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Dictionnaire en ligne: ÉGARÉ, -ÉE, participe passé, adjectif et substantif.

Publié le 23/01/2016

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Dictionnaire en ligne: ÉGARÉ, -ÉE, participe passé, adjectif et substantif. I.— Participe passé de égarer* II.— Emploi adjectival. A.— [En parlant d'un être vivant] Qui a perdu involontairement le contact avec son milieu. 1. [En parlant d'une personne] Qui s'est égaré, qui a perdu son chemin. Renseigner un passant égaré. Le souvenir de récits lus jadis, de voyageurs égarés qui tournent en rond réveillait sa méfiance (GEORGES BERNANOS, Un Mauvais rêve, 1948, page 976) : Ø 1. N'oubliez pas que je me trouvais à mille milles de toute région habitée. Or mon petit bonhomme ne me semblait ni égaré, ni mort de fatigue, ni mort de faim, ni mort de soif, ni mort de peur. Il n'avait en rien l'apparence d'un enfant perdu au milieu du désert, à mille milles de toute région habitée. ANTOINE DE SAINT-EXUPÉRY, Le Petit Prince, 1943, page 414. — [En parlant d'animaux] Qui s'est écarté du troupeau, de son territoire familier. La carcasse d'une brebis égarée qui est venue mourir à l'abri (EDMOND ABOUT, La Grèce contemporaine, 1854, page 281 ). Les bêtes sauvages de la montagne, inquiètes, égarées loin des pistes de chasse, flairent dans le vent l'odeur du lait et de la laine (HENRI BOSCO, Le Mas Théotime, 1945, page 345 ). 2. [Avec un complément locatif introduit par dans, sur, etc.] Qui n'est pas à sa place, à son aise dans le lieu, l'époque, le milieu où il se trouve. C'était [le prophète de Maistre] une grande et simple figure de la Bible égarée dans le XVIIIe. siècle et ne comprenant rien au XIXe (ALPHONSE DE LAMARTINE, Correspondance générale. 1836, page 239) : Ø 2. Je l'entends encore [Barthou] (...) cherchant à prendre une connaissance exacte de l'endroit où il se trouvait : « Je me sens un peu égaré dans cette mer de peintres, d'architectes, de fantaisistes. (...) » LÉON-PAUL FARGUE, Le Piéton de Paris, 1939, page 152. B.— [En parlant de choses] 1. Vieux. [En parlant d'un lieu] Éloigné, écarté. L'abîme se cabrait comme un coursier sauvage Dans une île égarée au bout de l'univers (EDGAR QUINET, Napoléon, 1836, page 308 ). 2. Qui se trouve en un lieu dont on ne se souvient pas; qui est momentanément perdu. Il (...) cherchait partout sous les meubles les bottines égarées et dépareillées (ÉMILE ZOLA, Son Excellence Eugène Rougon, 1876, page 299) : Ø 3.— Athéna, disait Richard, vous allez encore une fois me remplir de confusion. Vous avez un flair admirable pour trouver les objets égarés. Vous triomphez facilement. Somme toute, le miroir était à sa place et il n'était pas brisé. (...) Si vous aviez un peu d'amitié pour moi, vous ne trouveriez pas si vite ce que je crois avoir perdu. GEORGES DUHAMEL, Chronique des Pasquier, Cécile parmi nous, 1938, page 124. 3. Rare. Qui se trouve en un endroit, par hasard ou par inadvertance. Ils achèvent le pain en le trempant dans l'huile, ils ramassent pieusement les miettes égarées (ALBERT T'SERSTEVENS, L'Itinéraire espagnol, 1963, page 209 ). Elle commençait alors de priser un peu de tabac et il en tombait toujours quelques grains sur son corsage. Laurent n'osait pas chasser d'une pichenette ces grains égarés (GEORGES DUHAMEL, Chronique des Pasquier, La Nuit de la Saint-Jean, 1935, page 211 ). — Spécialement. [En parlant de projectiles, de coups] Balle égarée. Il avait un gnon sur l'oeil, une claque amicale égarée dans une bousculade (ÉMILE ZOLA, L'Assommoir, 1877, page 506 ). C.— Au figuré. 