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L'art transforme-t-il la nature ou la dévoile-t-il ?

Publié le 19/01/2004

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On considère souvent l'activité créatrice de façon caricaturale : comme puisant sa matière et son inspiration dans la nature, comprise au sens large comme l'ensemble des choses existantes, ou au contraire comme innovant et imposant au réel ses propres normes. Dans le premier cas, l'art apparaît comme une simple continuation et appropriation de la nature ; dans le second il est pur jaillissement, coupé d'un monde dont l'artiste lui-même est pourtant issu.  Une façon d'échapper à ces clichés consiste à se demander si l'art « transforme « ou « dévoile « la nature. Car s'il lui impose une autre forme, cela signifie qu'il en est issu, et s'il en met au jour l'authenticité, cela implique qu'il la mette à distance pour la révéler. Dans un cas comme dans l'autre, le rapport de l'art à la nature est nuancé. Quels sont alors leurs places et rôles respectifs dans la quête humaine de la vérité sur le plan théorique et de la « vraie « vie sur le plan pratique ? Bref, L'art transforme-t-il la nature ou la dévoile-t-il ?

« celui du sophiste puisqu'il permet de produire l'illusion du vrai, de présenter comme vrai ce qui ne l'est pas et n'en aque l'apparence en utilisant les séductions du sensible (flatterie, plaisirs des sens ...

).

Par exemple le bon peintreest celui qui est capable de représenter dans un espace à deux dimensions un objet qui, lui, occupe un espace àtrois dimensions.

Plus l'image produite par le peintre semble vraie, plus elle est en fait infidèle à son modèle tel qu'ilest.

L'exactitude de l'art repose sur la déformation du réel sensible (cf.

les règles de 1a perspective). 2) Parce que l'art n'est qu'imitation . L'imitation de quoi ? Des apparences sensibles, de la réalité telle qu'elle se manifeste à nous par l'intermédiaire denos sens.

C'est dans la juste mesure où le poète ne s'élève pas au dessus des apparences sensibles qu'il représenteles Dieux à l'image des hommes.

L'art conforte les hommes dans leur erreur première : ce qui est, est ce quiapparaît.

L'art n'est qu'illustration de l'opinion, représentation de la représentation subjective. 3) Parce que l'art n'est qu'imitation d'une imitation, un simulacre .

Dans La « République » (X 597b-598c - cf.

texte), Platon montre que le peintre est « l'auteur d'une production éloignée de la nature de trois degrés ».

En effet, il y a trois degrés de réalité. · La première, celle qui est vraiment et pleinement, est la réalité intelligible ou Idée.

Pour Platon les Idées ne sont pas des produits de notre intelligence, constitutives de cette dernière (rationalisme) ou formées aucontact de l'expérience (empirisme).

Elles existent indépendamment de notre pensée.

L'Etre est l'intelligible oumonde des Idées.

Cette thèse rend compte et de la connaissance, la réalité est intelligible, objet d'uneconnaissance, et de l'ordre du monde.

C'est parce que le monde est en lui-même intelligible que nous pouvons leconnaître. · La seconde, ensemble des êtres naturels ou artificiels, est seconde, sa réalité est moindre, dans la mesure où elle est imitation de la première.

Les êtres naturels doivent leur existence à un Démiurge qui a façonnéla matière en contemplant le monde des Idées (« Timée » ).

De même le bon artisan fabrique son objet en se réglant sur son Idée.

Ces êtres ont moins de réalité que les Idées puisqu'ils se contentent de les imiter. · La troisième, la plus éloignée de la réalité telle qu'elle est en elle-même, est celle produite par le peintre puisqu'ilimite ce qui est déjà une imitation.

Elle est donc un presque rien, n'a pas plus de réalité que notre reflet dans lemiroir.

Elle est le reflet d'une apparence.

En fait, il n'y a rien à voir. Au nom de la vérité Platon critique l'art.

Les fondements de cette critique sont: la définition de l'art comme imitation, reproduction de la réalité sensible et à la définition de la réalité sensible comme apparence, apparencetrompeuse, apparence du vrai.

Non seulement l'artiste ne produit que des apparences et en accentue la puissancetrompeuse, mais encore il nous attache à ce monde des apparences en produisant des apparences qui plaisent,excitent les sens et l'imagination.

L'art, effet du désir sensible et des passions, les accroît en retour.

L'hommeraisonnable n'y a pas sa place.

L'art, ennemi de la vérité est ennemi de la morale.

On trouve ici la premièrecondamnation morale de l'art et par suite la première justification théorique de la censure artistique dont relèveencore la condamnation des « Fleurs du mal » au milieu du XXe.

Rousseau au XVIIIe, sur ce point fort différent des philosophes des Lumières, reprendra le flambeau de cette critique.

L'art n'élève pas l'âme, bien au contraire.Apparence, il joue le jeu des apparences.

Tout d'abord parce qu'il est, dans la société bourgeoise - société de lacomparaison, du faire-valoir, de l'hypocrisie, de la compétition -, indissociable d'une mise en scène sociale.

On vaau théâtre pour exhiber sa toilette et autres signes extérieurs de richesse, pour se comparer, médire, recueillir lespotins...

Ensuite parce qu'il nous plonge dans un monde fictif où nous pouvons à bon compte nous illusionner surnous-mêmes.

Par exemple nous versons de chaudes larmes en assistant an spectacle des malheurs d'autrui etnous restons froids et impassibles lorsque nous avons l'occasion de lui porter secours.

Mais cependant nous avonspu croire à notre bonté naturelle.

Pour Platon comme pour Rousseau l'art est un divertissement qui nous divertit, nous détourne de nous mêmes. Bien que Platon ne définisse pas l'art par la beauté, il est tout de même possible de nuancer son propos, à partir de la prise en compte de sa conception de la beauté.

Si l'art n'est que simulacre, la beauté existe en elle-même, elleest une Idée et précisément une des plus belles.

Qu'est-ce qu'un beau cheval ? N'est-ce pas un cheval conforme àl'Idée du cheval ou archétype, à l'idée de ce que doit être un cheval sensible pour être pleinement un Cheval.

Uncheval est plus ou moins beau et son degré de beauté est proportionnel à sa conformité au modèle idéal ou Idée.

Est beau ce qui est ce qu'il doit être, laid ce qui ne l'est pas.

Est beau ce qui est parfait.

Comme la perfection n'estpas de ce monde, comme le cheval dans le pré ne sera jamais la copie exacte et sans défaut du modèle maistoujours une imitation imparfaite, la beauté la plus grande, réelle, est celle des Idées.

Est beau ce qui existepleinement et ce qui existe pleinement ce sont les Idées.

La beauté est la perfection ou plénitude de l'Etre.

Lalaideur est l'imperfection, l'incomplétude.

Par conséquent, lorsque le peintre et le sculpteur reproduisent un beaucheval ou un beau corps d'athlète, leur oeuvre, pâle esquisse de la beauté idéale, en est tout de même le reflet.

Lepoète inspiré est sorti de la caverne, a contemplé l'idée du Beau et peut entraîner dans son sillon ses auditeurs.Ainsi le jugement de Platon sur l'art ne peut pas être simple bien qu'il insiste davantage sur la définition de l'art comme simulacre pernicieux. 2.

Lorsque Malraux définit l'artiste comme« le rival » du monde, il ne veut pas dire que l'art doive nécessairementrejeter ce qui existe.

Il signifie que la création s'enracine dans une rupture avec le confort du « déjà-là », qu'elledoit poser ses propres valeurs pour pouvoir être définie comme telle.. »

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