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L'art est-il utile ?

Publié le 29/01/2004

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Mais alors que dans le cas de la technique celui qui produit est conscient des règles et des moyens qu'il doit mettre en place, dans le cas de l'art ces règles et ces moyens sont inconscients. On peut donc dire qu'alors que l'artisan produit grâce à une méthode, alors que l'artiste laisse libre cours à sa fantaisie créatrice. C'est pour cette raison d'ailleurs que la notion de progrès est étrangère au domaine de l'art.*Et si l'art n'a pas besoin de suivre des règles déterminées et réfléchies, c'est parce qu'en aucune manière l'art ne vise la rentabilité au l'efficacité. Ainsi Kant oppose-t-il l'art, activité gratuite, à l'artisanat, activité "mercenaire" : 'L'art se distingue de l'artisanat. Le premier est dit libéral, le second peut aussi s'appeler art mercenaire. On considère le premier comme s'il ne pouvait avoir une issue conforme à sa fin (réussir), que comme jeu, c'est-à-dire comme une activité agréable par elle-même, et le second seulement comme travail, c'est-à-dire comme une occupation en elle-même désagréable (pénible) qui ne peut avoir d'attrait que par ses effets (par exemple le gain)."Emmanuel KANT, Critique de la faculté de juger. Le jugement de goût met en effet au jour un paradoxe. D'une part on ne peut pas prouver d'une chose qu'elle est belle.
HTML clipboardUne oeuvre d'art, à savoir un ensemble organisé de signes et de matériaux mis en forme par un esprit créateur, ensemble dont la beauté nous procure une satisfaction généralement désintéressée, constitue-t-elle un moyen pour atteindre une fin, une réalité dont l'emploi est avantageux ? Si l'art vise à l'utilité, s'il procure l'utile, n'est-ce pas parce qu'il répond à une fonction précise ? L'oeuvre d'art ne se distingue-t-elle pas de la technique ? Vise-t-elle donc essentiellement l'adapté et le fonctionnel ? Comment une satisfaction désintéressée peut-elle être en liaison avec l'utile ? Le problème essentiel est le suivant : faut-il rapprocher l'oeuvre d'art et les produits de la technique, dont l'essence est utilitaire, puisqu'elle désigne une application de connaissances à la production de biens matériels ?
Quels seraient les critères valables pour juger de l'utilité ou non de l'oeuvre d'art ? L'art ne doit-il être jugé que pour son utilité ? Le peut-il ? Doit-il avoir une utilité, ou doit-il justement ne pas en avoir pour être art ? Ne pourrait-on pas montrer que l'utilité de l'art, ce serait paradoxalement de ne pas en avoir et le soustraire ainsi à cette catégorie qui détermine tant de choses de notre existence, entravant souvent la liberté, pour pouvoir considérer l'art comme un plaisir purement esthétique, sans temps et sans loi ? Qu'entend-on par utilité : s'interroge- t-on sur l'art comme moyen, ou comme engagement (Sartre, Qu'est-ce que la littérature) ? L'art peut-il seulement être pris comme support de connaissance, de culture, de socialisation (Bourdieu, La Distinction) ? Selon Kant (Critique de la faculté de juger), l'oeuvre d'art exprime une finalité sans fin. L'utilité de l'art n'est-elle pas de proposer un univers qui ne corresponde pas à la réalité et qui permette un libre jeu des facultés ?


« 'L'art se distingue de l'artisanat.

Le premier est dit libéral, le second peut aussi s'appeler art mercenaire.

Onconsidère le premier comme s'il ne pouvait avoir une issue conforme à sa fin (réussir), que comme jeu, c'est-à-direcomme une activité agréable par elle-même, et le second seulement comme travail, c'est-à-dire comme uneoccupation en elle-même désagréable (pénible) qui ne peut avoir d'attrait que par ses effets (par exemple le gain)."Emmanuel KANT, Critique de la faculté de juger. Le jugement de goût met en effet au jour un paradoxe.

D'une part on ne peut pas prouver d'une chose qu'elle estbelle.

La beauté n'est pas conceptuelle: elle ne se prouve pas mais s'éprouve.

Il faut toujours voir (ou entendre,etc.) ce sur quoi nous avons à prononcer un jugement pour pouvoir le faire.

Mais d'autre part le jugementesthétique prétend valoir pour tous, exige l'adhésion des autres.

Bref, il a les prétentions d'un jugement deconnaissance (qui se prouve et procède par concept), alors qu'il n'est qu'un jugement particulier, prononcé par unindividu.Or, que manifeste en fait la beauté, qui s'adresse en moi aussi bien à l'intelligence qu'à la sensibilité ? Elle est, pourKant, le sentiment d'un accord en nous entre les deux facultés requises pour toute connaissance: l'imagination etl'entendement.

La beauté vient de ce que j'éprouve en moi l'accord libre, non contraint de l'entendement et del'imagination.

