Définition: FABULEUX, -EUSE, adjectif. A.— Qui a trait aux légendes, au merveilleux, aux récits élaborés par l'imagination. 1. Qui se rapporte à la mythologie de l'Antiquité. Animal, héros fabuleux; divinité fabuleuse. Celui qui lit l'histoire ressemble à un homme voyageant dans le désert, à travers ces bois fabuleux de l'antiquité qui prédisoient l'avenir (FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND, Essai sur la littérature anglaise, tome 1, 1797, page 86 ). Hors les grands actes sensibles de leur police et de leur activité, on ne sait rien de bien précis sur les fabuleuses filles d'Aristée (MAURICE MAETERLINCK, La Vie des abeilles, 1901, page 3) : Ø 1. Les géographes, les archéologues nous conduisent bien dans l'île de Calypso, exhument bien le palais de Minos. Seulement Calypso n'est plus qu'une femme, Minos, qu'un roi sans rien de divin. Même les qualités et les défauts que l'histoire nous enseigne alors avoir été l'apanage de ces personnes fort réelles, diffèrent souvent beaucoup de ceux que nous avions prêtés aux êtres fabuleux qui portaient le même nom. MARCEL PROUST, À l'ombre des jeunes filles en fleurs, 1918, page 949. · Âges, temps fabuleux. Époques les plus reculées de la vie d'un peuple, où l'histoire et la légende se confondent. Ces génies bienfaisans, ces êtres surnaturels qui visitaient les hommes pour les secourir, dans les âges fabuleux, dans les temps primitifs (HENRI DE LATOUCHE, LOUIS-FRANÇOIS L'HÉRITIER. Dernières lettres de deux amans de Barcelone, 1821, page 136 ). Avant l'époque que la société moderne a nommée antique, il existe une autre ère, que les Anciens appelaient fabuleuse (VICTOR HUGO, Préface de Cromwell, 1827, page 3 ). 2. Qui présente le caractère imaginaire inhérent à la fable, qui relève de l'irréel, de la fiction. Conte, pays fabuleux. La réputation du capitaine Fracasse, vainqueur de Vallombreuse, grandissait d'heure en heure et prenait des proportions chimériques et fabuleuses (THÉOPHILE GAUTIER, Le Capitaine Fracasse, 1863, page 261 ). Je n'imaginais point qu'elles [les barques de pêche] pussent rapporter au port d'autres poissons que des rougets et des dorades, ou je ne sais quels monstres marins fabuleux (ANDRÉ GIDE, Feuillets d'automne, 1949, page 1107) : Ø 2. Les voilà lancés dans les suppositions insensées, les hypothèses absurdes qui, pendant des heures, les font parler, bercés de fabuleux espoirs. La volière est ouverte : les rêves les plus saugrenus vont s'envoler. Ils imaginent des marchés impossibles, des conditions stupéfiantes que le général en personne vient leur proposer... ROLAND LECALELÉ, DIT ROLAND DORGELÈS, Les Croix de bois, 1919, page 88. Ø 3.... ils [des lecteurs] ouvriront le livre [la Princesse de Clèves] et liront cette chronique fabuleuse, dans le sens propre du terme, puisqu'elle est une fable et qu'elle possède le privilège du plus vrai que le vrai, cet air de vérité auprès duquel le réalisme a l'air faux. JEAN COCTEAU, Poésie critique1 1959, page 268. — Spécialement. [Par allusion à une fable de La Fontaine] Nul parmi la gent oreillarde (...) n'avait songé à lui disputer, comme la fabuleuse belette, ce droit de premier occupant (LOUIS PERGAUD, De Goupil à Margot, 1910, page 120 ). B.