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La critique du témoignage, en histoire et en justice

Publié le 18/02/2004

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histoire

HISTOIRE

Gén. Terme équivoque qui désigne à la fois le récit du passé humain, et la réalité historique elle-même, le cours des événements. En ce dernier sens, l'histoire se distingue de la simple évolution car elle suppose plus qu'un changement. Un arbre, par ex., peut croître ou un papillon se métamorphoser, mais ils n'ont pas d'histoire dans la mesure où l'histoire suppose la conscience d'un changement et la possibilité, pour celui qui change, de se représenter la finalité de son évolution en faisant du présent le sens du passé et du futur le sens du présent. Quant au récit, il cesse d'être légendaire pour devenir scientifique dès lors qu'il veut expliquer et non plus simplement raconter en se contentant de recueillir des anecdotes pittoresques. Phi. Les philosophies de l'Histoire posent la question du but poursuivi par les hommes dans l'Histoire, et postulent en même temps que l'Histoire des hommes est celle de leur liberté. Or, si la connaissance du but permet en retour de comprendre la cohérence du processus historique, il semble bien difficile de concilier le double postulat de la rationalité historique et du développement de la liberté. Telle est l'aporie sur laquelle achoppe toute philosophie de l'Histoire. En effet, s'il est possible de dégager par avance une cohérence historique, alors tout se passe comme si l'Histoire était déjà faite, de sorte que l'idée même de liberté humaine se trouve niée. A l'inverse, si l'on suppose que les hommes sont libres, alors il est impossible de saisir le sens d'une Histoire que les hommes font « sans savoir l'histoire qu'ils font » (R. Aron).

JUSTICE (lat. justifia, conformité au droit; sentiment d'équité)

Gén. Terme qui connaît maintes acceptions : il faut en effet d'abord distinguer la justice comme institution de fait (droit positif) de la justice en tant que conformité au droit naturel ou rationnel. La justice institution peut régir de façon injuste une société donnée : ce qui est légal n'est pas forcément légitime. Or, la justice peut encore se définir comme équité, c.-à-d. non plus simplement comme conformité au droit, mais comme juste application de la règle générale au cas particulier : elle est alors la vertu même de celui qui juge. Dr. L'institution judiciaire, composée des institutions publiques (tribunaux, ...) et des individu dont la fonction sociale est d'appliquer le droit positif. Mor. Si le droit positif peut être injuste, il faut distinguer légalité et légitimité ".La justice se définit alors plutôt comme respectueuse et garante de la dignité humaine. moralité. Phi. Aristote définit la justice comme cette vertu civique ou « disposition à accomplir des actions qui produisent et conservent le bonheur pour une communauté politique ». Or, la perfection de la justice est alors l'équité qui se soucie plus de l'esprit de la loi que de sa lettre. La vraie justice peut ainsi modifier la règle générale pour y substituer un décret. Elle est donc corrective en son essence. Voir: justice distributive.

histoire

« SUPPLEMENTLe travail de l'historien consiste, à partir de témoignages d'un c ertain passé, à proposer une certaine vers ion, une vision de ce passé.

Mais ces témoignagesposent problème.

Tout d'abord, parce qu'ils peuvent prendre des formes variées: ce sont aussi bien des vestiges matériels (des ruines, un camparchéologique..) que des témoignages écrits (mémoires) ou oraux (légendes).

Son matériel de départ est donc multiforme.

Prenons l'exemple detémoignages écrits.Que prétend-il en faire? Es t-ce qu'il prétend par exemple, à la lumière de ces documents, avoir une vision des choses aussi exacte que celle descontemporains ? Cela semble une gageure impossible à tenir: il est à première vue trop mal placé, trop éloigné de son objet d'étude.

C ela relèverait du tourde force: surmonter la distance temporelle, pour connaître les événements aussi bien que les protagonistes.

Il semblerait donc que dans s on projet même,l'histoire, en ce sens, soit grevé d'un défaut, d'une tare de départ.