1. [En parlant de personnes, de facultés psychiques] a) Dans le domaine religion Qui s'est écarté de l'Église, qui s'obstine dans le péché. Âme, volonté égarée ou perverse. Voir brebis B 2. — Par extension. dans le domaine moral : Ø 4. Je ne pense point que ses misères [de l'homme] soient nécessaires, que ses vices soient dans sa nature, que ses malheurs soient des conséquences directes de l'ordre des choses. (...) je suis encore à concevoir comment on peut dire, en voyant l'homme si égaré et si misérable, la nature l'a fait ainsi;... ÉTIENNE PIVERT DE SENANCOUR, Rêveries sur la nature primitive de l'homme, 1799, page 218. — Spécialement. dans le domaine politique Qui a été abusé. Ces colons (...) sollicités par des émissaires ennemis, par des écrivains égarés ou pervers, par des circonstances pressantes (Documents d'Histoire contemporaine (par Odette Voilliard, Guy Cabourdin, François-Georges Dreyfus, Roland Marx) 1789, page 52 ). Certains Français expient aujourd'hui le crime de fidélité — d'une fidélité égarée, d'une fidélité corrompue (FRANÇOIS MAURIAC, Le Bâillon dénoué, 1945, page 421 ). b) Rare. dans le domaine intellectuel. Qui s'est écarté de la vérité. Entre les théologiens et les philosophes, les inspirés et les raisonneurs, également fanatiques, pareillement égarés, il était à lui seul son parti (JEAN GUÉHENNO, Jean-Jacques, 1952, page 40 ). 2. [L'idée dominante est celle d'un trouble des facultés psychiques ou mentales] a) [En parlant de pers] — Distrait, absent. Un homme de la vie commune et naturelle, plus égaré seulement, plus rêveur, plus facile à effaroucher et à rejeter dans les bois (CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, Causeries du lundi, tome 10, 1851-62, page 84 ). Un état crépusculaire et somnolent envahit la conscience; égaré, légèrement ahuri, interrogateur, le sujet éprouve à chaque moment un léger désarroi à identifier les objets (EMMANUEL MOUNIER, Traité du caractère, 1946, page 609 ). — Qui est profondément troublé, généralement à la suite d'un fort choc émotif. Il est sorti avec précipitation, je suis rentrée chez moi égarée (SOPHIE COTTIN, Claire d'Albe, 1799, page 163 ). Franz était sorti de la chambre de Noirtier si chancelant et si égaré, que Valentine elle-même avait eu pitié de lui (ALEXANDRE DUMAS PÈRE, Le Comte de Monte-Christo, tome 2, 1846, page 273 ). · [Avec un complément introduit par de, désignant la cause du trouble] : Ø 5. Elle avait découvert trop brutalement le malheur, elle en restait trop égarée de révolte et de désespoir pour qu'on pût avoir prise sur elle. SIMONE DE BEAUVOIR, Les Mandarins, 1954, page 61. — Qui est en proie à un trouble psychique proche de la folie. Elle semblait égarée d'esprit (GÉRARD DE NERVAL, Les Filles du feu, 1854, page 643 ). Hier, [J.-J. Rousseau était] forcené, plus égaré, plus fou qu'aucun autre, dans les disputes les plus basses. Et aujourd'hui, aussi calme qu'une campagne au matin (JEAN GUÉHENNO, Jean-Jacques, 1950, page 251) : Ø 6. Il eut un cri de joie et de haine quand il reçut la lettre de Bruxelles. Elle provenait du commissariat central de police. On avait recueilli Émilie sans argent, dans un état physique et mental lamentable, demi-égarée et mourante de faim. MAXENCE VAN DER MEERSCH, Invasion 14, 1935, page 447. b) Par extension. [En parlant d'une partie du corps, du comportement, de l'expression d'une personne (avec les mêmes acceptions que sous a)] Qui dénote l'égarement. Air, geste, regard égaré. Se levant de la table, les cheveux en désordre, la mine égarée, il courut par la chambre en s'écriant : « Fuyons! » (JULES FLEURY-HUSSON, DIT CHAMPFLEURY, Les Souffrances du professeur Delteil, 1853, page 202 ). Il balbutiait quelques mots égarés (GEORGES DUHAMEL, Chronique des Pasquier, Le Désert de Bièvres, 1937, page 101) : Ø 7. Quelques jours après les couches la beauté de la femme se transforme. Le visage souvent penché sur la poitrine s'allonge un peu. Les yeux attentivement baissés sur un objet proche, s'ils se relèvent parfois paraissent un peu égarés. Ils montrent un regard empli de confiance, mais en sollicitant la continuité. FRANCIS PONGE, Le Parti pris des choses, 1942, page 45. — [En parlant d'un sentiment, d'un état de conscience] Il semblait gai, d'une gaieté convulsive, égarée, comme celle d'un homme qui déguise à grand-peine son impatience (GEORGES BERNANOS, Journal d'un curé de campagne, 1936, page 1234 ). III.