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A quoi tient le pouvoir de la technique?

Publié le 27/02/2005

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technique
  Selon Hans Jonas dans Le principe responsabilité. La science avec ses pouvoirs encore inconnus réclame une éthique nouvelle afin d'empêcher que le pouvoir de l'homme devienne une malédiction contre lui. Auparavant, l'éthique se réduisait à un rapport d'homme à homme. La portée de l'action humaine était réduite, elle n'avait affaire qu'à l'ici et maintenant. L'univers moral était équivalent à une durée de vie. La technique était une nécessité non le but de l'homme. La nature était immuable, et l'action humaine était superficielle. La technique a transformé en profondeur l'essence de l'agir humain. Elle a considérablement augmentée sa portée et elle déborde maintenant sur tout ce que l'on a connu autrefois. La promesse technique s'est transformée en menace, ce que l'homme pourra faire à l'avenir n'a pas eu d'équivalence par le passé.

Parler de pouvoir de la technique, c’est substantialiser celle-ci, lui donner une autonomie par rapport à l’homme comme s’il n’avait aucun pouvoir sur elle. Poser cette question revient à demander en quoi et comment la technique a gagné en autonomie, que s’est-il passé pour que la technique change de nature dans l’histoire.  C’est dans ce changement qu’il faudra percevoir l’essence de la technique, ce qui en elle est susceptible de dériver en domination. Est-ce quelque chose qui est intrinsèque à la technique ou qui lui extérieur ?

technique

« position fondamentale des Temps modernes, « n'est pas technique parce qu'on y trouve des machines à vapeur, bientôt suivie du moteur à explosion.

Au contraire des choses de ce genre s'y trouvent parce que cette époque est l'époquetechnique ». On se représente traditionnellement la technique comme la mise en oeuvre de procédés pour obtenir un résultatdéterminé.

La technique est une activité humaine consistant dans la fabrication et dans l'utilisation d'instruments ou demachines répondant aux besoins de l'homme.

Selon cette façon banale de voir, les installations techniques modernesne seraient pas essentiellement différentes des installations techniques artisanales ni même des outils employés dansles anciens métiers.

Elles permettraient simplement d'obtenir avec une rapidité et une efficacité sans cesse accrues cequi demandait autrefois de longs efforts ou était même hors de portée de l'homme.

Cette représentation instrumentalede la technique est bien exacte mais elle n'est pas pour autant vraie c'est-à-dire ne nous révèle pas encore l'essencede la technique.

Elle tend en outre à nous laisser croire que la technique moderne serait quelque chose que l'hommeaurait à sa disposition et dont il pourrait se rendre maître.« Le dévoilement qui régit la technique moderne est une provocation par laquelle la nature est mise en demeure delivrer une énergie qui comme telle puisse ê extraite et accumulée ».

L'interrupteur électrique, objet technique fait venir la lumière, la dévoile, mais ce dévoilement, loin de signifier le surgissement ou le jaillissement de l'être, est unesommation à comparaître.

De la même façon, la centrale électrique met le fleuve en demeure de livrer sa pressionhydraulique, qui met elle-même en demeure les turbines de tourner qui mettent elles-mêmes le courant électrique endemeure de circuler.

L'industrie extractive met le sol en demeure de livrer le charbon qu'il recèle.

L'agriculturemoderne met la nature en demeure de produire les fruits qu'elle porte en elle.Heidegger caractérise cette essence provoquante de la technique par le terme « Das Gestell », auquel il donne une signification inédite, celle d' arraisonnement .

« Gestell : ainsi appelons nous le rassemblement de cette interpellation qui requiert l'homme, c'est-à-dire qui le provoque à dévoiler le réel comme fonds dans la mode du commettre.

Ainsiappelons- nous le dévoilement qui régit l'essence de la technique et qui n'est lui-même rien de technique ».

La technique moderne, en tant que « Gestell », ne règne pas seulement là où l'on utilise des machines, même si ces dernières jouissent « d'une situation privilégiée...

fondée sur la priorité accordée à tout ce qui est matériel, c'est-à-dire supposé élémentaire et objectif au premier chef », mais « englobe tous les secteurs de l'étant ».

La science moderne, en particulier, à travers le projet mathématique de la nature, met la nature matérielle en demeure de se montrercomme un complexe calculable de forces, et est ,de ce point de vue, régie de part en part par l'essence de latechnique.Dans l'horizon du comportement provoquant, l'homme n'a plus affaire à des objets, mais considère tout ce qui est dansune perspective utilitaire comme un fonds disponible : « Tout (l'étant dans sa totalité) prend place d'emblée dans l'horizon de l'utilité, du commandement, ou mieux encore de celle du commanditement de ce dont il faut s'emparer...Plus rien ne peut apparaître dans la neutralité objective d'un face à face.

Il n'y a plus que [...] des stocks, des réserves,des fonds . » Dans ce vaste fonds que sont la nature et le monde en général, l'homme lui-même, la plus importante des matières premières, devient un fonds dont il faut s'assurer de la disponibilité...L'exploitation de l'étant ne s'effectue pas au hasard, mais de façon méthodique, selon des plans.L'exploitation de l'étant ne s'effectue pas au hasard mais de façon méthodique, selon des plans.

