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Peut-on tout expliquer?

Publié le 18/02/2005

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 » Pascal. La vérité est donc retorse, il faut faire un réel effort pour y accéder, et le travail de l'esprit conjugué à celui de l'expérience contribue à l'élucidation des phénomènes. La physique, aussi ancienne que la philosophie, s'efforce donc de prendre la réalité pour objet et de trouver en quoi les choses ne sont pas telles qu'elles nous apparaissent. « Si nous désirons vaquer sérieusement à l'étude de la philosophie et à la recherche de toutes les vérités que nous sommes capables de connaître, nous nous délivrerons en premier lieu de nos préjugés, et ferons état de rejeter toutes les opinions que nous avons autrefois reçues en notre créance, jusqu'à ce que nous les ayons derechef examinées. » Descartes, Principes de la philosophie, 1644. Le calcul est donc l'outil logique qui permet de se dégager des phénomènes pour entrer dans la complexité de leur mode d'apparition. « Si le regard philosophique procure le recul nécessaire pour considérer la science, le regard scientifique procure le recul nécessaire pour considérer la philosophie. Aussi, leur dialogique binoculaire pourrait procurer le nouveau recul qui nous est nécessaire pour considérer la connaissance. » Edgar Morin, La Connaissance de la Connaissance, 1986. Le dix-neuvième siècle est la période de l'histoire qui a le plus cru dans la possibilité de trouver dans les sciences une interprétation totale, globalisante, et c'est paradoxalement le vingtième siècle qui est revenu sur cette foi en désacralisant les acquis scientifiques et en mettant en lumière la part irréductible de la vie à la connaissance objective.

« Le hasard, les rêves, les miracles et d'autres faits réputés inexplicables semblent accréditer l'idée que la raison nepeut tout expliquer.

Mais on peut se demander si ces faits sont vraiment inexplicables, ou s'ils paraissent tels parceque nous ne disposons pas encore de la méthode qui permet de les comprendre.

Y aurait-il une explicationrationnelle à tout ? La question est de savoir si la raison peut tout expliquer, jusqu'à rendre compte du tout lui-même, c'est-à-dire du monde en général et pas seulement de chaque fait en particulier, ou s'il faut reconnaître quecertains lui sont incompréhensibles, comme le tout auquel ils appartiennent, soit parce qu'ils sont par natureinexplicables, soit parce qu'ils relèvent d'une autre faculté que la raison.

Faut-il donc penser que rien n'est sansraison et que celle-ci est souveraine, aucun fait ne pouvant échapper à son empire ni à son pouvoir d'explication ?Ou faut-il convenir que celui-ci est limité et que la raison ne peut tout expliquer parce que certains phénomènesrelèvent d'une autre juridiction que la sienne ? Il s'agit ici d'analyser le rapport de la raison au réel pour mesurerl'étendue de notre pouvoir de connaître.

L'enjeu est de savoir si tout peut s'expliquer à l'aide d'un principe rationnel,ou si l'on peut seulement tendre vers la totale intelligibilité du monde comme un marin vers l'horizon.

Tous lesdomaines de l'Être sont-ils arraisonnables, de l'éthique à l'esthétique en passant par la politique ? Qu'en est-il duvrai, du bien, du beau et de l'Être en général.

Est-ce une illusion que de vouloir les soumettre à l'empire de la raison? Y a-t-il autant de formes de rationalité qu'il est de domaines et de valeurs ? I.

Platon : l'ordre du monde a une explication rationnelle Platon note dans le Ménon que ce que l'on croit irrationnel correspond en réalité à une autre forme de rationalité.

Ilsuffit de changer de méthode d'analyse pour comprendre ce que l'on jugeait inexplicable et ce que l'on croyaitirrationnel s'avère être rationnel en puissance.

C'est l'une des leçons qu'il tire de la résolution du fameux problème dela duplication du carré de côté un, qui permit aux Grecs de sortir de la crise intellectuelle et morale dans laquelle lesavait plongés la découverte des grandeurs irrationnelles.Rappelons qu'un nombre est dit irrationnel lorsqu'il ne peut s'exprimer sous la forme d'un rapport de nombres entiers,ou d'une suite finie non périodique de ces nombres.