On y reviendra.Ensuite, remarquons qu'il ne peut pas admettre tous les témoignages tels quels: c ertains s ont contradictoires entre eux, il faudra opérer des choix.L'historien est volontairement partiel, est-il partial pour autant? C omment s'y prend-il pour opérer ses choix?En fait, choisir certains témoignages contre d'autres, cela ne veut pas dire que l'historien admet ce qui est écrit ici, rejette ce qui se trouve là. Tout d'abord, il soumet c es documents à une critique: qui a écrit cela, dans quel but, l'auteur est-il de parti pris, quelle est s on intention...

Or un documentn'est jamais neutre, il reflète la position de son auteur.

On a même parfois à faire à des "faux"! Par exemple, l'événement qui a déclenché la guerre de 1870est une certaine lettre écrite par Bismarck depuis la ville d'Ems, qui contenait des termes injurieux pour la France et qui est tombée entre"malencontreusement" entre les mains des services secrets français.

Cette lettre a eu l'effet d'"un chiffon rouge sur le taureau gaulois".

N'obtenant pasréparation, la France a déclaré la guerre à la P russe.

Et ce n'est que réc emment que certains historiens ont pu établir que Bismarck avait écrit cette lettreintentionnellement et a tout fait pour qu'elle tombe entre les mains des français! Son but était de faire l'unification de l'A llemagne (à l'époque éclatée enquelque 300 Etats) dans une guerre contre la France! Pour cela, il fallait que ce soit la France qui déc lare la guerre.On voit donc qu'un document n'exprime jamais un point de vue neutre, il est toujours à critiquer.

L'historien ne peut pas espérer y trouver la "vérité" del'événement qu'il étudie: il y trouvera plutôt l'expression de la situation historique et idéologique de son auteur.

Sa vocation n'est pas de déterminer lavéracité de certains documents pour en transposer le contenu comme vérité historique.

L'historien écrit l'his toire à partir de documents, mais contre cesdocuments.

Il ne construit pas tellement sa thès e à partir des documents qu'il a choisis, mais aussi bien, à l'inverse, il c hoisit ses documents en fonction dela thèse qu'il veut soutenir.D'ailleurs tout témoignage sur un événement bien précis, même s'il est s incère, reste prisonnier de la perspective de son auteur.Si l'on prend l'exemple de la bataille de Waterloo, que sera la vérité de cette journée, où la cherc her? Est-ce qu'on peut dire, par exemple, que faire l'histoirede la bataille de Waterloo va consister à faire la synthèse de tous les témoignages dont on dispose sur cette bataille? A collationner, par exemple, les récitsde tous les participants? On serait alors fac e à une quantité considérable de documents, mais s urtout la synthèse va en être impossible.

Chacun raconterace qu'il aura vu, mais il y aura certainement des versions contradictoires.

T out se passe comme si l'événement en question se dissolvait dans la masse destémoignages dont on dispose à son égard: on n'a plus que des versions subjectives d'un événement dont l'objectivité est introuvable.L'événement "Waterloo" ne peut pas être as similé à la totalité des témoignages sur Waterloo.Et même si on ne prend que quelques-uns de ces témoignages, lesquels retenir?Par exemple, dans la Chartreuse de Parme , on trouve un récit de la bataille, vue par le héros, Fabrice D el Dongo: "Il avait beau regarder du côté d'où venaient les boulets, il voyait la fumée blanche de la batterie à une dis tance énorme, et, au milieu du ronflement égal et continu produit par les coups decanon, il lui semblait entendre des décharges beaucoup plus voisines; il n'y comprenait rien du tout ." Fabrice était donc sur le terrain des opérations, n'a rien vu, rien compris, il n'a même pas vu d'ennemi!On pourrait objecter qu'il était simplement mal placé?Prenons alors l'exemple de quelqu'un qui était "bien placé": en première ligne, au coeur de la fournaise.

