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DESCARTES: De la définition des choses obscures

Publié le 18/04/2005

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Il y a bien des choses que nous rendons plus obscures en voulant les définir, parce que, comme elles sont très simples et très claires, nous ne pouvons mieux les connaître ni les percevoir que par elles-mêmes. Bien plus, il faut mettre au nombre des principales erreurs qui se puissent commettre dans les sciences, l'erreur de ceux qui veulent définir ce qui doit seulement être conçu, et qui ne peuvent pas distinguer les choses claires des choses obscures, ni discerner ce qui, pour être connu, exige et mérite d'être défini de ce qui peut très bien être connu par soi-même. Je ne crois pas, en effet, qu'il y ait eu jamais personne d'assez stupide pour avoir besoin d'apprendre ce que c'est que l'existence avant de pouvoir conclure et affirmer qu'il existe. Il en est de même pour le doute et pour la pensée. J'ajoute même qu'il est impossible d'apprendre ces choses autrement que par soi-même et d'en être persuadé autrement que par sa propre expérience et par cette conscience ou par ce témoignage intérieur que chacun trouve en lui lorsqu'il se livre à un examen quelconque. Si bien que, tout de même qu'il est inutile de définir le blanc pour faire comprendre ce que c'est, pour savoir ce que c'est que le doute, et la pensée, il suffit de douter et de penser. Cela nous apprend tout ce que nous pouvons savoir à cet égard et même nous en dit plus que les définitions les plus exactes. DESCARTES

Toute science gagnerait, semble-t-il, en rigueur, si elle commençait par définir les notions qu'elle utilise. À cet égard, les mathématiques fournissent un exemple très encourageant : la définition contribue à leur exactitude. Or, dans ce texte, Descartes montre que certaines choses ne peuvent être définies, ou même ne doivent pas l'être, sous peine d'être rendues plus obscures. S'il en est ainsi, c'est que ces choses font l'objet d'une expérience intérieure qui se passe du langage. C'est donc, d'une manière générale, à travers le problème précis de la définition, la question des rapports de la pensée et du langage qui est posée.

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« sur des signes. II.

La volonté de tout définir est une source d'erreurs. La volonté de tout définir semble donc doublement limitée :— il y a des cas où on ne peut pas définir;— même si on pouvait définir, cela ne serait pas souhaitable.

À cette double limite, on peut fairecorrespondre un double danger qui justifie de faire de cette volonté de tout définir une des « principaleserreurs » dans la connaissance. 1.

Le danger du cercle.Vouloir définir le simple, c'est entrer dans un cercle, puisqu'on ne pourra le faire qu'en cherchant à expliquerle simple par le complexe.

La connaissance doit au contraire clairement indiquer quelles sont ses notionspremières (indéfinissables), et quelles sont ses notions dérivées (définissables), au lieu de tout mettre sur lemême plan. 2.

Le danger du formalisme.Vouloir tout définir, c'est tomber dans le piège du formalisme.

On ne raisonne plus que sur l'enveloppe deschoses et non sur les choses mêmes.

Au lieu d'éprouver la chose, on se dispute sur sa définition.

Le risqued'une dispute de mots est encore accentué si la définition proposée est reçue de l'autorité d'un Ancien.

Lesecond paragraphe du texte fait allusion à cela : c'est la philosophie « scolastique » qui estvisée. III.

Un « témoignage intérieur ». 1.

Une vérité apprise de soi.Ces choses que nous ne pouvons définir, d'où les connaissons-nous? C'est à cette question que répond ledeuxième paragraphe.

On ne peut certes les avoir apprises d'autrui, car alors, elles nous auraient étécommuniquées sous la forme d'une définition.

C'est donc qu'elles sont l'objet d'une épreuve intérieure.

Là estl'essentiel du texte : c'est parce qu'il existe une épreuve intérieure qui nous apprend certaines choses sansle secours du langage, qu'il est inutile de chercher à définir ces choses au moyen du langage.

Bien plus, ceserait faire retomber dans la confusion du langage ce qui y échappe, parce qu'il est l'objet d'une expérienceclaire.

Définir la chose sera nécessairement en altérer la clarté, car le langage ne pourra qu'y ajouter desimprécisions, des ambiguïtés. 2.

L'image de l'aveugle.— L'image de l'aveugle montre que nous ne tenons pas ce savoir d'autrui.

Bien au contraire, si nous pouvonscomprendre autrui quand celui-ci parle de certaines choses, c'est parce que d'abord nous en avons uneconnaissance directe.

Si quelqu'un peut me comprendre quand je dis « blanc », c'est par l'expérience qu'il alui-même du blanc.— L'image a cependant une limite : si nous nous référons aux exemples donnés par Descartes (l'existence, ledoute...), nous découvrons que ces notions «très simples et très claires » ne sont pas acquises aux moyensdes sens.

Elles sont au contraire l'objet d'une « perception » intellectuelle. IV.

L'épreuve de la pensée par elle-même. Analysons justement les trois exemples donnés par Descartes : l'existence, le doute, la pensée.Je n'ai pas besoin d'apprendre ce que signifie « pensée », car, dans la pensée, je m'éprouve moi-même entrain de penser.

Penser, c'est penser que l'on pense.

Pour savoir ce que c'est que « penser », il suffit que jeprête attention à l'épreuve que j'ai de ma propre pensée.

Cette épreuve de la pensée par elle-même estaussi, identiquement, l'épreuve de ma propre existence.

M'éprouver en train de penser, c'est m'éprouvermoi-même, c'est éprouver ma propre existence.

Pour autant que douter, c'est encore penser, le douteparticipe de la certitude immédiate que la conscience a d'elle-même : quand je doute, je m'éprouve en trainde douter, je me connais comme doutant.

Je n'ai pas besoin d'autre chose que de cette conscience réfléchiepour savoir ce que c'est que douter.Ces trois exemples se confondent en un seul : la certitude que la pensée a d'elle-même.

Celle-ci est au-delàdu langage et donne sens aux mots « douter », « exister », « penser ».

Nous savons, par ailleurs, la placecentrale de cette certitude dans la philosophie de Descartes : le doute qui ouvre la philosophie se convertit,dans la deuxième des Méditations métaphysiques, en certitude que la pensée qui doute a d'elle-même.Pour conclure, nous dirons que l'épreuve que la pensée fait d'elle-même est un fait primitif.

Il ne peut seramener à aucun autre.

Il n'est connu que par soi, au double sens de l'expression :— il n'est pas connu par autre chose que lui-même;— il est connu à l'intérieur de soi, et n'est reçu de personne d'autre Son caractère primitif en fait ce qui, parexcellence ne peut être défini. B.

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