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ROUSSEAU: l'homme et l'enfant

Publié le 29/04/2005

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rousseau
Le seul qui fait sa volonté est celui qui n'a pas besoin pour la faire de mettre les bras d'un autre au bout des siens: d'où il suit que le premier de tous les biens n'est pas l'autorité mais la liberté. L'homme vraiment libre ne veut que ce qu'il peut et fait ce qu'il lui plaît. (...) La société a fait l'homme plus faible, non seulement en lui ôtant le droit qu'il avait sur ses propres forces, mais surtout en les lui rendant insuffisantes. Voilà pourquoi ses désirs se multiplient avec sa faiblesse, et voilà ce qui fait celle de l'enfance comparée à l'âge d'homme. Si l'homme est un être fort et si l'enfant est un être faible, ce n'est pas parce que le premier a plus de force absolue que le second, mais c'est parce que le premier peut naturellement se suffire à lui-même et que l'autre ne le peut. ROUSSEAU

Dans ce texte, Rousseau (1712-1778) aborde la question de la liberté, et plus exactement celle du statut de la liberté en société. Si, pour l'auteur, la vie sociale est incompatible avec l'existence libre, ce n'est pas seulement parce qu'elle est source d'interdits et de limitations juridiques ou morales. C'est surtout qu'elle développe un tel lien à l'autre que chacun ne sait plus rien faire seul : l'homme socialisé doit toujours compter sur et avec les autres pour vivre. On peut penser ici, pour approfondir la perspective esquissée par Rousseau, à la division du travail qui impose à chacun de se spécialiser et d'échanger les biens qu'il produit au-delà de ses propres besoins contre ceux dont il ne peut se passer. Le cordonnier ne saurait, à lui seul, se nourrir de ses semelles; il lui faut donc échanger avec d'autres.

rousseau

« b.

Ainsi «l'homme vraiment libre ne veut que ce qu'il peut».

En ajoutant «et fait ce qu'il lui plaît», Rousseau soulèveune difficulté: car ce qui plaît n'est pas toujours raisonnable et modéré.

Un individu peut plaire à un autre et unerelation amoureuse peut s'engager: Foin d'être une expérience de liberté, l'amour plongera l'amant dans ladépendance.

Il faut donc savoir ne pas toujours suivre ce qui plaît si l'on veut rester libre.

Il convient donc decomprendre ainsi le propos de l'auteur: l'homme libre ne veut que ce qu'il peut et, dans tes limites de sa puissance, ilfait tout ce qui lui plaît.

Il a donc la sagesse de ne pas vouloir ce qui lui plaît dès lors que cela l'entraîne à dépendred'autrui.c.

Par définition, la société est plus qu'une somme d'individus: elle ne forme un véritable tissu social qu'à la conditionque des liens soient noués entre chacun de ses membres.

Les liens sociaux sont très variés: professionnels,civiques, juridiques, moraux, religieux, familiaux, associatifs, administratifs, amoureux...

Vivre en société, c'est seretrouver au carrefour de relations qui sont autant d'expressions de notre dépendance.Cette soumission tend à se renforcer à mesure que le lien à l'autre s'apparente à un besoin.

Or plus l'homme désireau-delà de ses moyens, plus il doit compter sur les autres pour être satisfait.

C'est ainsi qu'il s'affaiblit et retrouve lacondition de l'enfant.

C'est bien, aux yeux de Rousseau, l'influence pernicieuse de la société que de multiplier lesdésirs vains: la comparaison avec les autres fait vouloir posséder ce qu'ils ont, et même plus.

L'amour-proprecorrompt l'homme social et fait de lui un être asservi, souvent servile. Question 3 Si l'on définit la liberté par la capacité à faire ce que l'on veut, alors on peut facilement en déduire que l'homme librel'est d'autant plus que ses désirs ne le poussent pas à faire appel à d'autres forces que les siennes.

Dépendre desautres représente toujours un risque de refus, d'obstacle, de contrainte.

Mais peut-on vraiment ne dépendre que desoi? Il faut imaginer la condition d'une humanité dispersée et non socialisée pour pouvoir concevoir un homme s'entenant toujours à ses seules forces.

Un tel individu aurait des désirs limités à ses besoins les plus élémentaires etdevrait avoir la chance de vivre dans un milieu naturel hospitalier.

Ce tableau, plutôt fruste, voire animal, de la vielibre ne correspond pas à celui de l'humanité que nous connaissons qui est toujours engagée dans l'expériencesociale.

Si l'on va jusqu'à définir l'homme par le lien à l'autre, autrement dit par son caractère social et culturel, ildevient impossible de concevoir qu'il puisse ne dépendre que de lui-même.

Les Anciens répètent à l'envi quel'autarcie est une condition divine et non pas humaine.

Celui qui erre «sans feu ni lieu» est soit un dieu, soit unmonstre.

Ce qui lie les hommes n'est pas seulement la nécessité d'une coopération sociale en vue d'une productionsuffisante de richesses.

Ce n'est pas tant l'utilité que l'amour qui peut rendre un individu indispensable à un autre.Aimer, c'est précisément ne plus dépendre que de soi.

Qu'il s'agisse de l'amour de l'amant, du père ou de la mère, dupatriote ou de l'ami, quand on aime, on place son bonheur sous condition.

Est-ce à dire que l'amour estasservissement? Faut-il choisir entre aimer ou être libre?ll faut se dégager de la conception commune de la liberté pour pouvoir la concilier avec l'amour.

Car s'il est vrai quela dépendance amoureuse exclut toute forme d'indépendance, en revanche ce lien arrache le sujet à une existencesolitaire, centrée sur elle-même et dans laquelle il ne peut que s'enfermer.

Savoir se représenter ses intérêts, avoirla sagesse de ne désirer que ce qu'il faut, être efficace dans la conduite de sesaffaires..., tout cela caractérise un individu libre de faire ce qu'il veut.

Mais dans un univers ainsi réglé et sanssurprise, où rien ne résiste, où la vie coule dans le plaisir des éternelles satisfactions, quelque chose pèse: commentsupporter de ne vivre que pour soi, sur soi, en l'exil intérieur d'une âme irréductiblement à distance des autres? Laliberté ne surgit-elle pas quand vient à se briser le cours de cette existence solitaire, par exemple quand elle selaisse envahir par la passion? L'amour, en m'aliénant à l'autre, me libère de moi-même.

II me plonge dans le désirexacerbé d'une présence dont je ne me contente jamais et qui me tourne vers l'avenir, à force de promesses.

C'estdans la fièvre amoureuse que je découvre qu'il y a de l'autre.

Cette découverte n'est possible qu'en devenantétranger à soi-même: l'amour nous change, nous rend imprévisibles, nous fait faire ce que n'aurions jamais imaginépouvoir faire.

C'est dans la relation à l'autre que la liberté s'éprouve, non pas comme le pouvoir abstrait de faire ceque l'on veut mais dans l'expérience intime d'une existence qui cesse d'être figée et qui s'invente de nouveauxpossibles.L'élan amoureux ne nous asservit donc pas à l'être aimé.

C'est au contraire dans la tension vers l'autre, versl'inconnu qu'il représente, que je me libère du poids de ma propre subjectivité, de mon identité et que mon existencetrouve du sens et de la légèreté.

Ne dépendre que de soi, c'est se condamner à rester prisonnier de soi-même.. »

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