Définition: BOUEUX2, -EUSE, adjectif. I.— A.— Couvert de boue. — [En parlant du sol, d'un sentier, etc.] Plein de boue*; transformé en boue (détrempé). Le sol est boueux, constamment humide, dans cette saison (EUGÈNE FROMENTIN, Voyage en Égypte, 1869, page 137 ); la terre était toute sale, toute boueuse, toute barbouillée de fange (CHARLES PÉGUY, Le Mystère de la charité de Jeanne-d'Arc, 1910, page 154) : Ø 1. Sous les pluies de l'hiver et du printemps, ces terres fortes donnent lieu à des sentiers boueux aux ornières profondes. Longtemps la circulation y a été difficile. PAUL VIDAL DE LA BLACHE, Tableau de la géographie de la France, 1908, page 366. — [En parlant d'une personne, de ses vêtements] Couvert (sali) de boue. Je le vis accourir à travers le parc, les cheveux et les habits en désordre, crotté, boueux, dans un état lamentable (GASTON LEROUX, Le Mystère de la chambre jaune, 1907, page 117 ); tout d'un coup, un des survivants couchés se dressa à genoux, secoua ses bras boueux et d'où tombait la boue (HENRI BARBUSSE, Le Feu, 1916, page 362 ); Mainville décrotta ses chaussures boueuses (GEORGES BERNANOS, Un Mauvais rêve, 1948, page 978 ). — Par métaphore. Un soleil boueux éclaboussait les champs détrempés (BLAISE CENDRARS, Moravagine, 1926, page 131 ); mais le soleil ne revint pas. Le ciel resta boueux et vivant (JEAN GIONO, Le Chant du monde, 1934, page 237 ). · Comme la boue. Une boueuse couleur marron-bordeaux (ELSA TRIOLET, Le Premier accroc coûte deux cents francs, 1945, page 73 ). B.— [En parlant d'un cours d'eau, etc.] Qui contient de la boue. Une rivière boueuse. · Spécialement " Source boueuse, source dont l'eau est mêlée de boue minérale, utilisée dans certaines stations thermales " (Dictionnaire de l'Académie Française). — Péjoratif (souvent par métaphore). Plein de boue et d'ordure, sale (à cause de) : Ø 2. Paris n'est maintenant qu'une sentine impure, Un égout sordide et boueux, Où mille noirs courants de limon et d'ordure Viennent traîner leurs flots honteux;... AUGUSTE BARBIER, Ïambes et poèmes, 1840, page 17. II.— Par analogie. A.— [En parlant d'une matière quelconque] D'une consistance semblable à celle de la boue : Ø 3. J'ai trouvé ce matin, dans une allée des sources, m'y promenant, un champignon étrange. (...). Je l'ouvris; il était plein d'une matière boueuse, au centre formant gelée claire; il en sortait une nauséabonde odeur. ANDRÉ GIDE, Les Nourritures terrestres, 1897, page 173. B.— Qui contient un dépôt. Un vin boueux; un encrier boueux. — Par métonymie. J'aspirais l'odeur boueuse des encriers (GUSTAVE FLAUBERT, La Première éducation sentimentale. 1845, page 77 ). C.— Emplois techniques. Qui manque de netteté. — GRAVURE et IMPRIMERIE. "... se dit des tailles et hachures. Une hachure boueuse, est celle qui fait sur une estampe le même effet qu'un trait de plume avec de l'encre, sur du papier qui boit un peu " (père Antoine-Joseph, Dictionnaire portatif de peinture, sculpture et gravure, avec un traité pratique des différentes manières de peindre, 1757, page 36). Impression boueuse; écriture boueuse; estampe boueuse (Confer Dictionnaire de l'Académie Française 1835-1932). III.— Au figuré. A.— [En parlant d'une personne, de son langage, de sa nature ou de la situation dans laquelle elle se trouve, du style d'un artiste..., considéré d'un point de vue moral] Grossier, sale, impur. Le romantisme boueux de Zola (ROMAIN ROLLAND, Jean-Christophe, La Foire sur la place, 1908, page 705 ); un flot boueux de gros mots monta de la cour des cuisines (ÉMILE ZOLA, Pot-Bouille, 1882, page 266) : Ø 4. Que ses vertus n'aient pas été toutes pures en lui, qui oserait le nier? La passion politique s'y mêlait, d'amères rancunes, ce qui s'agite de trouble et de boueux au fond des natures les plus nobles. Mais nous nous refusons à confondre ces Français avec les traîtres, avec ceux qui ont livré leurs frères, avec les valets aux gages du bourreau. FRANÇOIS MAURIAC, Le Baîllon dénoué, 1945, page 422. B.— [En parlant d'une chose abstraite en rapport avec l'un des cinq sens de l'homme] Épais, pâteux. Une odeur boueuse de graisse brûlée (JEAN GIONO, Le Chant du monde, 1934, page 287) : Ø 5.... les chevaux s'appelaient. Ils sentaient venir la nuit quand elle était encore là-bas, enfoncée dans l'est gris. Ils avaient une petite voix tremblante, toute boueuse, pleine d'efforts de nerfs et de poitrine, et comme sortie de la peine de leur sang. JEAN GIONO, Le Grand troupeau, 1931, page 192. — PEINTURE. L'effroi lui faisait voir ce tableau tel qu'il était, ignoble, mal bâti, boueux (ÉMILE ZOLA, Thérèse Raquin, 1867, page 141 ); la peinture jadis boueuse [de M. Desboutin] se clarifie (GEORGES-CHARLES, DIT JORIS-KARL HUYSMANS, L'Art mod, 1883, page 168 ). STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 380. Fréquence relative littéraire : XIXe. siècle : a) 174, b) 420; XXe. siècle : a) 1010, b) 633. DÉRIVÉS : Boueusement, adverbe (Émis) d'une manière peu nette. Balbutiements boueusement inintelligibles (JOSEPH MALÈGUE, Augustin ou le Maître est là, tome 1, 1933, page 329 ).
