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Colomb, Journal de bord (extrait)

Publié le 09/02/2013

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colomb

Le 12 octobre 1492, Christophe Colomb débarque sur l’île de Guanahani aux Bahamas. Dans son Journal de bord, le Gênois consigne chaque jour ses découvertes, à l’intention des souverains espagnols. Dans la description qu’il donne des habitants de ce paradis transparaît l’expérience que ce marin a de l’Afrique, et peu à peu se dessine le mythe du « bon sauvage « que l’on pourra aisément convertir à la foi chrétienne. Le récit de cette rencontre entre deux mondes nous est parvenu grâce à Bartolomé de Las Casas, l’original ayant disparu. Ami de Diego Colomb, le dominicain avait heureusement copié, au début du XVIe siècle, de larges extraits du journal.

Journal de bord de Christophe Colomb

 

Samedi 13 octobre

 

 

« Dès que le jour se leva, nombre de ces hommes vinrent sur la plage, tous jeunes, comme je l’ai dit, et tous de bonne taille, très bien faits ; leurs cheveux non crépus mais au contraire raides et gros comme des crins de chevaux, et tous avec un front et une tête plus large qu’aucune race que j’aie vue à ce jour ; ils n’avaient pas les yeux petits mais très beaux ; ils n’étaient, pour aucun d’eux, noirs mais plutôt de la couleur des Canariens, et l’on ne doit pas s’attendre à autre chose, car cette terre est située, en allant d'est en ouest, sur la même ligne que l'île du Fer, dans les Canaries. Ils ont les jambes très droites, tous semblablement, et le ventre non point gros mais très bien proportionné. Ils vinrent jusqu’à la nef avec des almadies, qui sont faites du tronc d’un seul arbre et sont une sorte de barque longue et tout d’une pièce, taillée de merveilleuse façon comme cela se fait dans ce pays ; certaines sont grandes, sur lesquelles pouvaient aller 40 à 45 hommes, et d’autres plus petites, si bien que sur certaines d’entre elles n’allait qu’un seul homme. Ils ramaient avec une pelle semblable à celles des boulangers ; cette barque avance à merveille, et si elle se retourne, aussitôt ils se mettent à nager, la redressent et la vident avec des calebasses qu’ils ont avec eux. Ils apportaient des pelotes de coton filé, des perroquets, des sagaies et d’autres petites choses qu’il serait ennuyeux d’énumérer, et ils donnaient tout en échange de n’importe quelle chose qu’on leur pouvait donner. Quant à moi, je mettais toute mon attention et tous mes efforts à savoir s’il y avait de l’or, et vis que quelques-uns d’entre eux en portaient un morceau accroché à un trou dans le nez. Et à leurs gestes je pus comprendre qu’en allant vers le sud ou bien en contournant l’île par le sud, il y avait là un roi qui avait en abondance de grands vases de ce métal. Je m’efforçai de les y envoyer, mais je vis bientôt qu’ils n’entendaient pas y aller. Je décidai d’attendre jusqu’au lendemain après-midi pour partir alors en direction du sud-est — car, d’après les gestes que beaucoup d’entre eux me firent, ils disaient qu’il y avait des terres au sud, au sud-ouest et au nord-ouest, mais que de celles du nord-ouest, on les venait souvent attaquer — ; je décidai donc d’aller vers le sud-ouest pour rechercher de l’or et des pierres précieuses. Cette île est assez grande et très basse avec des arbres très verts, de nombreux cours d’eau et une très grande lagune au milieu, sans aucune montagne ; et tout y est tellement vert que c’est un plaisir de la contempler. En outre, les gens y sont fort doux ; leur envie est si grande d’avoir de nos objets que, craignant qu’on ne leur en donne point s’ils ne donnent eux-mêmes quelque chose et ne possédant rien, ils prennent ce qu’ils trouvent et s’enfuient aussitôt à la nage ; cependant tout ce qu’ils possèdent ils le donnent contre n’importe quoi qu’on leur puisse donner, si bien qu’ils prenaient même en échange les morceaux des écuelles et des tasses de verre brisées, et que j’ai même vu pour trois ceutis du Portugal, qui est un blanc de Castille, donner 16 pelotes de coton qui devaient faire plus d’une arrobe de coton filé. J’aurais interdit cela et n’aurais laissé quiconque le prendre, j’aurais, au contraire, ordonné que l’on prît tout pour Vos Altesses, s’il y en avait eu en quantité. Il pousse dans cette île, mais par manque de temps je n’ai pu entièrement vérifier cela. Ici, naît aussi l’or qu’ils portent accroché au nez mais, pour ne pas perdre de temps, je veux aller voir si je peux trouver l’île de Cipango. Au moment où il fit nuit tous s’en furent à terre avec leurs almadies. «

 

 

Source : Colomb (Christophe), Œuvres complètes, trad. par J.-P. Clément et J.-M. Saint-Lu, Paris, La Différence, 1992.

 

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