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Tout ce qui est possible techniquement est-il pour autant légitime ?

Publié le 12/01/2004

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La question morale est par définition une question qui évalue le rapport entre des moyens et des fins. Si cette question prend ici une acuité et une actualité particulières, c'est en raison de l'évolution rapide des possibilités techniques. De fait, il est maintenant possible de manipuler des embryons. Mais du fait au droit, la conséquence peut-elle valoir ?a) Le fait à lui seul ne peut faire droit d'office ; en d'autres termes, il serait dangereux de chercher à légaliser toutes les nouvelles pratiques sous prétexte qu'elles se pratiquent. Ici, la recherche de ce qui est « légitime » est une exigence, non un simple label ; cette exigence ne peut, au risque de se discréditer, devenir flexible à l'infini. Le "possible" signifie ce qui n'est pas logiquement contradictoire n'est pas par cela même moralement irréprochable. Cet enjeu général se redouble quand l'actualité enrichit le domaine des faits: et c'est le cas pour la technique.b) Notre époque n'est pas technologique pour rien : chaque jour apporte son lot d'avancées scientifiques et d'applications techniques. Les exigences morales consistent-elles à brider tout progrès ?

« • Pour Descartes, l'homme a une âme qui lui confère la raison, mais aussi une volonté «infinie», c'est-à-dire le libre-arbitre.

Or ce libre-arbitre, qui permet à l'homme de décider souverainement une action, place l'homme en-dehors del'ordre naturel.

Grâce à sa volonté, l'homme échappe au déterminisme des lois de la nature.• Dès lors, il se pose face à la nature et non pas simplement en elle.

C'est pourquoi Descartes dit que si l'hommedéveloppe suffisamment les pouvoirs techniques que lui donne sa raison, il sera «maître et possesseur de la nature».• Avec Descartes est donc affirmée fortement l'existence d'un ordre humain, l'ordre de la culture, qui a ses loispropres qui dépendent de la volonté de l'homme.

C'est là que se développent l'agriculture et l'ensemble destechniques, la vie sociale et politique, la vie intellectuelle et artistique Dans la sixième partie du « Discours de la méthode » (1637), Descartes met au jour un projet dont nous sommes les héritiers.

Il s'agit de promouvoir une nouvelle conception de la science, de la technique et de leursrapports, apte à nous rendre « comme maître et possesseurs de la nature ».

Descartes n'inaugure pas seulement l'ère du mécanisme, mais aussi celle du machinisme, de la domination technicienne du monde. Si Descartes marque une étape essentielle dans l'histoire de la philosophie, c'est qu'il rompt de façon radicale et essentielle avec sa compréhension antérieure.

Dans le « Discours de la méthode », Descartes polémique avec la philosophie de son temps et des siècles passés : la scolastique, que l'on peut définir comme uneréappropriation chrétienne de la doctrine d' Aristote . Plus précisément, il s'agit dans notre passage de substituer « à la philosophie spéculative qu'on enseigne dans les écoles » une « philosophie pratique ».

La philosophie spéculative désigne la scolastique, qui fait prédominer la contemplation sur l'action, le voir sur l'agir.

Aristote et la tradition grecque faisaient de la science une activité libre et désintéressée, n'ayant d'autre but que de comprendre le monde, d'en admirer la beauté.

La vie active estconçue comme coupée de la vie spéculative, seule digne non seulement des hommes, mais des dieux. Descartes subvertit la tradition.

D'une part, il cherche des « connaissances qui soient fort utiles à la vie », d'autre part la science cartésienne ne contemple plus les choses de la nature, mais construit des objets de connaissance.

Avec le cartésianisme, un idéal d'action, demaîtrise s'introduit au cœur même de l'activité de connaître. La science antique & la philosophie chrétienne étaient désintéressées ; Descartes veut, lui, une « philosophie pratique ».

« Ce qui n'est pas seulement à désirer pour l'invention d'une infinité d'artifices qui feraient qu'on jouirait sans aucune peine des fruits de la terre et de toutes les commodités qui s'y trouvent, maisprincipalement aussi pour la conservation de la santé […] » La nature ne se contemple plus, elle se domine.

Elle ne chante plus les louanges de Dieu, elle est offerte à l'homme pour qu'il l'exploite et s'en rende « comme maître & possesseur ». Or, non seulement la compréhension de la science se voit transformée, mais dans un même mouvement, celle de la technique.

Si la science peut devenir pratique (et non plus seulement spéculative), c'est qu'elle peuts'appliquer dans une technique.

La technique n'est plus un art, un savoir-faire, une routine, elle devient une scienceappliquée. D'une part, il s'agit de connaître les éléments « aussi distinctement que nous connaissons les métiers de nos artisans ».

Puis « de les employer de même façon à tous les usages auxquels ils sont propres ».

Il n'est pas indifférent que l'activité artisanale devienne le modèle de la connaissance.

On connaît comme on agit ou ontransforme, et dans un même but.

La nature désenchantée n'est plus qu'un matériau offert à l'action de l'homme,dans son propre intérêt.

Connaître et fabriquer vont de pair. D'autre part, il s'agit « d'inventer une infinité d'artifices » pour jouir sans aucune peine de ce que fournit la nature.

La salut de l'homme provient de sa capacité à maîtriser et même dominer techniquement, artificiellement lanature. Ce projet d'une science intéressée, qui doive nous rendre apte à dominer et exploiter techniquement une nature désenchantée est encore le nôtre. Or la formule de Descartes est aussi précise que glacée ; il faut nous rendre « comme maître et possesseur de la nature ».

« Comme », car Dieu seul est véritablement maître & possesseur.

Cependant, l'homme est ici décrit comme un sujet qui a tous les droits sur une nature qui lui appartient (« possesseur »), et qui peut en faire ce que bon lui semble dans son propre intérêt (« maître »). Pour qu'un tel projet soit possible, il faut avoir vidé la nature de toute forme de vie qui pourrait limiter l'action de l'homme , et poser des bornes à ses désirs de domination & d'exploitation.

C'est ce qu'a fait la métaphysiquecartésienne, en établissant une différence radicale de nature entre corps & esprit.

Ce qui relève du corps n'estqu'une matière inerte, régie par les lois de la mécanique.

De même en assimilant les animaux à des machines,Descartes vide la notion de vie de tout contenu.

Précisons enfin que l'époque de Descartes est celle où Harvey découvre la circulation sanguine, où le corps commence à être désacralisé, et les tabous touchant la dissection, àtomber. Car ce qu'il y a de tout à fait remarquable dans le texte, c'est que le projet de domination technicienne de la. »

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