— Emploi comme substantif. A.— Personne qui s'est égarée, qui a perdu son chemin. Kate demanda à Jos-Mari de s'arrêter à l'anfractuosité qui avait recueilli tant d'égarés surpris par la tempête de neige (JOSEPH PEYRÉ, Matterhorn, 1939, page 273 ). B.— Au figuré. 1. Personne qui s'est détournée des voies de la morale et de la religion. Il fait [le paranoïaque] des plans de paix universelle, relève les prostituées et les belles égarées (EMMANUEL MOUNIER, Traité du caractère, 1946, page 553 ). — Spécialement. dans le domaine politique Personne qui a été abusée. Faire une distinction entre les innocents, les égarés et les criminels (Les Fondateurs de la Troisième République (PIERRE BARRAL), Gambetta, 1876, page 122 ). Larminat se rendit aussitôt à Bangui par avion et ramena au devoir ces égarés de bonne foi (CHARLES DE GAULLE, Mémoires de guerre, 1954, page 95 ). 2. Personne qui a perdu le bon sens, la raison. [Il] fut, pendant de longs mois, plongé par cette pauvre égarée dans un véritable cauchemar d'infortunes, où ne manquèrent pas les coups de théâtre tragi-comiques (ALBERT BÉGUIN, L'Âme romantique et le rêve, 1939, page 273 ). Fréquence absolue littéraire : 1 759. Fréquence relative littéraire : XIXe. siècle : a) 3 079, b) 2 032; XXe. siècle : a) 2 431, b) 2 301. Forme dérivée du verbe "égarer" égarer ÉGARER, verbe transitif. I.— Emploi transitif. A.— [Le complément d'objet désigne en général une personne] 1. [L'idée principale est le mouvement] a) Mettre (quelqu'un) hors du chemin qu'il doit suivre. Synonyme : fourvoyer : Ø 1. Un épais brouillard égare le navire. On a perdu le point. On tâtonne et la sonde plonge et replonge. ANDRÉ GIDE, Voyage au Congo, 1927, page 685. Remarque : On rencontre dans la documentation quelques attestations du participe présent égarant employé comme adjectif. Des flaques de lumière égarantes (JULIEN GRACQ, Le rivage des Syrtes, 1951, page 353). — Rare. [Construit avec un complément désignant le point de départ, introduit par de, hors de, loin de...] La mer tient l'homme et l'isole, Et l'égare loin du port (VICTOR HUGO, Chansons des rues et des bois, 1865, page 258 ). b) [Avec un complément désignant la direction] — Poétique. Conduire sans but défini. Quel parfum trop subtil m'égare vers les bois? (PAUL VALÉRY, Cantate du Narcisse, 1939, page 264 ). — Conduire dans un lieu condamnable moralement ou insolite. Un faux libertin qu'un désespoir d'amour égare en un festin (ARMAND PRUDHOMME, DIT SULLY PRUDHOMME, la Justice, 1878, page 210 ). c) Poétique. [Le complément d'objet désigne une partie du corps, référant au sujet] Égarer ses pas. Les porter sans but défini. Sur les grèves des flots en égarant leurs pas Ils entendent des voix que nous n'entendons pas (ALPHONSE DE LAMARTINE, La Chute d'un ange, 1838, page 952 ). — Par analogie. Égarer ses mains, ses yeux. Les laisser, les faire errer. Abigaïl rouvrit les yeux et les égara autour d'elle (PETRUS BOREL, Champavert, les contes immoraux, 1833, page 95) : Ø 2. Et sur un peigne d'écaille Égarant ses vagues doigts, Du songe encore prochaine, La paresseuse l'enchaîne Aux prémisses de sa voix. PAUL VALÉRY, Charmes, 1922, page 112. — Par métaphore. Égarer ses rêves, ses pensées. On ne la voyait point sur l'émail des prairies, Au printemps, égarer ses molles rêveries (PIERRE-MARIE-FRANÇOIS-LOUIS BAOUR-LORMIAN, Les Veillées, 1827, page 308 ). 