— Qui semble imaginaire, qui offre un caractère extraordinaire, invraisemblable, tout en étant réel. Son intelligence se refusait à classer cette suite d'événements incroyables, inouïs, fabuleux (ALEXANDRE DUMAS PÈRE, Le Comte de Monte-Christo, tome 1, 1846, page 376 ). Je ne me souvenais pas d'avoir, enfant, jamais osé seulement désirer posséder un de ces jouets, fabuleux pour les petits pauvres, un jouet mécanique, un jouet qui marche (GEORGES BERNANOS, Journal d'un curé de campagne, 1936, page 1212) : Ø 4.... je trouvais, en des cités d'une fantaisie de songe, de prodigieux monuments, fins et ciselés comme des bijoux, légers comme des dentelles et énormes comme des montagnes, ces monuments, fabuleux, divins, d'une grâce telle qu'on devient amoureux de leurs formes... GUY DE MAUPASSANT, Contes et nouvelles, tome 2, Châli, 1884, page 446. · Expression familière. [Pour exprimer l'étonnement, l'admiration] C'est fabuleux! Le duc : — À Paris / La marquise : — En deux heures? Mais c'est fabuleux! (ALEXANDRE DUMAS PÈRE, Mademoiselle de Belle-Isle. 1839, IV, 1, page 66 ). — Spécialement. Qui est considérable par ses proportions, dont l'importance dépasse l'imagination. Nous commençons à savoir les lois qui régissent les astres placés à des distances fabuleuses de notre pauvre petite planète (AURORE DUPIN, BARONNE DUDEVANT, DITE GEORGE SAND, Correspondance, tome 4, 1857, page 106 ). J'y suis retourné (à l'Opéra) hier. Les stalles d'orchestre sont à des prix fabuleux (GUSTAVE FLAUBERT, Correspondance, 1865, page 171) : Ø 5. Ses découvertes personnelles [il s'agit de Chr. Colomb] n'ont été, après tout, qu'un lamentable fiasco : de tout l'or qu'il escomptait, en croyant atteindre l'Asie et les richesses fabuleuses décrites par Marco Polo, il n'a rapporté que les quelque trois kilos dont on a fait l'ostensoir de la cathédrale, à Séville. ALBERT T'SERSTEVENS, L'Itinéraire espagnol, 1963, page 163. Remarque : Dans la langue parlée, fabuleux tend à devenir un synonyme expressif de excellent, extraordinaire, prodigieux. Lorsqu'on réfléchit au succès fabuleux, ininterrompu, d'un livre comme le « Don Quichotte » (GEORGES BERNANOS, Journal d'un curé de campagne, 1936, page 1218). — En emploi comme substantif (masculin à valeur de neutre) Enfin, presque tous les songes qu'avait faits l'humanité (...) et maintes étrangetés qui n'avaient même été rêvées, — sont à présent sortis de l'impossible et de l'esprit. Le fabuleux est dans le commerce (PAUL VALÉRY, Regards sur le monde actuel, 1931, page 170 ). Remarque : On relève chez Charles-Amédée de Sainte-Beuve, fabulosité, substantif féminin au sens de « chose fabuleuse ». Vers cinq ans (...) il [l'enfant] inventerait les légendes, les superstitions, les fées, les démons, toutes les fabulosités païennes, si elles n'étaient dès longtemps inventées et épuisées (CHARLES-AMÉDÉE DE SAINTE-BEUVE, Nouveaux lundis, tome 1, 1861, page 312). STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 529. Fréquence relative littéraire : XIXe. siècle : a) 767, b) 738; XXe. siècle : a) 671, b) 795. DÉRIVÉS : Fabuleusement, adverbe a) À la manière des fables et des récits légendaires. Deux ou trois vieux soldats du pays revenus dans leurs foyers, et qui, pendant les veillées, racontent fabuleusement à ces gens simples les aventures de cet homme et de ses armées (HONORÉ DE BALZAC, Le Médecin de campagne, 1833, page 37 ). b) D'une manière extraordinaire, dépassant l'imagination. J'ai un peu de loisir enfin après une année fabuleusement laborieuse (ALPHONSE DE LAMARTINE, Correspondance générale. 1835, page 162 ). Il était fabuleusement gros, et grand en proportion (ROMAIN ROLLAND, Jean-Christophe, La Révolte, 1907, page 575 ). — Je suis bien tranquille, Monsieur Pasquier. Vous ne tomberez pas malade avec le Michoacan, mais vous deviendrez très riche. Vous deviendrez fabuleusement riche. Encore un peu de patience, et vous posséderez, à vous seul, (...) une affaire qui, dans deux ans, dans trois ans, vous fera marcher de pair avec le Mexican Eagle (GEORGES DUHAMEL, La Passion de Joseph Pasquier, 1945, page 56 ).
