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« Le quinquennat peut-il être une solution à la cohabitation ? »

Publié le 08/03/2014

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« Le quinquennat peut-il être une solution à la cohabitation ? « 

 

« J'ai accepté cette réforme parce qu'elle ne remet pas en question les institutions et parce qu'elle permet d'adapter la durée du mandat présidentiel aux exigences modernes de la démocratie«. Cette citation de Jacques Chirac prononcée après l'acceptation de la réforme du quinquennat montre bien l'enjeu du quinquennat : adapter la durée du mandat présidentiel aux exigences modernes de la démocratie. Et parmi ces exigences figure le problème de la cohabitation. Nous allons donc voir si le quinquennat a rempli son rôle d'adaptation aux exigences actuelles en traitant le sujet suivant : Le quinquennat peut-il être une solution à la cohabitation ? Ce que l'on appelle quinquennat correspond par définition à une période de 5 ans. Plus communément, le quinquennat désigne le mandat du président en France. La cohabitation, elle, est définie par la situation de deux personnes qui habitent ensemble. Dans le contexte politique, la cohabitation est la situation dans laquelle le Président de la République et le gouvernement appartiennent à des tendances politiques opposées. Nous étudierons ce sujet dans le contexte de la Ve république en France. 

Nous n'avons jusqu'à aujourd'hui pas encore connu de cohabitation depuis l'instauration du quinquennat en 2000 par référendum et son inscription à l'article 6 de la constitution, c'est peut-être une des preuves de son efficacité contre la cohabitation mais il subsiste tout de même certains doutes et cela nous conduit à réfléchir sur son efficacité et sa mise en pratique. Le fait, par exemple, que les élections régionales soient récemment remportées par la gauche alors que la majorité du gouvernement et du Président de la république est à droite nous amène à nous poser des questions quant à l'éventualité d'un renversement de la majorité entre l'élection du Président et les élections législatives. 

Si nous nous intéressons à l'historique des cohabitations en France, nous pouvons voir qu'il y en a eut trois, toutes pendant la période du septennat. La première a lieu en 1986. François Mitterrand, Président de la République de gauche, assiste à la victoire de la droit aux élections législatives et se voit forcé de nommer Jacques Chirac comme Premier ministre, chef du parti de droit à l'époque. La deuxième cohabitation a lieu en 1993. Mitterrand est toujours Président de la République et la droit remporte de nouveau les élections législatives. Il est alors contraint de composer avec l'opposition et choisit ainsi Edouard Balladur à la tête du gouvernement de droite. Cette cohabitation s'est relativement bien passée et elle sera même surnommée « cohabitation de velours «. La troisième cohabitation a lieu en 1997. Jacques Chirac est Président de la République et il fait une des plus grandes erreurs de sa carrière : Il décide de dissoudre l'Assemblée nationale pensant ainsi renforcer son soutient au Parlement avec l'élection d'un majorité qui lui serait plus favorable. Mais la majorité élue est de gauche. Jacques Chirac est alors forcé de nommer le chef de l'opposition à la tête du gouvernement : Lionel Jospin. Le gouvernement est alors un rassemblement de la « gauche plurielle « qui comprend des socialistes, des verts et des communistes. 

Pour guider notre réflexion, il convient de déterminer une problématique qui sera la suivante : En quoi le quinquennat permet-il d'éviter la cohabitation tout en laissant un choix démocratique au peuple de voter la majorité qu'il désire au Parlement ? Nous répondrons à cette question en étudiant tout d'abord le quinquennat dans sa théorie : les moyens prévus pour éviter la cohabitation et la concrétisation dans les textes (I), puis nous étudierons la mise en pratique du quinquennat en tant que frein à la cohabitation préservant toujours le choix des électeurs (II). 

 

I – La théorie du quinquennat efficace mais insuffisante dans les textes 

 

Le quinquennat sur le plan théorique est présenté comme assez efficace car les conséquences attendues sont optimistes par rapport à l'affirmation d'une concordance des majorités. Mais sa mise en place dans les textes semble insuffisante. Nous allons donc voir tout d'abord l'efficacité théorique du quinquennat en tant qu'empêchement à la cohabitation (A), puis nous verrons l'insuffisance de sa consécration dans les textes (B). 

 

A – L'efficacité théorique du quinquennat pour éviter la cohabitation 

Le quinquennat a été soutenu par bon nombre de personnalités politique et surtout par la population qui a voté en sa faveur durant le référendum qui a permis son adoption. Tout cela était motivé par des théories qui permettaient de supposer l'efficacité du quinquennat en tant que gardien d'une cohabitation. Tout d'abord, le quinquennat permet une avancée importante dans l'histoire du régime parlementaire : la mise en concordance à quelques mois près des élections présidentielles et législatives. Cela permet en théorie d'élire des personnes du même bord politique à la présidence et à l'Assemblée nationale. C'est ce qui évite la cohabitation et tout ce que cela comporte. Pour cela il a donc fallu, en plus de l'instauration du quinquennat, inverser le calendrier électoral pour faire correspondre les deux élections. Le risque de cohabitation était auparavant surtout du à l'écart conséquent entre les élections présidentielles et les élections législatives, ce qui faisait souvent coïncider les élections législatives et la période de désillusion post-électorale des électeurs après quelques temps d'exercice du mandat de Président de la République. C'est pourquoi le quinquennat permet de remédier à la cohabitation. La période de quelques mois entre les deux élections n'est pas censée être une mauvaise période pour la majorité déjà élue lors des élections présidentielles. 