2. Au figuré. [Le complément d'objet désigne une personne ou une faculté psychique; l'accent est mis sur le fait de détourner, de tromper] a) Vieilli. Détourner (quelqu'un) des voies de la morale et de la religion. Synonyme : dévoyer. Je voudrais maintenant que tout Nemours pût m'entendre vous avouant qu'une fatale passion a égaré ma tête et m'a suggéré des crimes punissables par le blâme des honnêtes gens (HONORÉ DE BALZAC, Ursule Mirouët, 1841, page 228 ). La bonne chère, qui égare les prélats eux-mêmes (EDMOND FARAL, La Vie quotidienne au temps de Saint Louis, 1942, page 250 ). b) Dans le domaine intellectuel. Tromper, porter à l'erreur. Synonyme : fourvoyer. Un plan bien conçu, un coup d'oeil que n'égare pas l'esprit de système, que ne limite pas l'esprit de parti (VICTOR-JOSEPH ÉTIENNE, DIT DE JOUY, L'Hermite de la Chaussée-d'Antin, tome 4, 1813, page 133 ). Presque toujours l'objet fournit trop; les détails égarent l'attention (ÉMILE-AUGUSTE CHARTIER, DIT ALAIN, Système des beaux-arts, 1920, page 210) : Ø 3.... en vous disant de diriger vos regards vers la médecine de l'avenir, je ne vous nuis en aucune façon et je ne vous égare d'aucune manière. Ce sont ceux qui, au contraire, vous disent que le microscope et les sciences auxiliaires ne servent à rien qui vous nuisent et vous égarent, parce qu'ils vous détournent d'acquérir des connaissances qui vous seront plus utiles au cours de l'avenir que dans le présent. CLAUDE BERNARD, Principes de médecine expérimentale, 1878, page 109. — Spécialement. dans le domaine politique Abuser, détourner de son devoir. Égarer le peuple, une nation, l'opinion. Les fauteurs de désordre, toujours prêts à égarer une population d'elle-même inoffensive et respectueuse (JEAN GUÉHENNO, Journal d'un homme de 40 ans, 1934, page 46 ). Ramener dans le devoir ces pauvres troupes égarées par la propagande de l'ennemi (CHARLES DE GAULLE, Mémoires de guerre, 1954, page 169 ). — Égarer des soupçons, une enquête. Mettre sur une fausse piste. Après avoir cisaillé les barbelés vers l'extérieur du camp et poussé le souci de la mise en scène jusqu'à y suspendre des fils kakis pour mieux égarer les soupçons, ils se glissèrent adroitement dans notre bloc (FRANCIS AMBRIÈRE, Les Grandes vacances, 1946, page 346 ). c) Troubler, faire perdre le contrôle de soi. La douleur, l'amour égare l'esprit, la raison. Ne puis-je demander un secours contre ces passions qui m'égarent, et, en retrouvant mes esprits, retrouver ma clef par cela même? (ÉMILE-AUGUSTE CHARTIER, DIT ALAIN, Propos, 1929, page 851 ). Au milieu de mon déséquilibre nerveux (...) je justifie avec des pensées les impressions qui m'égarent (JOE BOUSQUET, Traduit du silence, 1935-36, page 187 ). — Absolument. Telles sont les chimères qui charment et égarent au matin de la vie (GÉRARD DE NERVAL DANS MARIE-JEANNE DURRY, Nerval, 1956, page 159 ). — Poétique. [Le complément d'objet désigne une partie du corps] Égarer la tête (de quelqu'un). Ô beauté des regards que le désir égare (ANNA DE NOAILLES, L'Ombre des jours, 1902, page 164 ). 3. Par métaphore. [Avec un complément de lieu; dans les mêmes domaines que 2 a et b] a) [Avec un complément désignant le point de départ, introduit par de, hors de, loin de...] Une affreuse pensée empoisonneroit ma vie si l'homme que je prendrois pour guide m'abandonnoit un jour, ou que, par ses maximes et sa conduite, il cherchât à m'égarer du chemin étroit que suit un vrai chrétien (HONORÉ DE BALZAC, Annette et le criminel, tome 2, 1824, page 132 ). b) [Avec un complément désignant la direction; introduit par dans, vers] On a peur d'égarer une âme aux blanches ailes Dans les sentiers souillés par tant d'âmes cruelles (MARCELINE DESBORDES-VALMORE, Fragments, 1859, page 247 ). Égarer les critiques vers un ordre de recherches si visiblement superficiel (JULIEN GRACQ, Au château d'Argol, 1938, page 8 ). B.