A la question : " pourquoi travailler ? ", qui nous invite d'abord à envisager les causes, les raisons objectives du travail, nous pouvons répondre : par nécessité vitale ou naturelle. Si l'on entend par nécessité le caractère de ce qui ne peut pas ne pas être, le travail serait essentiellement ce qui nous contraint, nous soumet à l'ordre de la nature ou de la matière. Il désignerait une activité pénible et contraignante, obstacle fondamental à la liberté (par opposition à la nécessité), c'est-à-dire à la réalisation autonome de soi.
Les hommes, les individus travaillent, en effet, non pas uniquement pour gagner de l'argent, pour obtenir un salaire et un profit, mais pour produire et consommer. Il existe d'ailleurs des formes historiques de travail, comme l'esclavage antique ou le servage médiéval, qui ne sont pas rémunérées, de même qu'il existe des activités rémunérées qu'il est difficile d'appeler " travail " (la prostitution peut-elle être vraiment considérée comme un travail ?). J. Fourastié, dans un texte devenu célèbre (Pourquoi travaillons-nous ?), constate que la nature ne nous fournit que des matières premières impropres à une consommation immédiate et que le travail est nécessaire à la transformation de ce que la nature met à notre disposition : sans travail, pas de survie possible. Autrement dit, nous travaillons toujours parce que nous avons des besoins (le besoin est un sentiment de privation provoquant, chez le sujet qui le ressent, un état de tension interne) - naturels ou sociaux - auxquels il faut adapter les produits naturels; nous sommes contraints de choisir entre ces besoins, illimités, et des ressources qui, elles, sont limitées (la rareté). C'est donc dans le rapport à la nature qu'il faut repérer la nécessité qu'il y a à travailler : le travail est une relation médiate à la nature, parce que la relation immédiate à la nature n'est pas suffisante.
L'ordre naturel repose sur des lois que la raison est capable de découvrir. L'ordre social repose sur des décrets qui, idéalement, devraient être des décrets de la raison et qui, de fait, dépendent plus des circonstances, d'intérêts politiques, économiques ponctuels.