Que pourra-t-il raconter de cette journée?Uniquement ce qu'il aura vu, c'est-à-dire pas grand chose: les ennemis qu'il aura tués, ses voisins qui tombaient autour de lui, la peur qu'il aura eue, lafumée qui l'empêchait de voir...

Une bataille comme tant d'autres! Tout ce qu'il aura vu, c'est en fait plutôt ce qui l'empêchait de voir autre chose, ce quecette bataille avait d'historique.

Engagé dans la mêlé, il y a fort à parier qu'il ne pensait qu'à sa propre survie, qu'il ne cherchait pas plus loin qu'à s'en sortir.C'est-à-dire que les acteurs réels sont souvent trop engagés dans l'action pour en faire un récit général.Alors prenons quelqu'un qui avait ce point de vue général, qui aurait assisté à la bataille sans y être physiquement engagé: Napoléon, par exemple.

LasCases rapporte à c e sujet, dans le Mémorial de Sainte-Hélène , que le jour anniversaire de la bataille, Napoléon aurait laissé échapper ces quelques mots: "Journée incompréhensible !...

C oncours de fatalités inouïes! ...

Grouchy!...

Ney!...

Derlon! ...N'y a-t-il eu que du malheur!...

Ah, pauvre France!..." Il faut comprendre que Napoléon, qui était sans doute le mieux placé, n'y a pas compris beaucoup plus qu'un Del Dongo.

Il a tout vu, mais ne comprend toujourspas, bien des années plus tard, ce qui s 'est passé: pour lui, en y repensant, il aurait dû, en toute logique, gagner cette bataille.On pourrait conclure en disant que pour rendre compte d'un événement, il n'y a pas de "bon point de vue".En fait, tous ces observateurs sont trop proches de l'événement, ils manquent de la distance nécessaire pour comprendre ce qui s e passe sous leurs yeux.C'est-à-dire que, finalement, celui qui aura le meilleur point de vue, c'est justement l'historien.

C omme il n'a pas assisté à l'événement en question, il ne selaissera pas induire en erreur par sa vision pers onnelle.

Il ne faut donc pas dire que le métier d'historien cons iste à pouvoir raconter un événement passéaussi bien que ceux qui y ont assisté, malgré la distance temporelle qui l'en sépare.

O n pourrait presque dire qu'il s'agit de connaître les hommes du pas sémieux qu'ils ne se connaissaient eux-mêmes, ou comme ils ne se sont jamais connus eux-mêmes!Au contraire, c 'est cette distance temporelle qui va lui permettre d'en faire le récit mieux que tous ceux qui y auront ass isté en personne.

En quelque sorte,pour l'historien, cette distance temporelle est à la fois un obstac le qu'il faut surmonter et un moyen, elle est un garant de son objectivité: il n'est pasimpliqué.D'autant plus que l'historien a un avantage évident sur tous les contemporains de l'événement: il en connaît les retombées, les effets à long et court terme!C'est-à-dire justement c e par quoi cet événement est historique.On a donc vu que l'historien ne se borne pas à reprendre à s on compte ce qu'il aura trouvé dans les témoignages d'époque, ni à en faire la synthèse.

Iltransforme des témoignages subjectifs, toujours sujet à caution, en un discours raisonné, un disc ours qui rend compte de ses raisons.Par exemple, faire l'histoire de la bataille de Waterloo, cela consiste en même temps à tenir compte de ce qu'en dit Napoléon et à dire pourquoi N apoléon n'apas compris ce qui se passait sous ses yeux, c'est-à-dire à donner une évaluation, une critique de son témoignage...Mais alors, est-ce que la science historique ne pourrait pas être définie comme un discours (celui de l'historien) sur un discours (celui des témoins)? Peut-elle encore prétendre à un statut d'objectivité: il semble plutôt qu'elle ne fait que rajouter à la subjectivité des témoignages c elle de leur interprétation!. »

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