— [Le complément d'objet désigne un objet, généralement de petite taille] Mettre (quelque chose) en un endroit qu'on oublie et où on ne peut (le) retrouver par la suite; perdre momentanément. J'ai toujours l'air, quand j'égare mon dé, d'avoir perdu un parent bien-aimé (GABRIELLE COLLETTE, DITE COLETTE, Sido, 1929, page 59) : Ø 4. Louise a beaucoup d'ordre et de soin. Jamais elle n'égare son mouchoir, ni ses rubans. C'est une grande qualité que l'ordre et tous les enfants devraient ressembler à Louise. LÉON FRAPIÉ, La Maternelle, 1904, page 119. — Par jeu. [En parlant d'une personne] J'ai eu raison, toutes ces nuits où je veillais au-dessus de toi, de prendre tous mes repères pour te reconnaître, si un jour je t'égarais (JEAN GIRAUDOUX, Sodome et Gomorrhe, 1943, II, 8, page 143 ). II.— Emploi pronominal. A.— [Le sujet désigne une personne, un être vivant ou leurs caractéristiques, leurs actions] 1. [L'idée dominante est celle de mouvement; le verbe est construit avec un complément désignant le lieu ou la direction] a) S'écarter du chemin que l'on doit suivre et ne pouvoir le retrouver. S'égarer dans un bois. Synonyme : se perdre. Si un voyageur inexpérimenté s'égare de quelques pas, le sable trompeur le saisit (CHARLES NODIER, La Fée aux miettes, 1831, page 79) : Ø 5. Je me trompai, comme il m'arrive trop souvent, et m'égarai dans les cuisines. Instruit de mon erreur et remis dans la bonne voie, je pris place un instant plus tard dans une petite salle déserte. JULIEN GREEN, Journal, 1938, page 125. b) [Souvent dans un contexte poétique] S'écarter intentionnellement de tout chemin et aller au hasard. Synonymes : errer, flâner. Les couples, de jour, ne pouvaient pas s'égarer dans les grèves, — de terre ou de mer ils risquaient d'être aperçus (HENRI QUEFFÉLEC, Un Recteur de l'île de Sein, 1944, page 152 ). c) Aller dans un lieu jugé condamnable moralement, ou insolite. Synonyme : se fourvoyer. L'abbé Klein causait avec divers universitaires chez qui il s'égare et on le poussait sur l'idée de Dieu (MAURICE BARRÈS, Mes cahiers, tome 8, 1910, page 101 ). Un uniforme français était un événement dans ces quartiers excentriques où nous ne nous égarions guère (ROGER CRÉTIN, DIT ROGER VERCEL, Capitaine Conan, 1934, page 72 ). d) [Le sujet désigne une partie du corps; généralement dans un contexte poétique] Se porter au hasard. Les pas s'égarent. Les libres horizons où s'égarait ta course (ALPHONSE DE LAMARTINE, La Chute d'un ange, 1838, page 1025 ). — Par analogie. S'égarer sur (en parlant des mains, des gestes, des yeux, du regard). Errer sur, se porter avec trop de liberté sur. Sa main s'égarait sur moi plus hardiment que sur Madame, et à des endroits de mon corps plus précis (OCTAVE MIRBEAU, Le Journal d'une femme de chambre, 1900, page 117 ). Elle laissa quelques instants ses doigts s'égarer sur l'ivoire, esquissant des lambeaux de phrases musicales (HENRI PETIOT, DIT DANIEL-ROPS, Mort, où est ta victoire?, 1934, page 79 ). — Par métaphore. J'ai dans mon coeur un parc où s'égarent mes maux (ANNA DE NOAILLES, Le Coeur innombrable, 1901, page 71 ). 2. Au figuré. [Le sujet désigne une personne ou une faculté psychique] a) Dans le domaine moral ou religion S'écarter du droit chemin, du devoir. Celui-là ne sait pas à quel point il s'égare qui, par des dépenses excessives, réduit ses enfants à la gêne (ALBERT CAMUS, La Dévotion à la croix, 1953, 1re. journée, page 530 ). b) Dans le domaine intellectuel. Se tromper, s'écarter de la vérité. Le jugement instinctif s'égare encore ici; et les braves gens comme Déroulède trouvent leur plaisir à être dupes (ÉMILE-AUGUSTE CHARTIER, DIT ALAIN, Propos, 1913, page 147) : Ø 6. À quoi sert au savant cette vérité générale que ce phénomène, comme tous les autres est une forme? (...). Elle peut empêcher le savant de s'égarer en réalisant des abstractions et des symboles qui ne peuvent servir que d'étapes. RAYMOND RUYER, Esquisse d'une philosophie de la structure, 1930, page 233. — Spécialement. [Dans une discussion, un raisonnement] S'écarter de son propos. Leurs