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ROUSSEAU: Amour, instinct et raison

Publié le 08/05/2005

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Sitôt que l'homme a besoin d'une compagne, il n'est plus un être isolé, son coeur n'est plus seul. Toutes ses relations avec son espèce, toutes les affections de son âme naissent avec celle-là. Sa première passion fait bien-tôt fermenter les autres. Le penchant de l'instinct est indéterminé. Un sexe est attiré vers l'autre : voilà le mouvement de la nature. Le choix, les préférences, l'attachement personnel sont l'ouvrage des lumières, des préjugés, de l'habitude : il faut du temps et des connaissances pour nous rendre capables d'amour : on n'aime qu'après avoir jugé, on ne préfère qu'après avoir comparé. Ces jugements se font sans qu'on s'en aperçoive, mais ils n'en sont pas moins réels. Le véritable amour, quoi qu'on en dise, sera toujours honoré des hommes : car, bien que ses comportements nous égarent, bien qu'il n'exclue pas du coeur qui le sent des qualités odieuses, et même qu'il en produise, il en suppose pourtant toujours d'estimables, sans lesquelles on serait hors d'état de le sentir. Ce choix qu'on met en opposition avec la raison nous vient d'elle. On a fait l'amour aveugle, parce qu'il a de meilleurs yeux que nous, et qu'il voit des rapports que nous ne pouvons apercevoir. Pour qui n'aurait e idée de mérite ni de beauté, toute femme serait également bonne, et la première venue serait toujours la plus aimable. Loin que l'amour vienne de la nature, il est la règle et le frein de ses penchants : c'est par lui qu'excepté l'objet aimé, un sexe n'est plus rien pour l'autre. ROUSSEAU.

POUR DÉMARRER    Voilà un discours en partie inattendu, dans lequel Rousseau nous explique que l'amour, source de toutes les passions, n'est pas un instinct fruit de la nature, plus précisément de la division sexuelle, mais de la raison. Il nous fait retrouver, dans ce domaine d'où elle avait été exclue, cette raison omniprésente dans la pensée du xviiie siècle.    CONSEILS PRATIQUES    C'est dans le raisonnement de Rousseau que se trouve la difficulté réelle de ce texte. Notez qu'il semble bien partir de la position traditionnelle (son coeur n'est plus seul), position qu'il va ruiner progressivement en faisant de l'amour une démarche complexe, souvent inconsciente, de la raison jugeant, comparant, préférant ; il aboutit ainsi dans la dernière phrase à la conclusion tout à fait opposée à son point de départ. Expliquez bien tous les termes qui se rapportent à la raison s'appliquant à créer l'amour, car ce vocabulaire est un élément essentiel de la démonstration.    BIBLIOGRAPHIE    ROUSSEAU, Émile ou de l'éducation, Éditions de poche. La Nouvelle Héloïse, Garnier-Flammarion.  Les Confessions, Garnier-Flammarion.  Discours sur les sciences et les arts, Éditions de poche. Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes, Éditions de poche.

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« que nous ne pouvons apercevoir.

Pour qui n'aurait nulle idée de mérite ni de beauté, toute femme serait égalementbonne, et la première venue serait toujours la plus aimable.

Loin que l'amour vienne de la nature, il est la règle et lefrein de ses penchants " J.J.

ROUSSEAU Note : * l'ouvrage des lumières : l'ouvrage de la raison Le corrigé proposé: L'objet de ce texte est de mettre en évidence le rôle que joue la raison non pas dans la formation des instincts, mais dans leurdétermination.

Le choix de l'être aimé est souvent présenté comme irréductible à la raison, Rousseau va contre cette certitude pourdire que la raison y joue un rôle décisif.

L'enjeu y est de soutenir la thèse que l'amour, loin de venir de nos penchants, est, en vérité,ce qui contribue à les affiner, à les canaliser, au point de leur donner un objet.

L'amour échappe ainsi à la critique ordinaire que l'ondresse des passions comme nous écartant de la raison.

Rousseau va contre le sens commun associant l'amour à une passionsoustraite à l'emprise de la raison, et discréditant l'amour à ce titre.

