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Est-il possible de mentir sans s'en rendre compte

Publié le 21/03/2004

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mentir

Mentir, c ' est «affirmer ce qu on sait être faux ou sait être vrai« (Larousse, Le Robert). L'acte de mentir implique donc une conscience du mensonge ; par définition, il semble impossible de mentir sans s'en rendre compte. Pourtant, cette vue ne peut-elle être remise en question ? Il convient icide prendre garde que la problématique ne porte pas tant sur le problème de la vérité sue sur celui de la vérité ou plutôt de la fausseté dans son rapport à la conscience, que met enjeu l'expression «se rendre compte«. On évitera donc le contresens qui consisterait à traiter du problème de l'erreur au lieu de celui du mensonge.

mentir

« le Néant, J.-P.

Sartre, en particulier, a estimé que l'attitude de la mauvaise foi suffit en réalité à expliquer les conduites dont Freud voulait rendre compte par son hypothèse del'inconscient. b) L'affirmation de la mauvaise foiLa mauvaise foi est un mensonge à soi.

Tandis que dans le simple mensongeje masque consciemment la vérité à autrui, «dans la mauvaise foi, c'est àmoi-même que je masque la vérité.

Ainsi la dualité du trompeur et du trompén'existe pas ici.

La mauvaise foi implique au contraire par essence l'unité d'uneconscience.

(L'Être et le Néant, p.

87).• Le problèmeMais dès lors cette unique conscience peut-elle se mentir à elle-même,puisqu'elle sera nécessairement consciente de son mensonge ? En effet,observe Sartre, «je dois savoir en tant que trompeur la vérité qui m'estmasquée en tant que je suis trompé.

Mieux encore, je dois savoir trèsprécisément cette vérité pour me la cacher plus soigneusement —et ceci nonpas à deux moments différents de la temporalité — mais dans la structureunitaire d'un même projet.

Comment donc le mensonge peut-il subsister si làdualité qui le conditionne est supprimée ?A cette difficulté s'en ajoute uneautre qui dérive de la totale translucidité de la conscience.

Celui qui s'affectede mauvaise foi doit avoir conscience (de) sa mauvaise foi puisque l'être de laconscience est conscient d'être.

Il semble donc que je doive être de bonnefoi au moins en ceci que je suis conscient de ma mauvaise foi.

Mais alors toutce système psychique s'anéantit.

(id., pp.

87-88). • La solution sartrienneA ces difficultés Sartre répond en faisant observer que la mauvaise foi, toujours précaire et évanescente, est unesorte de mouvement psychologique ambigu qui joue continuellement sur les dualités propres à l'être humain.L'homme est en effet à la fois un corps (une chose) et une conscience (un esprit, une âme).

Il est à la fois unefacticité, c'est-à-dire quelque chose de déjà fait (il est un passé, ce qu'il a été) et une transcendance, il estfondamentalement un projet, une continuelle nouveauté (il est ce qu'il fait).

Il est un être pour lui (à son propreregard), mais il est aussi un être pour autrui (au regard d'autrui).L'attitude de mauvaise foi, par laquelle oh refuse de synthétiser ou de coordonner ces doubles propriétés, consiste àglisser continuellement de l'une à l'autre, afin de pouvoir soutenir que nous ne sommes pas ce que nous sommes.• Un exemple Sartre prend l'exemple d'une femme qui a accepté un rendez-vous avec un homme : "Elle sait fort bienles intentions que l'homme qui lui parle nourrit à son égard.

Elle sait aussi qu'il lui faudra prendre tôt ou tard unedécision.

Mais elle n'en veut pas sentir l'urgence : elle s'attache seulement à ce qu'offre de respectueux et dediscret l'attitude de son partenaire.

[...] Elle est profondément sensible au désir qu'elle inspire, mais le désir crul'humilierait et lui ferait horreur.

Pourtant, elle ne trouverait aucun charme à un respect qui serait uniquement durespect.[...] Mais voici qu'on lui prend la main.

Cet acte de son interlocuteur risque de changer la situation enappelant une décision immédiate : abandonner cette main, c'est consentir de soi-même au flirt, c'est s'engager.

laretirer, c'est rompre cette harmonie trouble et instable qui fait le charme de l'heure.

Il s'agit de reculer le plus loinpossible l'instant de la décision.

On sait ce qui se produit alors : la jeune femme abandonne sa main, mais nes'aperçoit pas qu'elle l'abandonne.

Elle ne s'en aperçoit pas parce qu'il se trouve par hasard qu'elle est, à cemoment, tout esprit.

Elle entraîne son interlocuteur jusqu'aux régions les plus élevées de la spéculationsentimentale, elle parle de la vie, de sa vie, elle se montre sous son aspect essentiel: une personne, uneconscience.

Et pendant ce temps, le divorce du corps et de l'âme est accompli ; sa main repose inerte entre lesmains chaudes de son partenaire : ni consentante ni résistante — une chose".

(id., pp.

94-95).

Cette femme, ditSartre, est de mauvaise foi.Cette jeune femme joue en effet ici sur la dualité corps-esprit ; "tout en sentant profondément la présence de sonpropre corps—au point d'en être troublée peut-être — elle se réalise comme n'étant pas son propre corps et elle lecontemple de son haut comme un objet passif auquel les événements peuvent arriver, mais qui ne saurait ni lesprovoquer ni les éviter, parce que tous ses possibles sont hors de lui".

(id.).• Ainsi donc, l'attitude de mauvaise foi c'est de poser notre réalité comme étant ce qu'elle n'est pas, et n'étant pasce qu'elle est ; "c'est fuir ce qu'on ne peut pas fuir, pour fuir ce qu'on est".

Mais la mauvaise foi est précaire en cesens que la conscience peut à tout moment prendre conscience de sa mauvaise foi et la ruiner ainsiinstantanément, ce qui n'est pas possible dans l'hypothèse freudienne de l'inconscient, lequel par définition est cequi échappe à la conscience. Conclusion Bien que cette proposition enveloppe une sorte de paradoxe et de contradiction, il n'est pas impossible de soutenirque l'on peut mentir sans s'en rendre compte, que l'on se fonde pour l'affirmer soit sur l'hypothèse de l'inconscient,soit sur l'analyse de la seule mauvaise foi.. »

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