Or cet accord, cette harmonie entre mes facultés de connaissance est une condition préalable à touteconnaissance déterminée; il faut qu'il puisse y avoir accord entre ces deux facultés, qu'elles soient commensurablesentre elles, pour ainsi dire « directement », pour qu'une connaissance déterminée soit possible.

Il faut que lesconditions de la connaissance soient réalisées dans le sujet pour que la connaissance d'un objet soit possible.

Orc'est la beauté qui est signe de cet accord libre et subjectif de nos facultés:« Sans cet accord en tant que condition subjective de l'acte de connaître, la connaissance considérée en tantqu'effet ne saurait se produire.

»Or cet accord doit exister en tout être humain, sinon nous ne pourrions jamais rien communiquer.« Ce plaisir doit nécessairement en chacun reposer sur les mêmes conditions, parce qu'elles sont les conditionssubjectives d'une connaissance en général, et la proportion de ces facultés de connaître, qui est exigée pour legoût, l'est aussi pour l'entendement commun et sain.

»Kant indique qu'il existe trois maximes du sens commun: « Penser par soi-même; .penser en se mettant à la place detout autre ;.

toujours penser en accord avec soi-même.

»La seconde maxime est celle d'une pensée élargie, qui confronte son point de vue particulier et unilatéral à lapensée des autres.

Or, poursuit l'auteur:«Je dis que l'on pourrait donner avec plus de raison le nom de sensus commuais au goût qu'au bon sens, et que lafaculté de juger esthétique, plutôt que celle qui est intellectuelle, mériterait le nom de sens commun à tous.

»Ce qui nous rattache aux autres hommes, qui nous présente comme membre d'une communauté, éclaire lesconditions ultimes de la connaissance et de la communication, se dévoile finalement dans l'expérience esthétique:juger par soi-même, mais au nom de tous, s'élever au-dessus de son jugement propre.Kant situe l'expérience de la beauté au coeur du sujet ; la beauté ne relève pas de la perfection de l'objet, de sonutilité, etc.

La beauté est le résultat d'un accord, d'une libre harmonie, en chacun, de l'imagination et del'entendement.

Elle est le produit du libre jeu des facultés de connaissance.

En mettant en évidence la particularitédu plaisir esthétique face à la satisfaction sensible ou morale, en analysant le paradoxe du jugement de goût quiprétend valoir pour tous en restant singulier, Kant indique que «le beau n'a de valeur que pour l'homme».L'expérience esthétique ne s'adresse qu'à l'homme, mais à l'homme dans sa totalité, c'est-à-dire comme membred'une communauté.Les lectures modernes de Kant prennent de façon privilégiée pour objet la « Critique de la faculté de juger », caroutre son intérêt majeur pour le Kantisme lui-même, elle met à jour la possibilité de penser à la fois par soi-même età ses propres risques, et au nom de tous, en se mettant pour ainsi dire à la place d'autrui.

Or ce schéma peut êtreélargi d'une pensée esthétique à une pensée politique.Ce que l'on doit retenir avant tout des analyses kantiennes, c'est le refus de réduire la beauté à l'agréable, commele fait si souvent notre époque, qui sombre ainsi dans le relativisme artistique le plus plat. *L'activité artistique est gratuite en effet par qu'elle ne cherche pas le profit et n'est pas rétribuée par un salaire.L'artiste crée parce qu'il en ressent le besoin comme un nécessité interne.

En lui s'unissent le savoir-faire,l'inventivité et la singularité.

Il n'est contraint par rien, puisqu'il ne vise rien, et surtout pas l'utilité.En effet, alors que l'artisan doit produire un objet qui remplisse sa fonction (qui serve à quelque chose), l'artiste estdégagé de tels impératifs. L'oeuvre d'art n'est-elle alors que la production narcissique d'un parasite de la société? L'oeuvre d'art n'a-t-elle devaleur que pour l'artiste? Dépourvue de toute utilité matérielle, l'oeuvre d'art n'a-t-elle rien à nous offrir? II- L'oeuvre d'art comme besoin de l'esprit *On se souvient par exemple du conflit qui au XIXème siècle, opposa l'artiste, " maudit ", à la bourgeoisie : l'artisteest alors considéré comme un paria parce qu'il refuse les valeurs de la classe dominante de la société industriellemoderne, qui symbolise l'utilitarisme et le prosaïsme.

La bourgeoisie est en effet absolument étrangère à l'art par sonsouci d'efficacité technique, de rationalité scientifique, et par son attachement exclusif au profit.De nos jours la situation est à peu de choses près identique, parce que l'art apparaît peu sérieux à côté despréoccupations quotidiennes des gens, et en même temps réservé à une élite.*Pourtant l'oeuvre d'art s'adresse à tous parce que l'homme n'est pas qu'un être de besoins vitaux, mais pas nonplus un être uniquement voué au travail et à l'efficacité.

L'homme s'épanouit aussi dans le loisir et a des besoins de. »

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