprit scientifique, de Bachelard, chapitre IV: «Un exemple d'obstacle verbal : l'éponge», et notamment deux passages très caractéristiques : «On mesurera peut-être mieux le caractère d'obstacle épistémologique pré­ senté par l'image de l'éponge, en voyant les difficultés qu'un expérimentateur patient et ingénieux a eues pour s'en débarrasser» (page 77) .

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«Le danger des métaphores immédiates pour la formation de l'esprit scientifique, c'est qu'elles ne sont pas toujours des images qui passent; elles poussent à une pensée autonome; elles tendent à se compléter, à s'achever dans le régne de l'image» (page 81 ).

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