Pourquoi est-il si difficile de s'arracher à la minorité, telle est la question que le texte tente d'élucider. Kant montre que ce qui est quasiment impossible « à l'individu pris séparément«, à savoir penser par soi-même, est cependant inévitable si on considère les hommes dans leur ensemble. Kant en analyse les raisons; il évoque ces êtres d'exception qui transforment, sinon les pratiques, du moins la pensée que l'humanité peut avoir d'elle-même. Mais comment ces êtres qui ouvrent sans doute la voie du progrès parviennent-ils à penser par eux-mêmes?
Il est donc difficile pour chaque individu séparément de sortir de la minorité qui est presque devenue pour lui, nature. Il s'y est si bien complu, et il est pour le moment réellement incapable de se servir de son propre entendement, parce qu'on ne l'a jamais laissé en faire l'essai. Institutions (préceptes) et formules, ces instruments mécaniques de l'usage de la parole ou plutôt d'un mauvais usage des dons naturels, (d'un mauvais usage raisonnable) voilà les grelots que l'on a attachés au pied d'une minorité qui persiste. Quiconque même les rejetterait, ne pourrait faire qu'un saut mal assuré par-dessus les fossés les plus étroits, parce qu'il n'est pas habitué à remuer ses jambes en liberté. Aussi sont-ils peu nombreux, ceux qui sont arrivés par leur propre travail de leur esprit à s'arracher à la minorité et à pouvoir marcher d'un pas assuré. Mais qu'un public s'éclaire lui-même, rentre davantage dans le domaine du possible, c'est même pour peu qu'on lui en laisse la liberté, à peu près inévitable. Car on rencontrera toujours quelques hommes qui pensent de leur propre chef, parmi les tuteurs patentés (attitrés) de la masse et qui, après avoir eux-mêmes secoué le joug de la (leur) minorité, répandront l'esprit d'une estimation raisonnable de sa valeur propre et de la vocation de chaque homme à penser par soi-même. KANT.
Faculté de connaître et de comprendre.
La notion d'esprit revêt plusieurs sens. Elle désigne d'une part l'intellect, la raison, la pensée. Elle désigne d'autre part l'âme, l'être immatériel qui constitue notre intériorité, notre personnalité. Les philosophes classiques ne faisaient pas de différence entre les deux: l'âme, qui relève du sentiment que nous avons de nous-mêmes, est aussi le siège de la pensée. C'est peut-être une indication qu'affectivité et raison sont plus étroitement unies qu'on ne le croit, dans l'esprit, précisément.
Penser par soi-même ne signifie pas penser systématiquement contre les autres, ni croire que ce que l'on pense est forcément universellement vrai. Toute pensée libre et autonome se fonde sur la raison. C'est elle qui conçoit et juge toute réalité par rapport à ma propre individualité, celle d'autrui et l'ensemble des hommes.
Evolution de l'humanité ou de la civilisation vers un état supérieur. Au sens strict, ce mot implique une amélioration, un perfectionnement.
Qualité ou signification d'une chose abstraite (le vrai, le bien). C'est à partir de Nietzsche que la notion de valeur a été introduite dans la philosophie. Nietzsche a critiqué de façon radicale les valeurs chrétienne, trouvant l'origine de toute valeur chez l'homme.