affaires! un bureau au rez-de-chaussée, un téléphone, une dactylo... derrière ce décor, l'argent disparaît par paquets de cent mille. Mais je m'égare (...) nous sommes en 1883 (FRANÇOIS MAURIAC, Le Noeud de vipères, 1932, page 44 ). — Par métonymie. La discussion, le débat s'égare. c) S'écarter du bon sens, du raisonnable. Synonyme : divaguer. Je me recouche, pardonnez-moi. Je crains de m'être exalté; je ne pleure pas, pourtant On s'égare parfois, on doute de l'évidence, même quand on a découvert les secrets d'une bonne vie (ALBERT CAMUS, La Chute, 1956, page 1548 ). — Être frappé d'égarement, d'un trouble psychique proche de la folie (Confer égarement C 2). Fernand sentit sa raison s'égarer et la folie arriver à grands pas (PIERRE-ALEXIS, VICOMTE PONSON DU TERRAIL, Rocambole, les drames de Paris, tome 1, 1859, page 700) : Ø 7. Il m'arrivait de me dire avec fierté et avec crainte que j'étais folle : la distance n'est pas très grande entre une solitude tenace et la folie. J'avais bien des raisons de m'égarer. Depuis deux ans je me débattais dans un traquenard, sans trouver d'issue; je me cognais sans cesse à d'invisibles obstacles : ça finissait par me donner le vertige. SIMONE DE BEAUVOIR, Mémoires d'une jeune fille rangée, 1958, page 258. · La tête s'égare. La tête de Luizzi s'égarait de plus en plus; il sentait ses idées errer dans son cerveau comme une foule prise de vertige (FRÉDÉRIC SOULIÉ. Les Mémoires du diable, tome 2, 1837, page 355 ). 3. Par métaphore. [Dans les mêmes domaines que 2 a et b; avec un complément prépositionnel désignant ce qui cause ou constitue l'égarement moral ou intellectuel] a) [Avec un complément désignant le lieu, introduit souvent par dans] Il n'étoit pas dans son caractère de s'égarer longtemps dans des conjectures inutiles sur des choses qui la touchoient si légèrement (CHARLES NODIER, Jean Sbogar, 1818, page 135 ). Ma vie s'est concentrée dans cette seule idée : (...) te faire une position quand tu t'égarais dans mille expériences ou dangereuses ou folles (LOUIS REYBAUD, Jérôme Paturot à la recherche d'une position sociale, 1842, page 149) : Ø 8. Ils en étaient tout de suite arrivés aux grands thèmes; il n'y a qu'avec les femmes qu'on va ainsi directement à l'essentiel; les conversations des hommes s'égarent d'abord du côté des gazogènes, des poulets à la crème et de la tactique politique. ROGER VAILLAND, Drôle de jeu, 1945, page 137. b) [Avec un complément désignant la direction, introduit par vers, sur,...] Thomas d'Aquin n'ignore pas que l'amour humain s'égare trop souvent vers des objets indignes de sa nature (ÉTIENNE GILSON, L'Esprit de la philosophie médiévale, 1932, page 78 ). Le metteur en scène a tort de s'égarer sur des effets de décors plus ou moins savamment éclairés (ANTONIN ARTAUD, Le Théâtre et son double, 1938, page 128 ). c) [Avec un complément introduit par en] S'égarer en vains discours, en raisonnements. Je m'embarque, je m'embrouille, je patauge, je m'égare en un tissu d'inepties (ERNEST RENAN, Souvenirs d'enfance et de jeunesse, 1883, page 152 ). B.— [Le sujet désigne une chose] 1. Être momentanément perdu. Je ne me permets pas dans une feuille volante, apte à s'égarer, de vous en dire davantage (ISODORE DUCASSE, DIT COMTE DE LAUTRÉAMONT, Les Chants de Maldoror, 1869, page 338) : Ø 9. Elles avaient fait à la mairie leur demande pour être évacuées. Leur demande s'égara, disparut, elles n'en curent plus de nouvelles. MAXENCE VAN DER MEERSCH, L'Invasion 14, 1935, page 381. 2. Rare. Être en un endroit insolite, interdit. Ici [dans les tableaux d'Ingres] nous trouverons un nombril qui s'égare vers les côtes (CHARLES BAUDELAIRE, Curiosités esthétiques, 1867, page 155 ). STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 1 556. Fréquence relative littéraire : XIXe. siècle : a) 3 512, b) 1 476; XXe. siècle : a) 1 886, b) 1 692.

