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Faut-il souhaiter l'inconscience ?

Publié le 01/02/2004

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Vivre avec la conscience du passé, c'est vivre dans la conscience du devenir, de ce constant écoulement de la réalité, de ce règne de l'Autre et du non-être. Aussi « un homme qui serait incapable de rien oublier et qui serait condamné à ne voir partoutqu'un devenir, celui-là ne croirait plus en soi, il verrait tout se dissoudre en une infinité de points mouvants et finirait par se perdre dans ce torrent du devenir » (ibid.). Le passé apparaît en outre à l'homme comme le règne de l'irréversible et de l'irrémédiable. L'instant présent, ouvert sur l'avenir, est le lieu du possible où l'homme peut exercer son vouloir-vivre, sa « volonté de puissance ». Le passé, au contraire, métamorphose et fige la contingence du présent en la nécessité du « cela a été ». Dès lors, la volonté ne peut que se briser sur cette pétrification du passé qui se donne comme le contre-vouloir de cette volonté : « Le vouloir ne peut rien sur ce qui est derrière lui. Ne pouvoir détruire le temps, ni l'avidité dévorante du temps, telle est la détresse du vouloir » (Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, II, De la rédemption). C'est pourquoi l'homme « s'arc-boute contre le poids de plus en plus lourd du passé qui l'écrase ou le dévie, qui alourdit sa démarche comme un invisible fardeau de ténèbres » (Considérations intempestives, loc. cit.

« Ainsi, selon Bergson, la conscience étant mémoire, notre passé nous accompagne intégralement et « se penche surle présent ».

Dans ces conditions, le problème n'est plus d'expliquer la conservation du passé, mais au contraired'expliquer l'oubli.

Car si la conscience est mémoire, si le passé se conserve automatiquement en nous, pourquoin'avons-nous pas toujours conscience de ce dernier, pourquoi l'oublions-nous? C'est que l'oubli est en fait unecondition de l'action.

Car si l'homme avait constamment présent tout son passé, il se perdrait dans une rêverie sansfin et sans prise sur le réel.

C'est à l'attention que revient ce rôle de choisir dans les souvenirs.

L'oubli ne se réduitpas à une déficience de la mémoire, mais il existe un oubli qui est une sélection des souvenirs au service de l'action.Cependant, nous pouvons nous demander si la fonction de l'oubli se limite à favoriser l'action, ou si l'oubli n'est pasune fonction vitale, dont dépend le bonheur même de l'homme. L'oubli : perte ou libération ? Nietzsche s'oppose à Platon, pour qui l'oubli signifie déchéance et ignorance.

Dans l'allégorie de la caverne, lesprisonniers sont frappés d'amnésie : parce qu'ils ont oublié la vérité, ils n'ont conscience que de leur expérienceimmédiate, et ignorent qu'ils prennent des apparences pour la réalité.

Le salut réside donc dans la mémoire, ouplutôt dans la réminiscence par l'âme des vérités qu'elle a oubliées au cours de ses incarnations. 1.

La recherche des essences : la réminiscence Socrate montre par l'exemple la nécessité de faire l'hypothèse de la réminiscence.

En interrogeant l'esclave deMénon sur un problème de géométrie, celui-ci finit par trouver la solution alors qu'il semblait l'ignorer : c'est qu'il lasavait depuis toujours mais ne s'en était pas aperçu.

La réminiscence n'est pas un souvenir ordinaire comme lesouvenir d'un événement dans le temps, mais le souvenir d'une autre existence, celle que l'âme menait lorsqu'ellepouvait contempler les essences.

La réminiscence est le souvenir des essences. 2.

Sensible et intelligible Pour Platon, est sensible ce que l'on peut saisir par les sens, intelligible ce que l'on saisit par l'esprit ou l'intelligence,ce que l'on comprend.

Ainsi, la croyance est déterminée par des objets sensibles, alors que la science a pourprincipe des réalités intelligibles.La réalité sensible est celle des objets qui nous entourent.

Soumise aux contradictions, celle du temps notamment,dans lequel chaque chose devient une autre, elle s'oppose à la réalité des essences, ou Idées, dans laquelle chaquechose est ce qu'elle est de toute éternité.SOCRATE: Chez l'homme qui ne sait pas, il y a donc des opinions vraies au sujet des choses qu'il ignore, opinions quiportent sur les choses que cet homme en fait ignore?MÉNON : Apparemment.SOCRATE: Et maintenant en tout cas, ce sont bien ces opinions-là qui ont été, à la manière d'un rêve, suscitées enlui; puis, s'il arrive qu'on l'interroge à plusieurs reprises sur les mêmes sujets, et de plusieurs façons, tu peux êtrecertain qu'il finira par avoir sur ces sujets-là une connaissance aussi exacte que personne.MÉNON: C'est vraisemblable.SOCRATE : En ce cas, sans que personne ne lui ait donné d'enseignement, mais parce qu'on l'a interrogé, il enarrivera à connaître, ayant recouvré lui-même la connaissance en la tirant de son propre fonds. Dans le Ménon de Platon, Socrate démontre que les hommes ont en eux des connaissances sans le savoir, même sicela paraît paradoxal.

En effet, questionnant un jeune garçon qui n'a reçu aucune éducation en mathématiques,Socrate fait résoudre à celui-ci le problème suivant: comment construire un carré dont la surface soit le double d'unautre carré? Le jeune garçon parvient à la solution sans que Socrate lui ait rien «soufflé», seulement guidé par lesquestions de Socrate.Conclusion: les vérités mathématiques ont été «vues» par l'âme avant la naissance, et elles sont en nous.

Ce nesont pas des inventions ou des opinions arbitraires, mais des vérités éternelles qu'il est possible de se remémorer sil'on est correctement aiguillé, et même aiguillonné. Le questionnement du jeune garçon par Socrate est l'exemple-type de ce que Socrate appelle la «maïeutique», ouart de faire accoucher les âmes des vérités qu'elles portent en elle.

Car la réminiscence, ou souvenir de la vérité, nevient pas spontanément ou par hasard.

Elle vient sous la stimulation d'un autre, celui qui vous «titille» (comme untaon sur un cheval, dit Socrate) et sait vous poser les bonnes questions.

Dans le «mythe de la caverne» de lamême manière, l'homme enchaîné depuis son enfance ne se libère pas tout seul, mais il faut le libérer et le traînerdehors, malgré lui.

Ce que dit Platon, c'est que l'accès à la vérité - et à la connaissance la plus haute, celle de l'idéedu Bien - ne peut se faire que par la médiation d'autrui.

C'est une relation de désir, une érotique de la connaissancequi fait passer de l'amour des corps à l'amour des Idées, puis à l'amour de l'idée la plus haute, le Bien.

Dans cetterelation spécifique, autrui n'est pas une fin, puisque ce qui est visé, c'est l'idée du Bien; mais il n'est pas non plus unmoyen pour moi, puisqu'il ne s'agit pas de l'utiliser pour un but qui serait simplement mon intérêt propre.

Autrui estdonc ici une médiation vers un dépassement de moi-même dans la connaissance du Bien.

C'est ce que l'on appellel'«amour platonique».L'oubli, condition d'une vie heureuse. S'absorber dans le présent.. »

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