Contrairement à ses prédécesseurs qui cherchaient seulement à savoir, Bacon faisait de la science un moyen pour l'homme d'augmenter son pouvoir sur la nature. Cette conception d'un théoricien de la science qui n'était pas lui-même un savant est devenue assez commune. A notre époque où l'expansion industrielle exige de plus en plus de techniciens, elle semble s'imposer : le savoir, pense-t-on assez couramment, donne la mesure même du pouvoir d'agir sur la nature et d'organiser le monde pour le mieux-être de l'humanité ; c'est donc pour ce pouvoir, condition de ce mieux-être, qu'il faut chercher à savoir. Pouvons-nous accepter ces thèses sans réserves ?
Il ne faut évidemment pas entendre «tout savoir« au sens de "savoir toutes choses" : « tout savoir « signifie ici "n'importe quel savoir". Mais cette interprétation écarté, il | n'en reste pas moins que la question peut être comprise et traitée en des sens très différents, mais tous légitimes. Elle peut en effet l'être du point de vue de l'action et de la création : on se demandera alors si toute connaissance est par elle-même une possibilité d'agir, de faire : s'il suffit que je sache pour pouvoir. Mais elle peut également être traitée d'un point de vue politique : on examinera en ce cas si tout savoir ne se mue pas en un pouvoir sur autrui, si ceux qui détiennent le pouvoir ne sont pas ceux qui détiennent le savoir.
I. — LE POUVOIR SE MESURE-T-IL AU SAVOIR ?
II. — LE SAVOIR EST-IL ESSENTIELLEMENT UN MOYEN DE POUVOIR ?
Un autre homme, une autre personne. En philosophie, "autrui" est ce qui est différent de moi et que l'appréhende par ma subjectivité. L'homme est ce que j'ai en commun avec les autres, tandis qu' "autrui" est ce qui me différencie des autres, ce que je ne peux connaître totalement, à cause de ma subjectivité.