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Des cultures différentes font-elles des humanités différentes ?

Publié le 04/02/2004

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Le problème de l'acceptation du port du foulard à l'école pour les jeunes filles musulmanes est un des phénomènes qui nous permettent de réfléchir sur les problèmes de culture. Le foulard, en tant qu'il est l'expression d'une culture et d'une idéologie, est-il le signe d'une différence fondamentale qui se manifesterait ainsi ? Ce qui est en jeu ici est de comprendre en quoi les marques de nos différences, reflets de perceptions divergentes ou complémentaires, font de nous des êtres distincts, uniques et singuliers, appartenant à des groupes d'appartenance qui se distinguent les uns des autres. Des cultures différentes font-elles des humanités différentes ? Nos perceptions singulières du monde, fruits d'une instruction et d'une éducation particulières, font-elles de chacun d'entre nous des êtres irrémédiablement différents ? Pour répondre au mieux à cette question, nous analyserons ce qu'est une culture : comment elle prend naissance en se séparant d'un état pensé naturel et comment elle peut ne pas être universelle mais, au contraire, plurielle, se diversifier et engendrer la différence. Mais l'homme est-il réductible à ces différences ? N'existe-t-il pas à un point commun à tous les hommes, un point commun unificateur.

L'histoire des rapports entre cultures différentes a été complexe, et pas toujours très pacifique. La notion même de « culture «, au sens qu'elle a désormais, s'est imposée, significativement, en se substituant à l'idée de « civilisation «, qui paraît en effet plus facilement exclusive. Mais admettre que les cultures élaborées par les hommes manifestent des différences incontestables ne risque-t-il pas d'inviter à concevoir des humanités à leur tour différentes, et donc d'introduire entre ces dernières une sorte de hiérarchie ? Pour penser que l'humanité est unifiée, alors qu'elle ne se réalise que dans des cultures différentes, sans doute est-il nécessaire de repérer, en deçà même des différences culturelles, quelques « qualités « ou potentialités communes à toute l'humanité.

« [III.

L'unité de l'humanité] On doit alors reconnaître que, à travers leur diversité, les cultures affirment toutes la même chose : la négation del'ordre naturel, le fait que l'homme, où qu'il vive, ne peut se contenter d'admettre que les lois de la naturedéterminent intégralement son existence.

C'est, en fait, un premier signe de l'unité de l'humanité : lorsqu'elleapparaît, et quel que soit le lieu de cette apparition et l'évolution qui s'affirmera ensuite, elle instaure une distancedéfinitive relativement à la nature.

De ce point de vue très radical, on ne saurait affirmer l'existence d'humanitésdifférentes : il n'existe qu'une humanité, et c'est par l'invention culturelle qu'elle s'affirme.Toutefois, on peut se demander si les élaborations culturelles ne finissent pas par produire des humanités quiperdent leur communauté d'origine pour se réaliser selon des versions divergentes.

L'écart entre les valeursprivilégiées selon les cultures, les contradictions éventuelles entre les croyances religieuses, les rythmes variablesd'évolution des sociétés, ne pourraient-ils aboutir à des humanités devenues différentes en dépit de leur unitéoriginelle ? Ce qui inviterait à répondre positivement à cette question pourrait trouver quelque renfort, dans lemonde contemporain, non seulement dans les différences de mentalités que l'on observe aisément (et qui setraduisent si vite dans l'opinion, sur le mode du : « Ils ne sont vraiment pas comme nous »), mais encore dans lescontradictions idéologiques qui déchirent l'humanité.Pour répondre à cette question, on fera valoir que toutes les cultures présentent quelques caractères communs, etque ces derniers suffisent pour repérer un « genre » humain qui demeure, malgré son éparpillement apparent,universel.

Ces caractères communs peuvent se déduire des travaux ethnologiques, mais aussi d'une réflexionphilosophique entamée au moins depuis Hegel et qui aboutit à la pensée, sur ce point, de Georges Bataille.

Onconstate ainsi que l'humanité, dans toutes ses cultures, s'éloigne de la nature par la prohibition de l'inceste (Lévi-Strauss y voit la seule règle culturelle équivalant à une loi de la nature), par la crainte de la mort (qui se manifestepar les traitements extrêmement variés que l'on réserve au cadavre humain) et par le travail (qui transforme le milieuen même temps que l'homme lui-même).

À quoi on peut ajouter la pratique du don et du contre-don, la recherche desituations globalement équilibrées, et l'universalité de l'échange (que ce soit celui des biens, des épouses ou desmessages).

Au-delà, on pourra faire valoir que, dans toutes ses manifestations, l'humanité est la seule espècevivante qui définisse précisément ses propres règles de conduite, et qu'elle définit en conséquence des valeurs –quelle que puisse être la variété locale ou culturelle de ces dernières. [Conclusion] Une fois admise et reconnue, la diversité des cultures ne doit pas servir de prétexte à séparer l'humanité enpopulations hétérogènes.

L'universalité de certains phénomènes culturels enseigne au contraire l'universalité del'humain lui-même.

Un problème peut alors être de savoir si toutes les élaborations culturelles doivent donc êtrerespectées en tant que telles : de l'ethnocentrisme hiérarchisant à tort, ne risque-t-on pas de tomber dans unrelativisme culturel s'interdisant de juger les valeurs de l'autre, parce que leur origine culturelle les justifierait ?. »

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