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Peut-on ne pas être soi-même ?

Publié le 13/02/2004

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7. La question proposée ne se poserait pas si l'homme était un être «brut«, sans conscience. Définissez le rôle que joue la conscience dans l'appréhension et surtout la construction de soi. Éléments pour une problématique

8. Dénoncez l'illusion de celui qui croit qu'on peut être soi-même sans aucun effort: d'où vient une telle illusion? Dans cette perspective, analysez le rôle de la volonté dans la construction de soi.

9. De nombreux obstacles empêchent d'être soi-même. Disposons-nous toujours de pouvoirs efficaces pour lutter contre ces obstacles? Les stoïciens, par exemple, préconisent de se soumettre à «ce qui ne dépend pas de nous«.

— « Ne pas être soi-même « = être autre que soi. Ce qui implique une définition préalable de ce que doit être un sujet, dans son être propre. Une telle définition, qui sous-entend le recours à des normes, est-elle possible ? — L'« identité « d'un individu n'a-t-elle pas d'autre source que lui-même ? — « Peut-on « invite à s'interroger sur la possibilité ou l'impossibilité : est-il impossible de ne pas être soi-même ? Mais est-il également possible (à titre exceptionnel, ou nécessairement — et, dans ce second cas, peut-on ? = doit-on ?) de ne pas être soi-même ? — Quels sont les principaux penseurs qui auraient montré, soit que l'on ne peut pas être autre que soi, soit au contraire que l'on est nécessairement autre que soi ?

« inconsciemment on adopte la même démarche lorsqu'il s'agit de comprendre une personne, sans prendre garde quela différence essentielle entre une chose et une personne pourrait être justement que celle-ci n'a pas de nature,qu'il n'y a donc rien à découvrir, aucun dernier mot qui puisse définir une personnalité.

C'est pourquoi juger autrui defaçon catégorique, en accolant simplement un qualificatif à son nom, est toujours trop sommaire, voire un peustupide. [Introduction] Lorsque Rimbaud écrit : « Je est un autre », il constate que le prétendu moi est (au moins) double : je suis moi-même et autre que moi-même.

S'agit-il là d'une affirmation simplement « poétique », sans réalité dans la vie dechacun, ou faut-il au contraire admettre qu'elle constitue un véritable constat, concernant chacun d'entre nous ?Peut-on, et de façon très normale sinon ordinaire, ne pas être soi-même ? Faut-il même aller jusqu'à considérer qu'ily a là beaucoup plus qu'une possibilité : une nécessité véritable pour l'être humain ? [I.

Les formes sociales de l'aliénation] « Ne pas être soi-même » : cette expression, par sa forme négative, semble d'abord désigner ce que l'on nommesouvent « aliénation ».

En n'étant pas moi-même, je me trouve sous la domination d'un autre, ou d'autre chose, jedeviens autre que ce que je « devrais » authentiquement être.

Mais le concept d'aliénation est complexe, ilprésente des significations différentes selon les contextes dans lesquels on l'utilise. Rousseau, par exemple, a souligné combien l'existence dans la société de sonépoque est aliénante pour l'homme.

Son point de vue est alors cri-tique ounégatif : pour l'homme « social », l'apparence se substitue à l'être.

Je nebénéficie que d'un être en quelque sorte fictif, puisque je vis toujours « horsde moi », dans mes biens, ma réputation, ou le regard des autres et la façondont j'attends qu'ils me considèrent.

Une telle situation, métaphysiquementou ontologiquement désastreuse, résulte d'une histoire mal orientée.

Ce n'est pasla société en soi qui m'aliène, c'est la société mal organisée : Rousseauaffirme, d'un point de vue complémentaire, que les relations originelles avecautrui (celles qui auraient existé pour l'homme « naturel ») ont été positives,constituées de collaboration efficace, de travail équilibré et de propriétélégitime.

Dans ces conditions si l'on veut édeniques, l'homme était bien lui-même, son être et son apparence coïncidaient, et une telle absence d'écartsignifiait une harmonie, tant morale que sociale, assurant le bonheur.À partir de ces thèmes, dont Rousseau affirme lui-même qu'ils constituent unehistoire seulement hypothétique, mais suffisante pour comprendre l'hommemoderne, la philosophie a produit ensuite de nombreuses variantes, dont lesorientations sont diverses.

Marx évoque ainsi l'aliénation dans et par letravail, pour insister sur la déshumanisation qu'y subit le travailleur industriel,qui ne se récupère comme être humain que dans ses rares moments de loisir. Mais surtout, en substituant une conscience de classe à ce que l'on nommait classiquement conscience individuelle,Marx suggère que, si je suis « moi-même », c'est en étant simultanément autre chose que moi, dans la mesure où jetraduis, dans les formes et contenus de « ma » conscience, une appartenance sociale : ce que « je » suis, la façond'être que je m'attribue, est loin de m'appartenir en propre ou exclusivement ; on n'est ainsi soi-même qu'en étantaussi de l'autre, qu'en participant à une classe de référence qui définit ses membres bien davantage qu'ils ne ladéfinissent.Ultérieurement, la mise en cause de l'importance excessive que l'homme peut attribuer à sa production ou à sesbiens aboutit, chez un Gabriel Marcel, à une importante distinction entre l'être et l'avoir.

Tant que je me préoccupeen priorité de mon avoir, je perds mon être, et tombe dans l'inauthenticité.Si l'inauthenticité est un thème important dans l'existentialisme français, c'est aussi parce que Sartre y voit laconséquence des dissimulations du pour-soi, de sa chosification, soit par les autres, soit en fonction de ce qu'ilsattendent.

Comme le garçon de café qui joue au garçon de café, on emprunte un rôle de convention, on n'est plussoi-même, ou du moins ce que l'on devrait être (un pour-soi libre et indéterminé), parce qu'on accepte —momentanément ou non — de renoncer à assumer sa liberté pour se plier à des normes que l'on ne choisit pas.

Dansde telles situations, l'autre m'aliène, et il faut admettre que cette aliénation est fréquente — sinon constante —pour tout un chacun, puisque la société définit des rôles, des emplois, des fonctions dans lesquels s'efface lapossibilité des choix individuels. [II.

L'aliénation du sujet psychologique] Ne pas être soi-même, c'est être « hors de soi », mais dans un sens éventuellement plus simple que chez Rousseau: c'est ce qui transparaît dans la colère, dans la passion ; le sujet, affirme-t-on, ne se maîtrise plus, il se méconnaîtou on ne le reconnaît plus — c'est donc bien qu'il est devenu autre.

D'où les critiques classiques de la passion et lestentatives pour en freiner les déferlements supposés dangereux ; d'où, aussi bien, le fait que l'on y a trouvé, etmême d'un point de vue juridique, une « circonstance atténuante » confirmant l'éclipse de la volonté propre.La passion semble produire une séparation entre le sujet qui en est « victime » et ce qui devrait le caractériser : laraison.

De ce point de vue, la passion est toujours plus ou moins une « folie douce » ou passagère.

Et la folie. »

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