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A quoi reconnaît-on un acte libre?

Publié le 26/01/2005

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Effectivement, étant donnée la dualité de la nature humaine, l'activité volontaire et libre implique un effort soutenu : elle consiste, en effet, dans la maîtrise des forces rationnelles sur les forces inférieures, maîtrise qui exige un certain et parfois un puissant effort. Mais si cet effort nous est nécessaire pour accéder et nous maintenir au niveau de l'activité rationnelle, une fois parvenus à ce plan, c'est sans effort que nous posons des actes volontaires et libres. Il faut, par exemple, un certain effort au travailleur pour se mettre à sa tâche ; mais, une fois au travail (travail de l'écolier comme travail de l'ouvrier ou du fonctionnaire) , il n'a pas besoin d'un nouvel effort pour poser les actes volontaires et libres dont est faite sa journée. (Exemples.) Bien plus, nos actes sont d'autant plus volontaires et d'autant plus libres qu'ils demandent moins d'effort, le besoin d'effort étant le signe que nous ne voulons qu'avec une partie de nous-mêmes. L'acte volontaire et libre est aussi considéré comme constituant une innovation, un commencement ; il est aux antipodes de la routine, et les actes habituels passent facilement pour involontaires. Mais cette caractéristique, qui n'est pas essentielle à l'acte de volonté (il peut n'être qu'une confirmation d'une décision déjà prise) , l'est encore moins de l'acte volontaire, et il n'y a aucune opposition entre volontaire et habituel : il est, en effet, des habitudes volontaires grâce auxquelles les actes d'abord pénibles deviennent plus faciles et par là même plus pleinement volontaires. On voit par là ce qu'il faut penser d'un autre caractère, qu'on attribue souvent aux actes volontaires et libres : conscience et réflexion. Sans doute, l'absence de conscience et de réflexion peut amener à une routine étrangère à la volonté et à la liberté, mais il n'est pas essentiel à l'acte volontaire et libre d'être conscient et réfléchi ; il n'y a pas d'opposition entre « automatique » et « volontaire » ; bien plus, c'est grâce aux automatismes que nous pouvons mener à bonne fin les travaux complexes entrepris volontairement et librement. L'acte volontaire et libre, dit-on encore, présente une certaine personnalité : en ce premier sens, qu'il résulte, non d'une contrainte extérieure, mais d'un principe intérieur ; en ce second sens, qu'il exprime le fond de notre personnalité (Bergson).

« Introduction : Dans le chapitre III de son Essai sur les données immédiates de la conscience , Bergson cherche à établir ce qu'est un acte libre.

Un acte serait libre lorsqu'il émane du moi.

Or des actes qui proviennent de notre moi peuvent nous apparaître après coup déterminés par les circonstances qui le précèdent.

Si un acteest déterminé, alors il n'est pas libre.

Il s'agit donc pour Bergson de récuser la thèse du déterminisme qui nie la possibilité de l'acte libre en concevant tousnos actes comme des résultats mécaniques d'états précédents.

Sa stratégie argumentative se déploie en deux moments : tout d'abord une concession audéterminisme destinées à montrer ce que l'acte libre n'est pas, ensuite la description et l'analyse de la crise intérieure permet de distinguer un moi d'enhaut et un moi d'en bas sous la forme métaphorique du magma solidifié et du volcan en éruption.

Nous sommes alors confrontés à ce problème : si les actessemblent devoir être causés par des conditions antécédentes, que doit être un acte pour pouvoir être qualifié de libre ? I Ce que l'acte libre n'est pas _ La stratégie de Bergson débute par une concession au déterminisme : « nous abdiquons souvent notre liberté dans des circonstances plus graves ».Cette comparaison renvoie à la thèse qui précède notre extrait : dans notre vie quotidienne, la plupart de nos actes ne sont pas libres, mais déterminés detelle manière à répondre le plus facilement aux stimulis sensoriels sans requérir l'intervention de la conscience.

P ar exemple, le matin, quand le réveilsonne, écrit Bergson « je suis un automate conscient et je le suis parce que j'ai tout avantage à l'être ».