Encore faudrait-il que le quinquennat soit constitutionnellement garanti de façon pertinente et que ces mesures suffisent à la concordance des majorités. 

 

B – Une mesure insuffisante dans les textes. 

Mais outre l'efficacité théorique du quinquennat pour éviter la cohabitation, nous pouvons remarquer que cette mesure est insuffisante dans la théorie, c'est-à-dire dans les textes. En effet seul l'article 6 de la constitution qui dispose que le mandat du Président de la République s'étend sur une durée de cinq ans est sensé éviter la cohabitation. Pour une efficacité certaine, il aurait peut-être fallu légiférer davantage sur ce point en instaurant par exemple une dissolution automatique de l'Assemblée nationale lors de l'entrée en fonctions d'un Président de la République, ou des mesures concrètes pour empêcher la cohabitation. Mais le quinquennat est tout de même voulu comme empêchant en partie la cohabitation tout en laissant toujours la porte ouverte à celle-ci dans une certaine mesure car il y a quelques mois d'écart entre les élections présidentielles et les élections législatives qui permettent une expression démocratique. Le quinquennat est voulu comme incomplet au niveau de la garantie d'une concordance des majorités pour ne pas être trop antidémocratique. 

Mais après avoir vu le quinquennat dans les textes et son influence théorique sur la cohabitation, il convient évidemment d'évoquer son application et son efficacité dans la pratique. 

 

II – Une réforme qui fonctionne tout en laissant la menace d'une cohabitation 

La mise en place du quinquennat sur le plan pratique est assez réussie et garantit efficacement la concordance des majorités mais cela n'est pas sans exception. Il peut toujours y avoir des surprises de la part des électeurs. Nous verrons donc en premier lieu l'efficacité du quinquennat en pratique pour garantir la concordance des majorités (A), puis en quoi un risque de cohabitation existe toujours pour garantir la démocratie (B). 

 

A – L'efficacité de la concordance des élections présidentielles et législatives 

Sur le plan pratique, la réforme du quinquennat est assez efficace pour éviter la cohabitation. En effet, depuis le vote de la réforme en 2000, il n'y a toujours eut aucune situation de cohabitation même si cela ne fait pas longtemps depuis la mise en vigueur de celle-ci. L'efficacité en pratique est tout d'abord garantie par le fait que les campagnes électorales des élections présidentielles sont efficaces pendant un certain temps qui va souvent au delà des élections législatives. Cela permet donc au parti qui a remporté les élections présidentielles d'avoir de grandes chances de victoire aux élections législatives en gardant le même électorat convaincu. 

De plus, le vote lors des élections législatives s'inscrit souvent dans une continuité logique en rapport avec le vote des présidentielles. Cela signifie qu'une personne qui a voté à droite aux présidentielles a très peu de chances de voter à gauche lors des élections législatives. C'est une suite logique. Le délai de quelques mois renforce encore ici le caractère de stabilité des opinions politiques. 

Cette efficacité du quinquennat sur le plan pratique en tant que garantie de la concordance des majorités n'est pourtant pas sans exceptions ni sans risques. Il reste toujours en effet l'éventualité de la cohabitation imposée par les électeurs. 

 

B - L'éventualité persistante de l'élection d'un majorité en opposition. 

Mais la réforme du quinquennat n'est pas une solution définitive à la cohabitation. Dans la pratique, il existe toujours un risque de cohabitation. Tout d'abord l'instabilité de l'électorat est fort. On peut facilement prévoir le résultat d'un vote à l'Assemblée mais il est au contraire très difficile de prévoir celui des électeurs. Le vote peut être influencé par beaucoup de facteurs qui ont un rapport ou pas avec la politique. Cela a par exemple été le cas lors des dernières élections présidentielles : l'augmentation des violences urbaines relayée par la presse a influencé le vote de la population en faveur de la droite et donc de Nicolas Sarkozy. Cela pourrait très bien se produire pour des élections législatives. 

De plus, les enjeux sont différents entre les élections présidentielles et le élections législatives, si bien que le vote est beaucoup moins déterminé par rapport aux partis politiques dans le cas des élections législatives. Ce sont des candidats différents dans des contextes et des situations différentes. Il n' y a donc aucune détermination pour tel ou tel parti politique. La cohabitation pourrait donc très bien avoir lieu, même avec le quinquennat.

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