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La psychologie peut-elle se contenter de l’introspection ?

Publié le 19/09/2015

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Ce n’est donc pas l’introspection seule qui permet au psychologue de parvenir à une exacte connaissance de lui-même. De son moi, qui cependant lui est si familier, bien des retraites demeurent inexplorées, tant que l’observation des autres ne l’a pas poussé à la découverte des terres inconnues.

 

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A plus forte raison ne peut-on pas prétendre tirer de la simple observation de soi-même les lois générales de l’activité humaine, objet propre de la psychologie.

 

Supposé que l’introspection nous ait permis de déterminer les causes des phénomènes qui se passent en nous, nous aurons bien sans doute une certaine idée des lois de la psychologie de l’homme en général : étant de même nature, les autres doivent, dans les mêmes circonstances, se comporter d’une façon analogue. Mais étendre rigoureusement à tous les hommes ce que l’on a observé en soi-même serait tout à fait illégitime. Il est, entre les individus de même espèce, des différences importantes, el la variété augmente avec la perfection de l’espèce. Avec l’homme, elle atteint un degré que nous ne soupçonnons pas par manque de réflexion : songeons-nous que la plupart des contrats tirent leur valeur d’une signature, c’est-à-dire, en définitive, des diverses façons de former les mêmes lettres ? Les réactions dépendent donc de l’individu; c’est pourquoi, avec les inconnus, nous nous tenons sur la réserve, ne sachant pas comment nos avances seront reçues.

 

Pour établir des lois valables pour l'homme, il faut donc observer un grand nombre d’hommes, et, par conséquent, ne pas se cantonner dans une étroite introspection de soi-même.

 

L’observation des autres est encore plus nécessaire pour comprendre la mentalité d’individus d’une culture différente de la nôtre, à plus forte raison la mentalité d’individus formés dans un milieu de civilisation toute différente ou des primitifs. L’Esquimau et le Japonais, le serf du moyen âge et l’esclave de l’empire romain sont des hommes, tout aussi bien que l’étudiant de la Sorbonne ou l’ouvrier des Usines Citroën. Ce n’est pas l’introspection, inutile de le dire, qui permettra au lettré du xxe siècle de déterminer des lois valables pour les hommes de tous temps, de toute race et de toute culture.

« ~IÉTTIODE Sl'BJECTIVE 41 lui-même ? i'lotre vie intérieure, n'est-elle pas, au contraire, pour tout autre que nour nous, un « jardin secret " entouré d'un rempart infran­ chissable ? D'ailleurs, l'expérience le montre, l'homme don~ du sens de l'introspec­ tion et qui s 'e.st longuement observé arrive ù se bien connailre : il ne restait pas à Amie! grand chose à apprendre l'Ill' la Iaibles·sc de Sfl volonté et sur lfl vanité de ses rêves; Rousseau nous a découvert, mieux que n'au­ rflient pu le faire ses amis les plus intimes, les' mobiles seercts de nombre de ses actions.

Bien plus, e'est à une ju·stc connaissance de soi obtenue par une cons>t•antc introsp&etion que de gmnds penseurs comme Pascal doivent ces jugements su:r l'homme : c'ost en eux, qu'ils O!Jt cu l'intuition des grandes lois de l'activité humaine.

Conclurons-nous donc que, pour sc connaître, le psychologue peut se contenter de l ïntrospedion il Ge serait s'illu-sionner sur la facilité de l'observation de soi-même, et se faire de la vue de l'esprit une idée bien simpliste.

L'introspection est fort difficile et sujette it hien des illusions.

Du fait de s-a constante mobilité, de son étroite liaisŒl avec l'ensemble de notre état actuel, tout phénomène psychologique est bien difficile à observer; mais les plus grosses illusions résultent sans aucun doute de l ï !entité, 'ms l'intro·spedion, de l'observateur ct de l'objet observé.

Quand je m'observe pensant ou que j'-a.ssistc en moi à la naissance d'un sentiment, je cesse de pense;r et de sentir na:turellement : je n'ai plus elevant mon œil i•ntéricur qu'une pensée et une sensibilité artificielles; je me joue la comédie de Ia pensée ou elu sentiment, cc ne sont pas de v:rais sentiments qui se passent en moi.

Je peux sa>ns cloute laisser mO'n esprit suivre son cours naturel, puis, clans un instant de réflexion, prendre en ·quelque sorte un instantané qui me fait connaître de moi une attitude sŒns artifice et sans apprêt.

Mais, on l'a assez r0pété, dans la perception les prépcrceptions fusionnent au point d'être indiscel'nables du donné actuel de la sens-ation.

Ce qu'on dit de la perception externe est tout aussi vrai de la perception interne ou int:rospection : nous voyons en nous ce à quoi nous nous attendons, nous nous attendons à ce qui satisfera nos ambition-s ct nos rêves.

Ainsi, man­ quant d'impartialité, nous n'avons de nous-même, bien que nous soyons seul à nous atteindre directement, qu'une ronnaissance plus imparfaite, bien som·enl, {lUC celle que cl 'autres peuvent en·. »

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