A insi compris en général comme des réactionsautomatiques insignifiantes, nos actes ne sont pas libres si bien que la liberté dans nos actions est très rare.

Or à côté de ces circonstances quotidiennesinsignifiantes, il y a de « ces circonstances graves » exceptionnelles qui appellent les actes libres dans la mesure où les réactions automatiquessemblables à celles du réveil ne lui sont plus adéquates.

Par exemple, s'il me faut décider de la vie que je vais mener, ou du métier qui m'occupera pendantune grande partie de mon existence, je ne peux me reposer sur une réaction automatique.

Au contraire cette décision requiert un acte fondé surl'intervention de ma conscience._ Pourtant alors que les circonstances sont graves et requièrent un acte libre, il arrive que nous ne mettions pas, pour ainsi dire, à la hauteur de la situationet nous contentions de laisser nos automatismes décider pour nous : « par inertie ou par mollesse, nous laissons ce même processus local s'accompliralors que notre personnalité toute entière devrait vibrer ».

A insi on peut se référer à la situation qui précède un choix important pour comprendre ce qu'unacte libre n'est pas.

Par paresse ou lâcheté, je réclame un conseil de mes amis en pensant seulement éclairer ma décision et la confronter à leurs avis : ladécision ne peut être que libre puisque elle émane de moi.

Or qu'est-ce qui se passe lors de notre conversation ? « Les sentiments qu'ils expriment avectant d'insistance viennent se poser à la surface de notre moi et s'y solidifier » si bien « qu'ils formeront une croûte épaisse qui recouvrira nos sentimentspersonnels »._ L'acte qui émane de mon moi ne pourra alors être libre dans la mesure où le moi lui-même sera recouvert d'une croûte de sentiments qui ne sont pas lesmiens, mais ceux des autres.

Ainsi ma décision sera déterminée à la manière des automatismes du réveil par des idées qui ne proviennent pas vraiment dema conscience.

Ce qui état vraiment moi a été comme enrobé à ce qui ne l'est pas, et l'acte provient de cette couche plus superficielle.

A insi l'acte de ladécision n'est libre qu'en apparence, et je suis alors victime de l'illusion forgée par le conseil de mes amis : « nous croirons agir librement et c'estseulement en y réfléchissant plus tard que nous reconnaîtrons notre erreur ».

Ce sont les autres qui décident pour moi lorsque je crois être la seule sourcede ma décision, et je ne prends conscience de l'absence de liberté de ma décision que lorsqu'il est trop tard.Néanmoins si Bergson concède que nos actes ne sont pas toujours libres quand ils devraient l'être, il ne donne pas pour autant raison au déterminisme enaffirmant l'inexistence d'acte libre.

En effet il cherche à décrire ce qu'un acte libre n'est pas pour mieux cerner ce qu'il est.

II L'acte libre dans la crise intérieure _ Si nous n'avions pour seule possibilité que d'accomplir des actes sur le mode de la réaction automatique et que nous nous laissions à chaque fois aller àcette facilité dans les circonstances grâces, il n'y aurait plus rien qui permettrait de penser la possibilité d'un acte libre.

Néanmoins, lorsque trop imprégnésdes conseils de nos amis, nous nous apprêtons à accomplir ce que nous n'avons pas décidé librement, « il n'est pas rare qu'une révolte se produise ».

Larévolte désigne ici l'expression de notre moi véritable enfoui sous le moi parasite formé par les cations automatiques ou les conseils des amis.

3 c'est lemoi d'en bas qui remonte à la surface.

C'est la croûte extérieure qui éclate, cédant à une irrésistible poussée ».

La révolte de ce moi d'en bas est alorscomparé en un volcan entrant en éruption et brisant le magma solidifié en surface.

L'éruption de lave pendant cette révolte du moi prouve que le moi ne seréduit pas à l'ensemble des réactions automatiques.

En effet la condition de l'éruption est un « bouillonnement et par là même une tension croissante desentiments et d'idées » « au dessous de ces arguments raisonnables ».

Sous le magma solide, la lave continue à être en ébullition.