L'amour est un élément de la raison, l'indice de la raison en nous,le prolongement rationnel de la nature qui est à l'oeuvre en chacun de nous. L'amour procède-t-il de l'instinct, ou bien d'un jugement de la raison ? (réponse : l'amour est, à notre insu, l'effet de la raison en nous,et il oriente nos instincts, pon ne saurait réduire l'amour à un instinct puisqu'il tranche avec la spontanéité indistincte qui leur estpropre.) On peut distinguer trois mouvements dans ce texte : jusqu'à "...

on ne préfère qu'après avoir comparé." : Rousseau commence par poser la différence qu'il y a entre l'indétermination du"penchant de l'instinct", et l'oeuvre de la raison qui sélectionne un objet parmi une infinité.

Il faut insister sur la différence très claireque pose Rousseau entre l'indétermination et l'idée de choix.

L'amour est un jugement, et se distingue de l'instinct sans lui êtrecontradictoire.

L'amour n'est pas l'élection spontanée d'un individu, il est, mais à notre insu, l'effet de préjugés, de la raison ou del'habitude.

Il importe d'ailleurs d'insister sur ce qui distingue ces différentes sources.

L'instinct est indéterminé.

L'amour estprédéterminé.

De "Ces jugements ..." jusqu'à "...hors d'état de le sentir." : l'objet de ce second mouvement est, après avoir posé une différenceentre l'instinct - indéterminé - et l'amour -prédéterminé -, Rousseau, qui veut combattre le sens commun identifiant l'amour à une seulepassion déraisonnable, montre que c'est à notre insu que l'amour exerce le jugement.

L'essentiel de ce mouvement est de comprendrece que signifie Rousseau quand il dit qu'on serait hors d'état de sentir sans la considération de qualités estimables.

(Le texte est iciambigu : les qualités estimables sont-elles celles de l'être aimé, ou celles de l'amant ? Il semble que les deux lectures soientpossibles) Si l'amour témoigne de qualités estimables chez celui qui aime, alors l'amour est l'indice de notre raison, s'il procède de laconsidération des qualités estimables de l'être aimé, alors on peut presque rendre raison de l'amour, expliquer l'amour selon desraisons objectives.

De "ce choix..." jusqu'à la fin : Si l'instinct est indéterminé, le choix amoureux d'un être aimé procède, en conséquence, de la raison.Faire de l'instinct un élément d'indétermination, c'est faire du choix un élément de la raison.

Rousseau s'en prend à l'illusion de celuiqui tient l'amour pour aveugle, parce qu'une telle illusion procède, en vérité, d'un traitement exclusif de l'amour selon la logique desinstincts.

Si l'amour nous semble aveugle, ce n'est pas parce qu'il s'attache à un être aveuglément, c'est parce qu'il le fait, à notreinsu, pour des raisons qui témoignent de la présence de la raison à l'oeuvre en chacun de nous.

L'amour nous semble aveugle parceque nous ne voyons pas qu'il voit ce que nous ne voyons pas.

L'amour est sélection, choix, élection.

Il tranche dans l'indistinctioninstinctive.

L'élection d'un être aimé tient à des considérations qui échappent à l'indétermination des instincts.

L'amour nous affranchitde la nature en nous.

Plus exactement, il participe du mouvement par lequel la nature est en nous canalisée.

Il n'y a pas d'amour sanshistoire, sans civilisations.

Si le mouvement d'un sexe vers l'autre est spontané - effet de la nature en nous -, le choix d'un autre estl'effet de l'histoire en nous. Le corrigé souhaité en échange de votre envoi: http://www.devoir-de-philosophie.com/passup/themes.php?PARAMS = 3614 I - LA THESE DU TEXTE La question de Rousseau pourrait être : qu'est ce qui relève de la nature chez l'homme ? Question qui lui permettrade montrer que celle-ci n'a qu'un rôle très limité et que c'est bien plutôt le développement de la culture qui crée lesqualités propres à l'homme. II - L'ETUDE ORDONNEE Dans une première partie, l'auteur distingue l'instinct et le jugement : le premier est relativement simple : c'est unpenchant qui nous pousse à un certain comportement.

Par exemple, il n'y a pas de choix de l'objet, la pulsion pousseun sexe vers l'autre et ce, par une sorte d'automatisme naturel.

Les possibilités de l'homme sont alors bornées à sesinstincts. Le jugement, au contraire, ne peut se développer que dans le cadre de la culture. Les passions ne sont pas le prolongement de l'instinct chez l'homme, mais le travail de la raison.

Ce qui estsignificatif, c'est que les passions sont la conséquence de notre capacité de jugement.. »

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