« l'huile, ils ramassent pieusement les miettes égarées (ALBERT T'SERSTEVENS, L'Itinéraire espagnol, 1963, page 209 ).

Elle commençait alors de priser un peu de tabac et il en tombait toujours quelques grains sur son corsage.

Laurent n'osait pas chasser d'une pichenette ces grains égarés (GEORGES DUHAMEL, Chronique des Pasquier, La Nuit de la Saint-Jean, 1935, page 211 ). — Spécialement.

[En parlant de projectiles, de coups] Balle égarée.

Il avait un gnon sur l'oeil, une claque amicale égarée dans une bousculade (ÉMILE ZOLA, L'Assommoir, 1877, page 506 ). C.— Au figuré. 1.

[En parlant de personnes, de facultés psychiques] a) Dans le domaine religion Qui s'est écarté de l'Église, qui s'obstine dans le péché.

Âme, volonté égarée ou perverse.

Voir brebis B 2. — Par extension.

dans le domaine moral : Ø 4.

Je ne pense point que ses misères [de l'homme] soient nécessaires, que ses vices soient dans sa nature, que ses malheurs soient des conséquences directes de l'ordre des choses.

(...) je suis encore à concevoir comment on peut dire, en voyant l'homme si égaré et si misérable, la nature l'a fait ainsi;... ÉTIENNE PIVERT DE SENANCOUR, Rêveries sur la nature primitive de l'homme, 1799, page 218. — Spécialement.

dans le domaine politique Qui a été abusé. Ces colons (...) sollicités par des émissaires ennemis, par des écrivains égarés ou pervers, par des circonstances pressantes (Documents d'Histoire contemporaine (par Odette Voilliard, Guy Cabourdin, François-Georges Dreyfus, Roland Marx) 1789, page 52 ).

Certains Français expient aujourd'hui le crime de fidélité — d'une fidélité égarée, d'une fidélité corrompue (FRANÇOIS MAURIAC, Le Bâillon dénoué, 1945, page 421 ). b) Rare.

dans le domaine intellectuel.

Qui s'est écarté de la vérité.

Entre les théologiens et les philosophes, les inspirés et les raisonneurs, également fanatiques, pareillement égarés, il était à lui seul son parti (JEAN GUÉHENNO, Jean-Jacques, 1952, page 40 ). 2.

[L'idée dominante est celle d'un trouble des facultés psychiques ou mentales] a) [En parlant de pers] — Distrait, absent.

Un homme de la vie commune et naturelle, plus égaré seulement, plus rêveur, plus facile à effaroucher et à rejeter dans les bois (CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, Causeries du lundi, tome 10, 1851-62, page 84 ).

Un état crépusculaire et somnolent envahit la conscience; égaré, légèrement ahuri, interrogateur, le sujet éprouve à chaque moment un léger désarroi à identifier les objets (EMMANUEL MOUNIER, Traité du caractère, 1946, page 609 ). — Qui est profondément troublé, généralement à la suite d'un fort choc émotif.

Il est sorti avec précipitation, je suis rentrée chez moi égarée (SOPHIE COTTIN, Claire d'Albe, 1799, page 163 ).

Franz était sorti de la chambre de Noirtier si chancelant et si égaré, que Valentine elle-même avait eu pitié de lui (ALEXANDRE DUMAS PÈRE, Le Comte de Monte-Christo, tome 2, 1846, page 273 ). 2. »

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