La planification n'a passimplement pour objet de prévoir et de prévenir les besoins futurs de l'humanité, mais bien plutôt d'organiser, demettre en ordre ce qui est afin d'en garantir la disponibilité.

La mise en ordre de l'étant est une des composantesessentielles du processus d'exploitation de la nature, car elle est la condition de possibilité de sa réussite, c'est-à-direde son développement.Cette planification à outrance, ce dirigisme qui règne sur tous les districts de l'étant, ne veut pas dire pour autant quel'homme serait le maître ni même l'organisateur de ce processus d'exploitation planétaire.

Loin d'être entre les mainsde l'homme, la technique, en tant qu' arraisonnement , tient l'homme en son pouvoir.

: « ...

il y a longtemps que les puissances qui, en tout lieu et à toute heure, sous quelque forme d'outillage que ce soit, accaparent et pressentl'homme, le limitent et l'entraînent, il y a longtemps que ces puissances ont débordé la volonté et le contrôle del'homme, parce qu'elles ne procèdent pas de lui ».

L'homme n'est pas le sujet mais le « fonctionnaire » de la technique. Les dirigeants, les technocrates, contre l'arbitraire desquels il est devenu monnaie courante de s'indigner, ne sont eux-mêmes que les « ouvriers » requis pour mettre en sûreté la totalité de l'étant et qui ont reçu pouvoir de décision pour cela.De plus, la technique suscite elle-même les besoins qui vont lui permettre d'accroître sa domination.

Il serait illusoirede croire, en particulier, que les avancées technologiques travailleraient à l'avènement d'une vie plus heureuse surcette terre.

Cette croyance est cependant soigneusement entretenue, car elle permet de justifier la poursuite del'exploitation organisée de l'étant.Il est devenu courant, à vrai dire, de dénoncer les dangers liés aux développements de la technique et les risques queson usage incontrôlé fait peser sur l'humanité.

toutefois, ce ne sont pas les productions de la technique elles-mêmes, nimême leur utilisation qui sont dangereuses pour Heidegger , mais d'abord et avant tout l'essence de la technique elle- même, c'est-à-dire le comportement provoquant qui régit désormais le rapport de l'homme à l'étant.

La techniquemoderne, au sens de l' arraisonnement , attaque l'homme qui « à l'intérieur du sans-objet, n'est plus que le commentant du fonds » et devient lui-même un « fonds ».

Elle met l'homme en péril, non seulement parce que les moyens techniques rendent désormais possible une destruction de l'espèce humaine tout entière, mais parce qu'elle menace, demanière bien plus profonde, l'essence pensante de l'homme, c'est-à-dire son rapport à l'être.N'ayant affaire qu'à un fonds, l'homme moderne s'érige en « maître & possesseur de la nature » au point qu'il peut luisembler qu'il ne rencontre plus partout que lui-même, qu'il n'y a plus rien qui ne soit ou qui ne puisse être en sonpouvoir.

Il s'agit là en réalité de la plus grande illusion car « aujourd'hui l'homme précisément ne se rencontre plus lui- même en vérité nulle part, c'est-à-dire qu'il ne rencontre plus son être ».

l'homme, qui saisit toutes choses et lui-même du point de vue de la pensée calculante, s'en tient à l'étant sur lequel il cherche à exercer sa domination, et ne sepréoccupe plus de ce qui devrait le concerner plus que tout autre chose, c'est-à-dire de l'être lui-même.L'agression contre tout ce qui est culmine dans la tentative aujourd'hui engagée pour maîtriser la vie elle-même quidevient un produit comme un autre qu'on cherche à manipuler ou à transformer.

Cette agression contre la vie et contrel'être même de l'homme est plus inquiétante aux yeux de Heidegger que l'hypothèque d'une destruction qui pèse sur la planète, ne serait ce que parce qu'elle est généralement passée sous silence.

« Au regard de cette agression, l'explosion d'une bombe à hydrogène ne signifie pas grand-chose », car ce n'est pas seulement l'homme qu'elle menace d'anéantir mais son essence.

L'essence de la technique est le danger, mais tant que ce danger reste dans l'ombre, il n'y a aucune raison pour que ladomination de la technique cesse.

En le démasquant et en le stigmatisant, Heidegger prépare les conditions d'une libération de l'homme à l'égard de l'emprise de la technique.

Cette libération ne veut pas dire un abandon pur & simpledes choses techniques, mais une modification de notre rapport avec elles.

Au lieu d'être fascinés par elles, nouspouvons, tout en nous en servant normalement, conserver une certaine distance à leur endroit.

« Nous pouvons dire « oui » à l'emploi inévitable des objets techniques, mais en même temps « non », en ce sens nous les empêchions denous accaparer et ainsi de fausser, brouiller et finalement vider notre être ».

Cette attitude qui consiste à dire à la fois. »

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