De ce point de vue, ledéterministe confond la surface du moi avec le moi lui-même.

En revanche si l'on veut penser la possibilité de l'acte libre, il faut distinguer le moi du haut,moi social forgé par nos habitudes, réactions automatiques, produit de l'éducation sociale et le moi d'en bas qui coïncide avec ce que nous sommesvraiment._ Si nous ne percevons pas cette vie intérieure en ébullition, c'est que « nous ne voulions pas y prendre garde ».

C e manque d'attention est imputable à lacontamination du moi d'en haut sur le moi d'en bas.

En effet les idées et les sentiments nés du contact avec l'extérieur se sont greffés sur le moi au point deformer une couche .

Ce moi parasite fait des opinions des autres a si bien recouvert notre moi véritable qu'il l'a pour ainsi dire étouffé.

Ce n'est que dans lemoments de crise intérieure que le moi véritable réapparaît des profondeurs.

Mais il arrive souvent que nous soyons tellement contaminés par notre moi d‘enhaut que nous repoussons nous-mêmes ce que nous sommes: « par une inexplicable répugnance à vouloir, nous les avions repoussé dans les profondeursobscures de notre être chaque foi qu'ils émergeaient à la surface » On peut ici se référer à la situation du narrateur de la Recherche du temps perdu de Proust qui passe une grande partie de son existence à repousser l'exigence de se mettre à écrire.

Depuis son enfance, il se sent périodiquement tourmenté par ledésir d'écrire, mais il ne cesse, sous le coup de son éducation et de son entourage, de reculer le jour du travail jusqu'à paraître renoncer définitivement àson projet.

Cependant, à la fin de sa vie, dans le salon de la duchesse de Guermantes, on peut dire que son moi véritable se révolte et lui révèle enfinl'œuvre qu'il doit accomplir en le rappelant à sa vocation.

Être soi -même est en effet une tâche éprouvante que nous essayons de fuir, mais qui nousrattrape toujours._ Dans la mesure où le moi véritable remonte brutalement à la surface pour nous rappeler ce que nous sommes, il est impossible « d'expliquer notre brusquechangement de résolution par les circonstances apparentes qui le précédèrent ».

Ainsi dans la recherche du temps perdu, le narrateur se trouve dans unsalon mondain insignifiant et il est dans une situation semblable à chacune de ses journées précédentes.

Il est arrivé à un âge où il est certain désormaisque sa vie est un échec et qu'il lui faut à jamais renoncer à la littérature.

Or c'est justement à ce moment là où tout semble perdu que son moi véritable lerappelle à lui-même (V ocare signe appeler).

Ainsi « nous voulons savoir en vertu de quelle raison nous nous sommes décidés sans raison peut-être mêmecontre toute raison.

Mais c'est là précisément dans certains cas, la meilleure des raisons ».

En effet l'action accomplie ne dérive pas d'une raison extérieureà nous, mais elle nous exprime nous-même dans notre personnalité toute entière : elle est « l'équivalent de toute notre expérience passée ».

A insi si l'onreprend l'exemple du narrateur de la recherche, ce qu'il a désiré faire toute sa vie sans jamais l'osé s'exprime dans une action essentielle qui est ladécision d'écrire la Recherche du temps perdu.

Finalement nous sommes alors face à un critère distinctif de l'acte libre : « nous sommes libres quand nosactes émanent de notre personnalité toute entière, quand ils l'expriment, quand il ont avec elle cette indéfinissable ressemblance qu'on trouve parfois entrel'œuvre et l'artiste ».

Conclusion : Un acte libre n'est pas une action qui provient du moi d'en haut, le moi social forgé par les habitudes, l'éducation et les conseils d'autrui.

P ar opposition unacte est libre quand nous reconnaissons en lui le miroir de ce que nous sommes; le critère de l'acte libre est donc moins l'émanation du moi qui peut êtretrompeuse que l'expression de toute son âme.

Or puisque l'immense majorité de nos actes provient de ce moi d'en haut, nous sommes très rarement libreset même « beaucoup vivent ainsi et meurent sans avoir connu la vraie liberté ».. »

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