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Que penser de la formule: "vaincre ses désirs plutôt que l'ordre du monde" ?

Publié le 10/02/2004

Extrait du document

3. La nature des matériaux, celle du problème posé conduisent à un plan par approfondissement des concepts. Leur analyse mène d'abord à une liberté indifférente face au désir.Une deuxième étape d'analyse, qui souligne le mérite de cette conception, permet de faire surgir la notion de liberté de l'esprit face au monde.Une troisième étape d'analyse du terme désir vous conduira à découvrir son sens dynamique et à critiquer la formule.4. La discussion est bien entendu basée sur la réflexion sémantique appuyée sur les théories philosophiques du désir.Bibliographie. Lisez :* DESCARTES, Discours de la Méthode, IIIe partie (diverses éditions de poche).* Les Stoïciens (Textes choisis/PUF).

« bornée.

Le problème est donc de comprendre le sens de l'expression de manière à en dégager une vision positive dela liberté, au-delà du simple conformisme ou de la résignation. 1.

Signification philosophique de la formule « vaincre ses désirs plutôt que l'ordre du monde » Qu'est-ce que le désir? C'est une poussée qui me jette vers un objet présumé agréable.

Nous en faisons l'expériencequotidienne : désir de réussir, désir d'être riche, etc.

Le désir est une tension vers ce qui m'apparaît comme un bienfutur, vers ce qui me semble être convenable.Or, ce qui nous frappe dans la dynamique du désir, c'est son illimitation : le désir tend à toujours se déployer en unincessant mouvement.

Jamais ne cesse pour nous la ronde infernale du désir.

Il y a en lui un aspect déraisonnable,contraire aux limites inhérentes à la raison, ce que remarquèrent les stoïciens, qui virent en lui un « mouvementdéraisonnable » vers l'objet, une quête où je risque de perdre le contrôle et la maîtrise de moi-même.

Dès lors, il vas'agir de « vaincre le désir », c'est-à-dire de le dompter, de le maîtriser, de stopper son flux incessant.

Mais quepeut bien signifier « vaincre ses désirs » ?Je puis les vaincre par un mouvement de ma volonté.

Mais ceci n'est pas tout à fait conforme à l'optique stoïcienne,quelle que soit la légende d'une volonté stoïcienne toute-puissante.

Vaincre ses désirs, c'est, bien davantage, lessaisir en tant que modes de ma pensée, en tant que représentations et, ainsi, les « dissoudre ».

C'est formuler unjugement ferme sur chacun de nos désirs, c'est user correctement de nos pensées, donner à bon escient notreassentiment et rectifier nos représentations.

En somme, vaincre ses désirs, c'est, par un acte de jugement, ramenerleur objet à une inessentialité fondamentale et s'en détacher en leur faisant perdre leur prestige.

Ne subsiste plusalors qu'une liberté indifférente face à un désir pulvérisé par l'entendement.Mais pourquoi vaincre ses désirs plutôt que l'ordre du monde? Ce dernier est privilégié, fondamental, essentiel,intangible.

Il désigne, dans l'optique de la formule proposée, la régularité et la constance des phénomèness'enchaînant les uns avec les autres, l'unité profonde du cosmos où tout se lie et se relie, de manière absolue.Cet ordre naturel, cette liaison des choses, nous ne devons pas, s'il faut en croire la formule, tenter de les vaincreet de les dominer, car ils sont immuables et indépendants de nous.

Aussi le sage acceptera-t-il cette régularitéinéluctable des phénomènes et s'y associera-t-il.

L'ordre divin dépasse infiniment l'homme et nul ne le peut changer.Les choses externes ne dépendent pas de l'homme.Par contre, nos représentations dépendent de nous et, par conséquent, nos désirs sont en notre pouvoir.

Si l'ordreextérieur nous échappe, nous pouvons nous rendre indifférents à l'égard de nos désirs, nous rendre étrangers à euxet ainsi les dominer.

La liberté du sage consistera en une indifférence totale vis-à-vis des désirs ainsi maîtrisés.

Dèslors, le sens de la formule s'éclaire : vaincre ses désirs plutôt que l'ordre du monde, c'est frapper d'indifférence tousles désirs, puisque l'ordre des choses en lui-même s'avère hors de nos prises.

Seuls nos désirs et représentationsnous appartiennent.

D'où les mots célèbres d'Épictète : de toutes les choses du monde, les unes dépendent denous, les autres n'en dépendent pas.

Celles qui en dépendent sont nos opinions, nos mouvements, nos désirs.

Cellesqui ne dépendent pas de nous sont les corps, les biens, les réputations. 2.

Mérites de cette conception Le problème posé initialement était le suivant : peut-on dégager de cette formule une vision positive de la liberté,au-delà de tout idéal de résignation ? Remarquons que le terme de résignation convient fort mal à la formule, dont ildéforme le sens.

En effet, se résigner consiste à accepter un fait qui aurait pu ne pas être, un phénomène, parconséquent, contingent.

La résignation repose tout entière sur la soumission au possible finalement advenu.

Dans lamesure où elle s'avère inséparable de l'« ambiguïté des possibles », elle est rigoureusement exclue du champ deréflexion stoïcien, où précisément l'ordre nécessaire du monde s'impose à l'esprit.

Il n'y a nulle résignation en tantque telle dans l'idéal proposé.

Une conception beaucoup plus originale et positive de la liberté s'y construit, commeliberté d'ataraxie et d'indifférence.

Il s'agit, en somme, de « pulvériser » toutes nos représentations et tous nosdésirs pour nous en rendre maîtres.Cet idéal moral, étranger à tout sentiment de résignation, aboutit incontestablement à un repli sur elle-même de lapensée, très caractéristique de cette conception de la liberté.

La liberté est ici liberté de la pure pensée enferméeen elle-même et en ses déterminations : c'est la liberté de la conscience de soi, indépendante des vicissitudes desévénements, maîtresse de soi et des choses, dans la mesure où elle a renoncé à toute préférence pour telle ou telleréalité extérieure.

Dans l'indifférence absolue de la conscience de soi, tous les objets désormais s'équivalent.

Laconscience n'est plus séparée d'elle-même, mais elle se retrouve, au contraire, impassible, unifiée, toute-puissanteface aux déterminations sensibles.

Désormais toutes les déterminations deviennent homogènes par rapport aucogito, au sujet pensant.

Nous avons affaire ici à un idéal grandiose d«< imperturbabilité ».

Imperturbabilité devantla souffrance morale, la douleur, la mort.

Épictète, dit-on, illustra dans sa vie cette ataraxie.. »

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