Or c'est le cas de la longueur de la diagonale du carré de côtéun, égale à racine de deux.

Cette grandeur était littéralement indicible pour les mathématiciens grecs de l'époque,qui ne disposaient que de l'arithmétique pythagoricienne pour mesurer les choses.

S'ils pouvaient jusqu'alors fairecorrespondre un nombre à chaque chose et penser en connaître l'essence ou le nom au travers de sa mesure, ladécouverte de racine de deux mit fin à cette belle harmonie de la chose, du discours et des nombres qui semblaientgouverner le monde.

Il n'existe pas en effet d'unité de mesure commune à la diagonale et au côté du carré, si bienque l'on ne peut établir de rapport entre eux, ni exprimer la première dans le langage du second : elle lui estincommensurable.

Or la résolution du problème de la duplication du carré fournit aux Grecs l'occasion de sortir decette impasse en réaffirmant la rationalité du monde.

Ce fut l'occasion de découvrir que la diagonale qui estincommensurable au côté, c'est-à-dire à une longueur, n'est pas irrationnelle en soi, car elle permet d'établir unrapport entre des aires, c'est-à-dire entre des surfaces.

Comme le rappelle Platon, on ne construit pas le double ducarré de côté un à partir de ses côtés, mais en faisant de sa diagonale celui d'un nouveau carré dont la surfacesera nécessairement le double de la précédente.

C'est ainsi que la découverte d'un irrationnel s'avéra être celled'une nouvelle forme de rationalité.

Elle obligea les mathématiciens grecs à raisonner directement sur des aires et desurfaces, plutôt que sur des longueurs et des nombres.

La géométrie euclidienne se développa ainsi en faisant desimpasses de l'arithmétique pythagoricienne les foyers de son dépassement et du progrès de cette science.

Lessciences progressent ainsi : en inventant un nouveau modèle pour comprendre ce que la théorie précédente neparvenait pas à expliquer et en faisant de l'irrationnel qui paraît les arrêter un élément moteur de leurdéveloppement.

L'histoire des sciences offre de nombreux exemples de ce type de dépassement.Platon met en scène celui-ci pour dire qu'il n'y a rien d'étranger à la raison : il n'est aucun objet auquel elle nepuisse se rapporter pour le comprendre en trouvant en elle-même son principe d'explication.

Elle est souveraine etétend son empire sur toute chose.

Il faut éviter les écueils de la misologie et du mythe, la première consistant àdésespérer de la raison faute de savoir raisonner et le second à lui préférer les délires de l'imagination débridée despoètes.

Le propos de la philosophie est d'affirmer la souveraineté absolue de la raison, qui refuse par principel'irrationnel.

Platon lui assigne la tâche de le rationaliser en substituant la science au mythe.

Le but de sa « théoriedes idées » est de rendre compte de l'ordre du monde à partir de principes transcendants, afin de sauver lesphénomènes en rétablissant la cohérence du sensible.

Il y a alors une explication rationnelle à tout, bien que celle-cisoit de nature métaphysique, car elle est purement intelligible et séparée du sensible.Mais y a-t-il une raison du tout, s'il y a une raison à tout ? Comment expliquer qu'il y ait quelque chose plutôt querien de façon rationnelle ? ou faut-il y renoncer en admettant le mystère de la création qui fait le fond de l'existence? Entre différentes explications possibles, comment choisir la meilleure ? II.

Leibniz : l'existence même du monde s'explique rationnellement Leibniz cherche à montrer dans la Monadologie que tout dans le monde peut s'expliquer rationnellement, de sonexistence jusqu'au moindre de ses faits.

Il y a une raison qui fait qu'il y a quelque chose plutôt que rien et que leschoses sont disposées ainsi plutôt qu'autrement.

Rien n'est donc sans raison et ce que nous appelons le hasard. »

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