Qu'est-ce qu'une idée ?
Publié le 17/01/2004
Extrait du document
«
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LA NOTION D'IDEE
3e groupe de · notions
L'usage courant donne
à ce mot un sens assez vague qui apparaît dans des expressions telles que : « avoir
une
idée», «n'avoir pas la moindre idée» de ce qu'il convient de dire ou de faire, «donner à quelqu'un une
idée de
ce qu'on a soi-même éprouvé», etc ...
Efforcez-vous pourtant de l'expliciter.
Ce sera pour vous un
moyen très efficace, sinon de retrouver et de comprendre parfaitement
les significations très précises et
particulières que
les philosophes dont nous avons parlé - PLA TON, DESCARTES, HUME et KANT -ont
données chacun
à ce terme, du moins de mieux en saisir l'originalité et de mieux apercevoir la pertinence -
et
les difficultés -des conséquences philosophiques qui se rattachent à chacune d'elles dans les théories de
la connaissance des uns et des autres.
C'est depuis KANT et
par suite de la distinction tout à fait fondamentale qu'il a établie entre l'entendement
et la raison, que
l'on oppose souvent l'idée au concept.
Il ne faudrait donc pas oublier le sens et la portée
de cette opposition
si vous deviez traiter un sujet de dissertation où figure l'un de ces deux termes, non plus
que les différences capitales séparant
les conceptions empiristes et intellectualistes du concept et de l'idée.
C'est dire aussi, comme nous n'avons cessé de vous
le rappeler, que le problème philosophique le plus important
qui
se rattache à ce terme, et qui traverse d'ailleurs toute l'histoire de la philosophie, est celui de l'origine
de nos idées, de nos idées morales, politiques, religieuses, esthétiques, philosophiques et scientifiques.
Voici enfin un texte de DESCARTES qui souligne bien l'importance de cette notion.
Il est extrait de la troisième
Méditation métaphysique :
«Et certes, puisque je n'ai aucune raison de croire qu'il y ait quelque Dieu qui soit trompeur, et même que je n'aie
pas encore considéré celles qui prouvent qu'il y a un Dieu, la raison de douter qui dépend seulement de cette opinion
est bien légère, et
pour ainsi dire métaphysique.
Mais afin de la pouvoir tout à fait ôter, je dois examiner s'il y a
un Dieu, sitôt que l'occasion s'en présentera; et
si je trouve qu'il y en ait un, je dois aussi examiner s'il peut être
trompeur; car, sans la connaissance de ces deux vérités, je ne vois pas que je puisse jamais être certain d'aucune
chose.
Et afin que je puisse avoir occasion d'examiner cela sans interrompre l'ordre de méditer que je me suis proposé,
qui est de passer
par degrés des notions que je trouverai les premières en mon esprit à celles que j'y pourrai trouver
par après,
il faut ici que je divise toutes mes pensées en certains genres, et que je considère dans lesquels de ces genres
il y a proprement de la vérité ou de l'erreur.
Entre mes pensées, quelques-unes sont comme
les images des choses, et c'est à celles-là seules que convient proprement
le nom d'idée; comme lorsque je me représente une homme, ou une chimère, ou le ciel, ou un ange, ou Dieu même.
D'autres, outre cela,
ont quelques autres formes; comme lorsque je veux, que je crains, que j'affirme ou que je nie;
je conçois bien alors quelque chose comme
le sujet de l'action de mon esprit, mais j'ajoute aussi quelque autre chose
par cette action à l'idée que
j'ai de cette chose là; et de ce genre de pensées, les unes sont appelées volontés ou affections,
et
les autres jugements.
Maintenant, pour ce qui concerne
les idées, si on les considère seulement en elles-mêmes, et qu'on ne les rapporte
point à quelque autre chose, elles ne peuvent, à proprement parler, être fausses; car soit que j'imagine une chèvre
ou une chimère,
il n'est pas moins vrai que j'imagine l'une ou l'autre.
Il ne faut pas craindre aussi qu'il se puisse
rencontrer de la fausseté dans
les affections ou volontés; car, encore que je puisse désirer des choses mauvaises ou
même qui ne furent jamais, toutefois
il n'est pas pour cela moins vrai que je les désire.
Ainsi il ne reste plus que
les seuls jugements dans lesquels je dois prendre garde soigneusement de ne me point tromper.
Or la principale erreur
et la plus ordinaire qui s'y puisse rencontrer consiste en
ce que je juge que les idées qui sont en moi sont semblables
ou conformes à des choses qui sont hors de
moi; car certainement si je considérais seulement les idées comme de
certains modes ou façons de ma pensée, sans
les vouloir rapporter à quelque autre chose d'extérieur, à peine me
pourraient-elles donner occasion de faillir.
65.
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